GREVE ET DYNAMIQUE D’APPRENTISSAGE

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GREVE ET DYNAMIQUE D’APPRENTISSAGE

Les années scolaires et académiques au Sénégal sont caractérisées par des instabilités récurrentes liées à des cycles de grève répétitifs. Si ce n’est pas les enseignants, c’est alors les étudiants et les élèves qui cessent les cours. Les enseignants du secondaire et de l’élémentaire ont observé récemment un mouvement de grève pour des revendications salariales qui ont été satisfaites par le gouvernement. Le bonheur des enseignants risque cependant de contraster avec les résultats scolaires des compositions et des examens à venir malgré la bonne volonté du personnel enseignant de rattraper le quantum horaire par des réajustements des programmes (des enseignements), des réaménagements de calendriers des examens et des compositions, la réduction des congés et le déploiement de ressources numériques pour renforcer les capacités d’apprentissage. Des compositions en mars et en avril qui ne prennent en compte ni la capacité des enfants d’absorber et de digérer les cours dans une durée appropriée ni la dynamique d’apprentissage des élèves sont programmés. Toutefois, s’il est possible de rattraper le volume de connaissances en bourrant le crâne des enfants, il est moins évident de relancer la dynamique d’apprentissage des élèves qui a été brisée par la grève. Nous n’avons jamais cherché à évaluer l’impact de la dynamique d’apprentissage cassée sur les résultats scolaires. Nous nous préoccupons toujours du quantum horaire mais jamais de la dynamique d’apprentissage qui est un paramètre important dans le processus d’apprentissage. C’est comme au football si on ne s’entraine pas régulièrement on n’est pas en forme et le prochain match on n’est pas classé. Il y a des élèves qui avaient déjà pris leur envol et la grève est venue casser et annuler tout leur effort. Ils sont tombés et vont avoir du mal à se relever. Ne serait-il pas plus rationnel de repousser les dates des compositions pour permettre aux enfants de renouer avec leur dynamique d’apprentissage quitte à rapprocher les dates des deux dernières compositions en raccourcissant l’intervalle de temps qui les sépare ? Les élèves ont deux défis à relever celui d’absorber et de digérer tout le volume de cours et d’exercices dispensés en un temps très court et celui de relancer leur dynamique d’apprentissage qui a été brisée. La pression du temps sur le mécanisme et le rythme de transmission du message bafoue et détériore l’efficacité pédagogique indispensable à la réceptivité du cours dispensé par un enseignant. Nous ne remettons en cause ni la légitimité des revendications ni la justesse du mouvement de grève par ailleurs bien suivi par les enseignants. Nous voulons seulement attirer l’attention des enseignants sur la relance nécessaire de la dynamique d’apprentissage qui est un paramètre subtil susceptible de chahuter les résultats des évaluations. Les mesures d’accompagnement préconisées risquent de saturer la capacité d’absorption et de digestion des enfants et de paralyser leur dynamique d’apprentissage. Il ne s’agit nullement ici de terminer un programme pour le terminer ou d’évaluer des élèves pour se conformer aux textes et aux règles pédagogiques. Il s’agit de mettre les apprenants dans des conditions de réussir leurs examens et leurs compositions mais aussi et surtout d’évaluer l’efficacité de nos connaissances et compétences pédagogiques car les examens comme les compositions représentent des évaluations indirectes de nos aptitudes à enseigner. Seul des résultats positifs pour la majorité des apprenants peuvent prouver l’atteinte de ces objectifs. Les apprenants ne doivent pas être en aucune façon l’agneau du sacrifice qui consacre l’amélioration des conditions de vie des enseignants et l’apaisement du front social au profit du gouvernement. Les résultats des examens en termes de pourcentage d’admis deviennent de plus en plus mauvais aussi bien à l’élémentaire, au secondaire qu’au supérieur. Il faut agir !

Il est temps d’évaluer, à côté des multiples facteurs négatifs, l’effet de l’affaiblissement de la dynamique d’apprentissage, en d’autres termes l’effet des grèves, dans la dégradation des résultats scolaires voire universitaires. La prise en compte de ce paramètre dans l’évaluation des connaissances permettra aux enseignants et aux élèves à rationaliser le début, le déroulement, la fin et la durée des grèves.

Dr Abdoulaye Taye

Enseignant-chercheur à l’Université Alioune Diop

Président de TGL (voir Tôt, voir Grand, voir Loin)

Contribution publiée dans :

- DAKARTIMES N°1343 du samedi 12 mars 2022

- Walfquotidien N°8990 du samedi 12 mars 2022

- Le Soleil N°15540 du mardi 15 mars 2022


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