Les grisailles de l\'incertitude.

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  • Article ajouté le : 29 Mardi, 2018 à 09h05
  • Author: Abdou DIENE

Les grisailles de l\'incertitude.

J’ai passé un weekend terne et songeur dans un paysage saturé de polémiques parfois stériles, quelques fois démesurés, souvent mal placés ; une monotonie, heureusement, cassée par de petites rencontres qui ont su cracher par-ci et par-là des jets de couleurs dans un paysage généralement gris… N’eut-été cela je serais en mesure de dire que tout est gris et incertain. Je doute de tout !

Au Sénégal, nous débordons d’énergie. Mais elle est souvent gaspiller dans des futilités qui nous écartent de l’essentiel. Ainsi les grisailles de l’incertitude peignent notre quotidien avec des mains de maître. Nos projets souffrent le martyr et tentent de se démettre de l’emprise du doute. Nous nous efforçons à entretenir un espoir qui n’est fondé sur rien de solide. Que nenni, si ce n’est sur un socle de fatalisme !

Nous fantasmons sur l’avenir. Nous nous efforçons à y croire mais les actes posés sur la face de nos journées filantes ne présagent rien de limpide. Ils clouent notre optimisme, déjà, dopé par de fortes doses de « Yalla baxna ».

Si vous avez une fois eu la chance d’observer une étoile filante, vous devinerez comment nos jours sont insaisissables. Ils nous filent entre les doigts sans qu’on ne puisse les transformer en quelque chose de concret. De grâce, je ne parle pas d’accomplissement matériel et individuel. Je parle de communauté. Je parle de société. Je parle de Nation, de culture, de civilisation etc. J’espère que vous êtes conscients que si notre quotidien nous file sous le nez, il en sera de même pour l’avenir. Car l’avenir c’est aujourd’hui !

Notre devenir se construit à la mesure de nos efforts. Questionnons-nous ? Essayons de savoir qu’est-ce que nous faisons, jusque-là, de nos pseudo-qualités tant chantées au grand jour par un égo démesuré qui se croit plus futé et plus pieux que tout le monde. Nous avons la face tellement voilée que nous avons souvent du mal à se reconnaître devant un miroir, reflet de nos actes. Nous sommes pourtant prompts à critiquer autrui. Nos faiblesses nous tutoient en permanence sans que nous ne puissions-nous en rendre compte … De-là se pose un problème fondamental, un vide laissé par un manque de repère et d’honnêteté envers soi-même.

Pour remédier à tout cela, je vous propose une démarche. Individuellement, nous devons avoir le cran de nous instituer un entretien périodique objectif avec notre propre égo, un rendez-vous à ne pas rater. De cette dialectique, germeront des réponses aux questions que notre conscience nous pose et que notre égo étouffe : qui sommes-nous ? Qu’elle est notre place dans ce monde ? Sommes-nous ce qui nous prétendons être ? …

Je pense que nous découvrir, mieux nous connaître et nous réconcilier avec nous-mêmes est une condition d’une existence digne, épanouie et constructive. Si nous avons ambition de construire de Nations solides, nous devons faire violence sur nous-mêmes, se départir de nos tares et travailler sur nos qualités. Car la grandeur d’une société est la somme des valeurs de ses Hommes.

Je le redis encore. Le monde va mal. Il souffre d’un dysfonctionnement causé par la main de l’Homme dans l’ordre naturel. De déséquilibre en déséquilibre, c’est le sauve-qui-peut. Une opposition d’intérêts installe des relations de dominant et de dominé. Le monde devient une terre de conflits latents permanents. Possibilité est donnée, cependant, à chaque société de choisir son rôle ou de se contenter des restes.

Jusque-là, notre place dans ce « rendez-vous du donner et du recevoir » qui n’est en réalité qu’une jungle à la limite, dans laquelle la légitimité d’un pays se mesure au poids de son économique, et de ses armes etc. est au meilleur des cas sur le banc des faibles victimes. Victimes, à tort ou à raison ; nous nous transmettons de génération en génération la conviction que nous ne saurions exister sans le regard d’autrui. Nos systèmes sont construits dans cette moule qui fait du tutorat occidental un principe existentiel. Ils font nourrir un penchant à séduire autrui, les yeux toujours rivés vers l’Occident. Comprenez bien par-là notre lamentable conception de la diplomatie de la « pensée importée », la totale mise en disposition de nos économies pour le compte de l’Occident, sa forte implication dans nos affaires d’Etats etc.

Notre forte perméabilité culturelle et la volatilité de nos principes et valeurs sont le fruit d’une longue politique de dévalorisation sociale et d’aliénation. Le malheur est que ça continue jusqu’à présent et produit des personnes qui trouvent dans une certaine mesure normales et même comme des privilèges les abominations perpétrés par le colonisateur en Afrique et dans le tiers-monde. Et quand ce type de réflexion sort de la tête d’un Chef d’Etat, comme c’est le cas durant le weekend sortant, ça fait pessimiste et ça heurte les consciences qui n’ont pas manqué de manifester leur indignation.

C’est vrai que le « brain wash » suivi de l’endoctrinement de nos Peuples ont fait de nos pays des communautés aisément pénétrables et manipulables. Mais nous sommes au 21e siècle subir un certain sort est plutôt de la complicité.

Peut-on être victime et complice de son propre bourreau ? C’est bien possible. Dans tous les cas nous sommes responsables de notre destin. Soit nous l’assumons pour en être maître, soit nous le déléguons à un autre pour en être esclave. De là naissent les mentalités et toute leurs différences entre elles. C’est sûr et certain que les Nations dominantes ne le sont pas à l’aide d’une baguette magique. Elles se sont faites par la connaissance, le travail, la conquête, la guerre, la compétitivité etc. (par l’escroquerie aussi) ; et pendant plusieurs siècles de labeur … Simplistes, paresseux et naïfs, nous volons vivre les rêves qu’elles nous vendent : une possibilité de jouir de ses conditions d’existence en occultant toutes ces étapes faites de sacrifices, une sorte de raccourci sans peine ni sueur fait d’amusement, de divertissement et de consommation, de superficialité et d’apparence, de mimétisme, de renoncement de ses principes, de reniement de soi. Cela est un subterfuge.

Comment peut-on être autre que soi ? Rien que l’observation des agissements et des comportements de notre élite donne une réponse à cette question. L’éducation est une arme redoutable de domination des Peuples. Elle a servi à leur formatage et au nôtre aussi. Elle est capable d’installer au sein d’un même être un choc de civilisations, un heurt idéologique qui sème le clair-obscur, le doute, un complexe, un défaut d’engagement et de patriotisme…. Ainsi comment faire les sacrifices nécessaires pour bâtir des Etats solides.

Ma seule lueur jaillit lorsque j’observe une certaine jeunesse. Elle a une longueur d’avance sur les autres. Elle est plus fière et plus ambitieuse. Il y a une certaine combustion dans ses tripes, un regain d’orgueil qui l’allume. Elle ne gobe plus notre histoire falsifiée. Elle ne supporte plus la condescendance d’une certaine élite imbue de leur personne.. Il faut l’encourager cette jeunesse qui est dans un combat qui vient juste de commencer car l’Occident et ses « gouverneurs africains » ne resteront pas les bras croisés regarder leurs intérêts s’écrouler.

Un Peuple de plus en plus conscient est un Peuple de plus en plus exigeant ; exigeant envers lui-même mais aussi envers ses dirigeants. Cette prise de conscience est déjà en train d’être contrecarré par le sabotage de notre système éducatif. Cela fait des décennies que notre école ne fonctionne plus comme il se doit. Avec un peu de recul nous nous apercevrons que c’est un plan qui a pour finalité de privatiser l’enseignement et de revoir le contenu suivant les directives des Institutions Internationales. Ces reformes diluent notre système éducatif qui perd progressivement ses qualités. Au final elle ne sera plus dans les dispositions de doter aux apprenants des outils scientifiques efficaces leur permettant de lire le monde avec un regard objectif et la capacité de se mouvoir en tant qu’être intellectuellement épanouis et critiques.

Les universités publiques sont sabotées et les filières orientées « technique-production-commercial » dans la logique de satisfaction matérielle en phase avec une idéologie du marché, de consommation ; occultant ainsi l’essentiel.

L’essentiel c’est de se doter de science, d’un esprit critique. C’est d’être capable de distinguer le vrai du faux, de connaître l’autre mais surtout de se connaître en tant qu’être pensant, en tant que civilisation, en tant que société etc. ; et de développer des moyens de se préserver en tant qu’identité culturelle.

Si nous ne résistons pas à la logique du marché, nous disparaitrons en tant que Nation pour n’être qu’un agrégat d’individus.

Abdou DIENE [email protected]


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