LA FIN DE LA POLITIQUE

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  • Article ajouté le : 18 Dimanche, 2020 à 20h10
  • Author: abdoulaye taye

LA FIN DE LA POLITIQUE

Le monde politique, la presse et les électeurs américains ont été surpris et déçus par le débat présidentiel télévisé entre Joe Biden et Donald Trump. Les insultes, les calomnies, les caricatures étaient les couleurs les plus brillantes que les acteurs de ce débat nous renvoyaient. L’Amérique, aspirant au leadership mondial, manifeste ainsi à travers ses dirigeants, les limites de son génie politique. Nous sommes loin de la révolution de 1776 qui, par son projet d’indépendance, libera l’Amérique et son esprit créateur. Nous sommes loin de la révolution française de 1789 qui consacra le mythe révolutionnaire fondé sur « la liberté, l’égalité et la fraternité ». Nous sommes loin de la révolution de 1848 qui renversait, dans la plupart des pays européens, l’ordre ancien fait de monarchies, de dynasties et d’empires pour l’émergence de gouvernements constitutionnels. Nous sommes loin de la révolution bolchevique de 1917 qui portait l’idéal de valorisation du prolétariat pour le libérer de l’oppression du capital. Nous sommes loin de la révolution chinoise de 1949 qui était grosse des mêmes promesses de libération des paysans face à l’oppression des dynasties. La révolution iranienne de 1979 qui ferme la marche des révolutions au 20e siècle devrait inaugurer un nouvel idéal  révolutionnaire humaniste incarné par l’islam. Toutefois, nous ne devons pas oublier le mouvement des indépendances des années 60 porté en Afrique par un cheval qui n’a changé que de cavalier. Il fallait remplacer le cavalier blanc par le cavalier africain en gardant le même cheval : semblables textes constitutionnels et comparables institutions.

Il est regrettable de constater aujourd’hui que nous sommes  dans une impasse politique. Nous sommes à la croisée des chemins. Les politiques ont abandonné tout projet de transformation démocratique pour se limiter à la protestation et à la contestation des effets des politiques gouvernementales. Il n’est pas surprenant de les voir becqueter avec les activistes pour dissimuler leur impuissance et leur incapacité à proposer un projet politique avec des objectifs et des moyens. Face à la décadence du politique, l’activiste étrenne ses galons d’or. Contrairement au politique, l’activiste vend facilement un projet politique contestataire avec des objectifs sans les moyens. La politique a été transformée en un cirque où se joue un spectacle désolant et méprisant au service d’une illusion populaire et où les langues qui claquent et craquent deviennent des héros. Les politiques n’ont plus cette inspiration démiurge qui cultivait et caractérisait le charisme du grand leader. La politique est vidée de sa substance. Elle n’a plus de prise sur le réel. Le déterminisme  politique de l’économie cède la place au déterminisme financier de la politique. Sommes-nous à la fin de la politique ?

Il ne s’agit pas de contester l’ordre, il faut le transformer. L’histoire de l’homme est marquée par des révolutions culturelles, sociales, politiques et économiques. Les formes révolutionnaires avant le 20e siècle ont épousé celles de la lutte entre les monarchies bourgeoises et les républiques bourgeoises. L’aspiration à la renaissance des sociétés corrompues d’aujourd’hui au moyen des valeurs vertueuses du passé (incarnée par la monarchie) se confrontait à l’aspiration aux nouvelles valeurs universelles du progrès  par la rupture avec ce passé obsolète (incarnée par la république). Notons en outre que toutes les révolutions au 20e siècle se sont dégénérées au cours du temps en révolutions bourgeoises républicaines. Mais comme le souligna Karl Marx « L’Eglise (ou califat) et la bourgeoisie ont pris le contrôle de l'État dans le seul but de légitimer leurs propres intérêts ». Toute révolution est néanmoins d’essence démocratique. Les masses populaires se sont toujours révoltées contre l’oppression économique, sociale, politique et culturelle d’une classe minoritaire. Les révolutions portent donc les aspirations démocratiques des couches populaires même si ces dernières sont à l’occasion instrumentalisées. L’enjeu a toujours été le contrôle démocratique de l’Etat, la reconnaissance des droits du peuple. La liberté et l’indépendance qui nous permettent de choisir notre destin, l’égalité qui nous octroie le même statut social que l’autre et la fraternité qui nous rend semblable à l’autre sans barrière de race, d’ethnie ni de couleur de peau. C’était le contenu et l’idéal mythifié de toutes ces révolutions. La révolution se projette comme un discours, une mentalité, une culture, un progrès bâtis sur une idéologie rationaliste. Elle est à la fois puissance créatrice et destructrice. Elle a créé un nouvel âge de liberté, d’égalité, de fraternité et de démocratie mais a démoli toutes les institutions coloniales, combattu le sens cyclique ou millénariste de la révolution par l’anticléricalisme, puis remplacé l’inquisition par la terreur. Le renversement de l’ancien ordre par les vainqueurs s’est toujours accompagné du harcèlement des perdants par la terreur.

Les révolutions contemporaines modernes plus silencieuses mais non moins efficaces doivent continuer  à s’exprimer par leur puissance de destruction créatrice sur un fonds de non-violence. La terreur qui sclérose l’Etat en pouvoir absolu et partisan n’est plus nécessaire à cette douce et souple révolution. L’ère de la communication a remplacé l’ère de la propagande et de l’idéologie virulentes. Néanmoins le mythe révolutionnaire reste la principale dynamique de la politique. Il demeure la lame de fonds qui détermine l’histoire des progrès politiques. L’idéal révolutionnaire doit nourrir la politique à travers ses leaders. Les chantiers révolutionnaires contemporains ont changé de visage mais leurs problématiques restent vivaces. Les défis et enjeux du contrôle financier et politique de l’Etat liés à la globalisation, à la mondialisation et au gouvernement mondial, ceux du contrôle technique, intellectuel et social des populations associés à l’école, à la mécanisation, à l’automatisation et à la gouvernance numérique, ceux écologiques et fonciers liés au productivisme et à la croissance, interpellent notre intelligence, notre créativité et notre imagination révolutionnaire. L’idéologique technologique et consommatrice associée aux menaces sur la démocratie et aux risques sanitaires mais également au bonheur matériel s’accapare de notre humanité, de notre âme, de notre spiritualité. Il faut s’attaquer à ces multiples enjeux et défis qui vont nous assaillir tout au long de ce 21e siècle. 

Mais si ces défis et enjeux ont un caractère universel et transversal, l’Afrique en subit cependant des effets et des impacts particuliers. Les populations du nord sont oppressées par le développement lié à l’abondance tandis que les populations du sud sont étouffées par le sous-développement associé à la pauvreté. L’Afrique doit s’ajuster et combler son gab/retard pour marcher en équilibre au même rythme que les autres. Elle doit parachever les dynamiques de ses processus d’industrialisation et de démocratisation pour compter dans la dynamique globale. En effet, la bourgeoisie européenne s'est constituée au moyen âge avant de s’accaparer de l'État au 18e siècle tandis que la bourgeoisie africaine a pris le pouvoir sans une base économique appropriée. Elle doit par conséquent achever son processus d’industrialisation. Les multiples batailles et conquêtes révolutionnaires ont forgé et formé une conscience démocratique et une mentalité de liberté en Occident alors qu’en Afrique le citoyen émergent n’a porté que par la force la camisole démocratique et le chapeau de liberté. Le processus d’acquisition et de naturalisation de l’esprit démocratique devrait donc poursuivre son cours. L’africain doit donc approcher la dynamique  mondiale par un esprit d’adaptation, d’atténuation et de résilience en y intégrant la prise en charge de ces propres enjeux et défis.

Toutefois, la dernière révolution de l’homme ne serait pas transhumaniste mais spirituelle. En augmentant sa capacité d’entendre et de se faire entendre à des milliers de kilomètres par le téléphone et le radar, sa capacité de voir par la camera et le télescope, sa capacité de se déplacer par l’avion et les navettes spatiales, sa capacité de se gaver de tous les délices alimentaires et de tous les plaisirs charnels, l’homme est-il plus heureux que son ancêtre ? Le progrès technique promet-il le bonheur ? Il semble que l’homme est plus que jamais une proie du stress, du plaisir matériel, de l’anxiété, de la tentation de suicide et de la solitude dans un océan humain. Le bonheur n’est pas matériel, il est d’essence spirituelle. C’est l’énergie radiante qui bouillonnait chez Elhadj Malick Sy, Ahmadou Bamba Mbacke, Elhadj Oumar Tall, Jesus Christ, Mohammad (PSL) et qui leur a permis d’affronter leurs pires ennemis et de supporter d’extrêmes souffrances. Ils sont devenus éternels et les vibrations vitales de leurs âmes continuent de nous parvenir et de nous éclairer. L’immortalité n’est pas un corps qui ne meurt pas, l’immortalité c’est une lumière qui ne s’éteint pas. Le bonheur est  spirituel. C’est le nouveau sens de la révolution, la révolution du bonheur. Comme dirait André Malraux «Le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas». Il nous faut relever en les réconciliant le défi matériel et le défi spirituel du bonheur dans le sens d’un nouveau mythe et d’un nouveau paradigme révolutionnaire.

 

Dr. Abdoulaye Taye

Enseignant-chercheur à l’Université Alioune Diop

Initiateur du RBG-AMO

Opérateur politique



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