Enseignement au 21e siècle

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  • Article ajouté le : 13 Vendredi, 2020 à 21h03
  • Author: abdoulaye taye

Enseignement au 21e siècle

Le 21e siècle est un siècle de rupture. Il boucle 2000 ans de civilisation. Il ferme un cycle d’histoire de la pensée et de l’action. Faut-il renouveler la pensée, les méthodologies et les habitudes face à nos modèles scolaires et universitaires usés et vieillots ? Oui, il nous faut renouveler notre réflexion et notre pratique pour réorienter notre histoire et notre destin dans le cadre d’un nouvel ordre sécuritaire bâti sur le progrès social et économique, la démocratie, la paix et le bien-être écologique.

L’organisation du savoir, du savoir-faire, du savoir-être ainsi que leur transmission et leur développement ont toujours constitué des défis pour l’enseignement dont ils représentent les objectifs fondamentaux. L’enseignement, de par ces objectifs, a pour but de préparer la jeunesse à la qualification professionnelle et aux responsabilités civiles et sociales. La finalité de l’enseignement n’est pas de délivrer des diplômes. L’école n’est pas une usine qui fabrique des diplômés. D’ailleurs, le diplôme ne mesure-t-il pas la capacité de l’étudiant à rendre ce que l’enseignant lui a appris au lieu de (mesurer) son intelligence? Dans notre système actuel, quelqu’un incapable d’obtenir une moyenne ou un diplôme est rejeté par l’école. Seuls poursuivent leurs études ceux ou celles aptes à franchir ces barrières que représentent les moyennes et les diplômes. Les inaptes redoublent plusieurs fois avant d’être exclus de l’école.

Qu’est-ce-que l’Etat gagne par le redoublement ou l’exclusion d’un élève ou d’un étudiant ? Retenir un élève ou un étudiant une fois dans sa classe, équivaut à le financer doublement, trois fois, à le financer triplement. Cela se traduit par un manque d’efficience et d’efficacité du budget de l’enseignement. Le financement des bourses ainsi que de la capacité d’accueil et de l’encadrement pédagogique des étudiants et des élèves augmente d’année en année. Il faut recruter de plus en plus d’enseignants, construire de plus en plus de salles de classe et d’amphithéâtres, de restaurants, de logements dans les cités universitaires,… Cette perte sur le plan financier s’accompagne fréquemment de l’exclusion de l’étudiant. Quel gâchis ?! Il devient un citoyen sous-instruit, sous-développé, d’un niveau intellectuel très bas qui se promène dans la rue. Il en résulte une perte socioéconomique sur fonds de drames psychologiques et sociaux chez les parents et l’étudiant. L’Etat ne gagne rien, au contraire il perd tout. Notre système est autant irrationnel financièrement qu’inefficace socialement. Exclure un jeune du circuit scolaire ou universitaire pour l’unique cause qu’il est inapte à obtenir un diplôme ou une moyenne n’est rentable ni socialement ni économiquement. La rationalité financière et socoéconomique recommande qu’on le maintienne à l’école en l’autorisant à passer en classe supérieure sans redoubler et sans être exclu. L’Etat gagnerait financièrement, socialement et économiquement. On obtiendra un produit instruit, cultivé et développé, un citoyen libre et responsable, capable de se battre pour se faire une place dans une société où l’ignorance aura tendance à disparaitre.

En conséquence, notre proposition est un modèle d’enseignement où le redoublement et l’exclusion sont bannis. Nous n’exprimons ici que le vœu intime de tout enseignant. Aucun

professeur n’aimerait que son élève redouble ou soit exclu ! Il est en outre établi qu’un étudiant de master qui n’a jamais eu de moyenne en électricité parvient à l’enseigner à ses petits frères de licence 1 quand il devient chargé de travaux dirigés. C’est comme si les connaissances avaient besoin d’un temps de latence et de fermentation. Notre modèle BLMD (baccalauréat, licence, master, doctorat) est un modèle souple où l’étudiant évolue en ne passant que quatre examens. C’est un modèle où les notes et les résultats à l’examen évaluent aussi bien l’enseignant que l’apprenant. L’étudiant pourra poursuivre ses études jusqu’en Licence s’il le désire. Toutefois, l’élève a l’obligation de rester à l’école jusqu’au niveau troisième ou terminale. L’accès au master et au doctorat se fait comme aujourd’hui par sélection. Chaque citoyen a néanmoins le droit de présenter une candidature libre pour passer un examen quelconque à tout moment et autant de fois qu’il le veut et le peut. Le citoyen sénégalais aurait en général un niveau licence. Le niveau intellectuel et la capacité de la société s’élèvent et se renforcent. L’évolution de la population scolaire et universitaire suit la courbe de la progression du taux de croissance démographique. Les générations se suivent et se succèdent. Les capacités d’encadrement et d’accueil deviennent peu élastiques ou se conservent une fois la transition terminée. L’achèvement et la stabilisation du nouveau modèle conduisent à des budgets de l’enseignement non seulement prévisibles mais légèrement variables. Le système encourage la prise de conscience du parent et de l’étudiant de leur devoir en les mettant devant leurs responsabilités.

Notons que les garages de mécaniciens, d’électriciens, de tôliers, les ateliers de menuisiers, de couture, de salons de coiffure,… qui composent ce que nous appelons notre « école de formation professionnelle informelle », constituent des salles de classe où le transfert de compétences est très efficace. Dans cette « école de formation professionnelle informelle », le transfert de compétences se fait dans une langue du pays, loin de l’encombrement et de l’ennui des formules des mathématiques ou de la physique. Cette école est plus performante que notre fameuse « école professionnelle formelle » du point de vue du transfert de compétences, de l’employabilité comme de l’insertion professionnelle. L’acquisition des compétences qui peut durer trois à cinq ans selon les dispositions de l’apprenant n’est pas sanctionnée par un diplôme. L’auto-emploi est la première modalité d’insertion professionnelle, sinon l’unique. Les produits de cette école sont les premiers pourvoyeurs de revenus des ménages. Cette école est la première pourvoyeuse d’emplois dans le pays. On nous a tympanisés les oreilles dans les séminaires chèrement financés par l’Etat, avec l’approche par compétence (APC), l’auto-emploi, l’employabilité, que sais-je encore, alors que sous nos pieds des gens invisibles et inaudibles les appliquent et les réussissent triomphalement. Tant que le blanc ne nous indique le chemin, nous sommes aveugles, nous ne voyons rien. Nous avons créé l’école sans diplôme, nous avons créé l’école enracinée dans l’approche par compétence, auréolée de l’auto-emploi, qui garantit l’employabilité. Cette école pourrait accueillir tous ceux qui dans le circuit scolaire et universitaire ont envie de poursuivre une carrière professionnelle. Tout en maintenant l’âme de cette école, nous allons renforcer ses capacités d’encadrement et d’apprentissage. Nous allons supprimer parallèlement les séries et réduire le parcours scolaire pour que les jeunes

sortent avec un niveau bac à 17 ans et licence à 20 ans. N’oublions pas de faire un clin d’œil à l’école coranique dont les procédés mnémotechniques nous garantissent une mémoire d’éléphant. Nous avons bâti l’école du 21e siècle sans le savoir!

Nous baignons aujourd’hui dans une ambiance du savoir et de la connaissance. Le savoir et son accès deviennent de plus en plus démocratiques. L’environnement digital de notre société met à notre disposition des ressources pédagogiques et didactiques très accessibles. Les MOOC, les cours podcastés en ligne, les applications et les logiciels d’apprentissage, l’intelligence artificielle (IA) associée à l’industrialisation de l’apprentissage et de l’enseignement,… élargissent les horizons de l’autoapprentissage en offrant des opportunités inédites de carrières autodidactes. Encadrer et coacher un étudiant jusqu’au niveau licence le capacite et le prédispose à apprendre en toute autonomie. Il s’agit d’avoir le courage, l’engagement, la volonté et la capacité pour accéder à tous les savoirs, à toutes les compétences. La transition de notre vieux modèle au nouveau modèle requière toutefois de l’innovation et de l’imagination pour relever les défis auxquels nous serons sans doute confrontés. L’UVS, la TNT, une télévision scolaire et universitaire, les mairies pour la mise en place « d’ENO populaires », parmi tant d’autres mesures, pourraient être mises à contribution. La reconnaissance de la pertinence de ce modèle dépend néanmoins de notre aptitude à renouveler notre mentalité, nos habitudes de penser et notre manière de voir la réalité mais aussi et surtout de sa mise en œuvre expérimentale. Le critérium de la vérité, c’est la pratique. L’avenir appartient à l’autoapprentissage et à la compétence !

« L’Etat est une Entreprise dont les Actionnaires sont les Citoyens »

« L’ignorance est une source de domination, de manipulation et d’exploitation »

Dr. Abdoulaye Taye

Enseignant-chercheur à l’Université Alioune Diop

Président de TGL (voir Tôt, voir Grand, voir Loin)

Initiateur du projet RBG-AMO

Opérateur politique


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