CONSCIENCE DEMOCRATIQUE ET STABILITE POLITIQUE

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  • Article ajouté le : 26 Mercredi, 2020 à 13h08
  • Author: abdoulaye taye

CONSCIENCE DEMOCRATIQUE ET STABILITE POLITIQUE

L’expérience démocratique a subi en Afrique des accouchements convulsifs. La pratique de la démocratie a secoué et ébranlé beaucoup de pays dans leur stabilité souvent violemment. Le processus de maturation de la démocratie se heurte, sous sa forme occidentale, à la mentalité, à la culture et à la société africaine. Pour incarner l’esprit démocratique et le traduire dans son comportement, il faut s’interroger sur les différents aspects de la démocratie, les analyser et les traiter pour mieux les comprendre. La démocratie comme école, prise de conscience, esprit et comportement La démocratie serait-ce une école qui nous prépare à prendre conscience de nos responsabilités politiques et civiles et à les assumer ? Le débat politique et démocratique ambiant et fortement médiatisé (journaux, radios, TV, réseaux sociaux) devrait servir d’école de formation d’un authentique esprit démocratique. L’éducation politique acquise au sortir de cette formation fait émerger en nous le citoyen et l’électeur libre et responsable qui est le premier sujet et acteur de la démocratie. L’âme démocratique qui anime cet électeur lui inspire un discours calme, sage et pertinent décliné en actions constructives, paisibles et utiles mais efficaces. Il vit la démocratie dans son esprit et dans son comportement. La démocratie comme liberté de critiquer, de contester, de protester, de se plaindre, d’agir, de penser et de se réunir La démocratie se confondrait-elle à la liberté de critiquer, de contester, de protester, de se plaindre, d’agir, de penser et de se réunir ? La liberté est une condition nécessaire à l’éclosion et à la manifestation de la démocratie. L’absence de liberté est un handicap majeur pour la démocratie. Toutefois, la nécessité de la liberté exige une responsabilité sans laquelle cette liberté se transforme en un poison qui gangrène le corps démocratique par des discours toxiques et des actions déstabilisatrices qui menacent la paix civile et la stabilité politique. La liberté n’est compatible et utile à la démocratie que lorsqu’elle s’adosse sur la responsabilité. La démocratie comme syndicat ou corporation d’intérêts La démocratie serait-ce un syndicat qui encourage la divergence ethnique, sociale, territoriale et politique en défendant les intérêts corporatifs des divers groupes qui composent la société ? Elle menacerait alors la concorde et l’unité nationale mais aussi le consensus indispensable à la légitimité démocratique. La défense démagogique des intérêts étroits des territoires, des ethnies et des groupes religieux est contraire aux objectifs et aux fondements de la démocratie. La démocratie comme opinion La démocratie se confondrait-elle à une opinion ? L’opinion démocratique est construite et dynamique. Elle doit être purifiée des discours toxiques et des déclarations téméraires, intempestives, malveillantes et démagogiques. Elle doit être protégée contre les tentatives de manipulation distillées par des stratégies de communication et de marketing politique pernicieuses et intéressées. Seule une conscience politique bien formée et bien informée peut se dresser en paravent contre les velléités de déstabilisation, de manipulation, d’intoxication et de contamination de l’opinion. Une opinion saine et bien inspirée est un bon paramètre et un bon marqueur qui reflètent la sante démocratique de l’état. Une opinion clairvoyante est la garantie d’une stabilité politique qui empêche des instabilités gouvernementales et des sanctions électorales inutiles sources d’aventures aux conséquences pas toujours heureuses. La démocratie comme dialogue et concertation La démocratie serait-ce bâti sur le dialogue et la concertation ? La recherche de consensus ne peut se faire sans le dialogue et la concertation entre les différents acteurs politiques et sociaux. Un dialogue franc et sincère et une concertation permanente caractérisent une démarche et une attitude qui favorisent la proximité des acteurs, la convergence, la solidarité, le compromis et la transparence dans la prise de décision. La stabilité sociale, la paix civile et le consensus sont les fruits du dialogue et de la concertation. Une démocratie basée sur la culture du dialogue et de la concertation serait beaucoup plus productive que celle fondée sur la culture du conflit et de la confrontation. La démocratie comme marché, clientélisme et élection La démocratie se confondrait-elle à une mode électorale ? L’élection est une technique démocratique pour choisir des dirigeants politiques. Malgré ses insuffisances, l’élection est adoptée par plusieurs états comme un paramètre valable pour tester la qualité de la démocratie. Néanmoins, le moment électoral ne doit pas tenir lieu de marché où des vendeurs et des acheteurs se rencontrent pour vendre et acheter un produit. Le clientélisme politique à forts coups de marketing et de corruption qui accompagne et caractérise le marché électoral ruine la crédibilité des résultats électoraux qui conduit aux troubles postélectoraux. Pour crédibiliser la légitimité électorale des gouvernements il faut bannir le clientélisme politique basé sur des achats de conscience ou de vote source de contestations et de soubresauts postélectoraux violents qui remettent en cause le verdict démocratique des urnes et alimentent un climat de violence. Chaque acteur politique doit savoir qu’en faisant du clientélisme il participe à la dégradation de la démocratie et qu’il porte la grave responsabilité des conséquences dramatiques et fâcheuses des compétitions électorales. La démocratie comme arène politique La démocratie serait-ce une arène politique où se confrontent des lutteurs prétendant au contrôle politique de la nation ? Tous les coups sont permis pour remporter la victoire. L’argent, les attentats, la calomnie, la manipulation, la démagogie, les mensonges, les complicités, les trahisons, les complots sont les armes pour détruire l’adversaire en face. Leurs discours claironnant la prise en charge des intérêts du peuple ne sont que des masques pour cacher les mobiles profonds que leur dictent leurs ambitions et leurs intérêts personnels qui s’entrechoquent tragiquement et dramatiquement. Toutes les offres de dialogue, de concertation, de compromis sont rejetées par les opposants comme des ruses pour conserver le pouvoir. Toutes démarches, actes de sensibilisation, de mobilisation des populations sont qualifiées par les gouvernants de tentatives d’insurrection pour conquérir le pouvoir. Suspicion, défiance, ruses caractérisent leurs attitudes. Les élections se succèdent et se ressemblent. Les alternances sans alternatives aussi. Les peuples s’indignent, grognent, se révoltent et sanctionnent toujours par le vote sans résultat. Tout le monde s’enferme dans un cercle vicieux où le mécontentement populaire grandissant risque de dégénérer en émeutes aveugles dont les conséquences dramatiques sont toujours payées par les pauvres électeurs. La démocratie comme gouvernement du peuple par le peuple et consensus La démocratie serait-ce le gouvernement du peuple par le peuple ? L’idéal serait que tout gouvernement répond aux aspirations profondes du peuple. Les effets de toutes les actions gouvernementales devraient conduire à l’amélioration des conditions de vie des populations et de leur bien-être social, culturel et écologique. La prise en charge des préoccupations des populations devraient être au centre des décisions de l’état. Mais le peuple est une catégorie composite aux intérêts contradictoires et parfois antagonistes. Les intérêts des capitalistes sont antagonistes avec les intérêts des ouvriers. Les intérêts des femmes sont contradictoires avec les intérêts des hommes. Faut-il déposséder les paysans de leurs terres au profit de producteurs plus aptes à les exploiter efficacement ? Faut-il installer des infrastructures pour permettre aux producteurs d’écouler et de rentabiliser leur production au détriment de la formation des jeunes, de la salubrité de l’environnement, de l’approvisionnement en eau et de la santé des populations? Faut-il augmenter les salaires des fonctionnaires au détriment de la suppression de la TVA sur certains produits à l’avantage de tous les consommateurs ? Toutes ces entités sont des composantes du peuple aux intérêts contradictoires et antagonistes. Il faut un concept de consensus reconnu et accepté par tous fondé sur une approche différentielle et sélective qui objective les différences, les priorités et les nécessités des différents groupes. Les décisions doivent se fonder et se justifier par des arbitrages et des compromis dont la pertinence est convaincante. Le processus consensuel doit être un processus inclusif et participatif. Cela exige de tous les acteurs de tout bord d’être animés par un esprit trempé dans la confiance, la culture de la consultation et du dialogue mais débarrassé des intoxications de la suspicion et de la paranoïa. La démocratie comme multipartisme La démocratie serait-ce confondu au multipartisme ? L’expression de la volonté populaire pourraitelle ne se manifester que dans un contexte multipartisan ? Le cadre du parti unique est-il compatible à la notion de démocratie ? La mode démocratique consacre aujourd’hui le multipartisme comme un étalon pour la démocratie. Les systèmes à parti unique sont décriés à cause de leurs expériences et de leurs pratiques historiques décevantes. Néanmoins, le parti unique n’est pas en soi incompatible avec la démocratie. Un parti unique creuset de tous les courants, accueillant tous les membres de la société, géré à travers un management électoral inclusif, administré par une direction indépendante bien rémunérée se présenterait comme un cadre unitaire de toutes les forces vives où s’exprimerait parfaitement toutes les volontés et les aspirations populaires profondes. Les candidats sont sélectionnés à la base : des villages et des quartiers, en passant par les communes, les départements, les régions jusqu’au plan national. Les députés, les maires, tous les élus ne défendraient que les intérêts du peuple avec conviction au lieu de se morfondre à porter les intérêts d’un parti politique qui ne gère que des intérêts de pouvoir et de position. Le conflit des intérêts partisans contradictoires qui était le moteur de la vie politique se métamorphose en un combat singulier et individuel dont l’ultime mérite des acteurs se mesure à leur engagement sans faille à prendre en charge les intérêts du peuple, les intérêts des électeurs. Le renouvellement de leur mandat est d’ailleurs à ce prix. Le parti unique serait ainsi le cadre idéal pour une parfaite expression démocratique ! La démocratie comme contrôle citoyen par les électeurs La démocratie serait-ce un contrôle citoyen par les électeurs? La démocratie ne peut être contrôlée ni par la société civile ni par l’opposition encore moins par le pouvoir. Ils ont tous des intérêts particuliers à défendre. Les électeurs peuvent leur prêter une oreille mais pas les deux. Seuls les électeurs conscients, libres et responsables sont plus enclins à contrôler et à défendre la démocratie. L’électeur doit s’en remettre à son propre jugement dépouillé de toutes considérations intéressées et égoïstes pour apprécier les actions du gouvernement. Il doit cultiver un esprit critique qui lui permet de bien discerner les conséquences négatives ou positives des décisions gouvernementales. Le parti d’opposition ne lui présente que le côté négatif de la décision, le parti au pouvoir que le côté positif et la position de la société civile est en résonance avec ses mandataires invisibles. La gestion nébuleuse de la société civile contraste lamentablement avec la transparence qui est son cheval de bataille. Son opacité qu’elle tait est à la mesure de la forte demande de transparence qu’elle réclame à haute voix. Pour masquer ce forfait elle a tendance à se pencher du côté de l’opposition pour se donner une crédibilité. L’électeur doit être à équidistance de ces différents acteurs pour mieux poser un arbitrage en faveur de ses intérêts bien compris. La pertinence et la sagesse de ces jugements et arbitrages lui éviteront de commettre des alternances sans alternatives, qui ne sont que le lit d’un éternel recommencement sans succès. La démocratie peut être une bombe qui peut exploser et tout embraser ou un aliment qui nourrit, égaye et rafraichit. Une très bonne compréhension de la notion de démocratie pourrait éviter des confusions dans les esprits et les attitudes qui mènent à des agissements et des discours déstabilisateurs. La paix sociale, civile et politique est un bien que l’on n’apprécie que lorsque l’on l’a perdu. Soyons un électeur conscient, libre et responsable ! Ainsi serons-nous les soldats honorés qui protègent, défendent et sauvent la démocratie pour que l’avènement tant convoité de la maturité démocratique des états africains soit une réalité. Dr Abdoulaye Taye Enseignant-chercheur à l’Université Alioune Diop Initiateur du RBG-AMO Opérateur politique 
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