DEMOCRATIE BORDELIQUE

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DEMOCRATIE BORDELIQUE

Quiconque se sert du bordel démocratique périra par le bordel démocratique. Les activistes, les influenceurs, les acteurs de la société civile occupent sans mandat le débat et le terrain politique. Ils crétinisent les jeunes par les réseaux sociaux et les transforment en brutes par l’activisme. Ils ne s’intéressent pas à la cause démocratique. Seul leur rapport d’influence avec l’opinion compte. Ils ne jouissent de reconnaissance ni morale ni intellectuelle ni sociale. Ils sont en quête de cette reconnaissance qu’ils cherchent à usurper sur le terrain politicien. Ils échappent au contrôle électoral qui filtre le personnel politique par le vote dans un régime démocratique. Des gens sortent de tous les bois, se nomment de tous les noms dignes de thriller, envahissent l’espace républicain pour usurper une reconnaissance qu’ils n’ont pas pu avoir ni par leur naissance, ni par leur cote sociale, morale ou intellectuelle. La démocratie devient un refuge et un dépotoir pour véreux, pour infidèles, pour violeurs, pour voleurs, pour assassins, pour mégalomanes, pour mythomanes, pour pyromanes, pour tous les types malveillants qui n’ont aucun mandat pour parler au nom du peuple. Des comportements qui défient tous les ordres moraux, éthiques et républicains. Des esprits tordus, malveillants et sataniques qui sèment le désordre. La démocratie n’est pas du folklore. Elle n’est pas du tintamarre et du bal poussière où n’importe quel badaud et nigaud peut allègrement jouer sa partition et recueillir banalement une reconnaissance pitoyablement valorisante. En aménageant un espace légal pour la société civile, la démocratie a aménagé en même temps un passoir. Des organisations opaques dont on ignore la source de leur financement et des activistes qui surgissent de toutes parts sans identité politique ou morale. Ils constituent une doublure névrotique aux partis politiques autour desquels la démocratie électorale ou mandataire est organisée. Ils revendiquent tous la défense des intérêts du peuple sans son mandat. Cela s’appelle une substitution antidémocratique au peuple.

Les problèmes qu’ils dénoncent structurent notre vie quotidienne. Nous respirons, nous mangeons, nous buvons ces problèmes. Nous marchons, nous nous assoyons, nous nous couchons sur ces problèmes. Nous dormons, nous vivons avec ces problèmes. Nous nous baignons dans ces problèmes, nous sommes envahis par ces problèmes. C’est la réalité d’un pays pauvre et sous-développé. Cet environnement est donc propice au désordre, à la protestation et à l’intoxication de l’opinion. On peut surfer sur les vagues de ces difficultés, mobiliser, enflammer et ameuter l’opinion contre un pouvoir à tout moment et en tout lieu. C’est la mer à boire. Construire une opinion rebelle sur une telle base, la dresser et l’opposer contre un pouvoir relève d’une volonté démoniaque et satanique de manipulation qui ne dit pas son nom. La démocratie n’est pas un mur de lamentations, c’est des propositions concrètes pour des solutions concrètes. L’activisme en tant que démocratie protestataire, contestataire, dénonciatrice serait dans cette perspective une dégénérescence démocratique.

La démocratie est un esprit et un comportement qui s’inspire de l’éthique et de la légalité. La légalité est une composante de la légitimité. Sans légalité point de légitimité contrairement à ceux qui opposent la légitimité à la légalité. Un président de la république n’est légitime que parce qu’il est élu par le peuple à travers une élection dont les résultats sont approuvés par la constitution. Un coup d’état ne peut pas être légitime malgré une approbation populaire dont il peut bénéficier éventuellement. La définition de la légitimité est abusivement tronquée par les politiciens et les activistes pour servir leurs desseins et se faire bonne conscience. La loi peut donner à chaque citoyen le droit de manifester mais elle peut aussi limiter ce droit de manifester territorialement. Tant qu’elle n’est pas abrogée, la loi s’appelle respect et obéissance. On ne peut pas à la fois

violer la loi et revendiquer son respect. On ne peut pas accepter une partie de la loi et rejeter l’autre partie. La loi est indivisible. Un pied dedans, un pied dehors, c’est deux pieds dehors pour la loi. Tu n’es plus un citoyen aux yeux de la loi. Elle ne peut plus te reconnaitre comme un citoyen. Elle te traite comme un hors la loi, un brigand comme les rebelles en Casamance. Elle te déshabille de tous tes droits et te démontre sa puissance massive.

La démocratie multipartisane s’essouffle par sa dose de liberté toxique. Elle perd son efficacité dynamique. Elle est entrain de montrer ses limites en menaçant la stabilité des républiques. Les mandats tendent à devenir des mandats uniques (Trump aux USA, Hollande en France) pour finalement se transformer en mandats raccourcis. L’agitation activiste et les agissements politiciens irresponsables subjuguent et intoxiquent les opinions en les fragilisant. Les opinions sont devenues manipulables et fragiles et se laissent facilement déstabiliser. Nous sommes au regret de constater que la démocratie multipartisane produit du désordre, de l’instabilité, de la division et de l’inefficacité politique. La démocratie multipartisane n’est plus un concept de gouvernance efficace, mais un simple concept de valorisation politique des Etats. Le modèle monopartisan de démocratie révèle à l’opposé ses vertus d’efficacité et d’unité face au modèle multipartisan. La Chine en Asie et le Rwanda en Afrique sont les porte-standard. Leurs succès économiques sont salués par tout le monde et s’imposent à leurs rivaux et adversaires. Ils comptent désormais sur l’échiquier mondial. Leurs images brillantes et éblouissantes masquent le caractère monopartisan de leur démocratie. La démocratie est une sélection des talents, des compétences, des valeurs, des bonnes idées et des meilleurs d’entre nous. Elle vient malheureusement de créer un monstre politique tel qu’un Eric Zemmour qui est une honte de la France de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. Sans éthique démocratique bâtie sur un comportement et un esprit républicain, les promesses de liberté et de bonne gouvernance du modèle démocratique multipartisan resteront vaines. On aura que du bordel démocratique !

Dr Abdoulaye Taye

Enseignant-chercheur à l’Université Alioune Diop à Bambey

Président de TGL (voir Tôt, voir Grand, voir Loin)

Contribution parue dans :

WalfQuotidien N° 9012 du vendredi 08 avril 2022

L’AS Quotidien N° 4937 du samedi 09 avril 2022

DAKARTIMES N° 1466 du samedi 09 avril 2022


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