LE NOUVEL ENJEU DU REFERENDUM

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  • Article ajouté le : 24 Mercredi, 2016 à 08h02
  • Author: abdoulaye taye

LE NOUVEL ENJEU DU REFERENDUM

La promesse de réduire son mandat de 7 à 5 ans a emmené le Président Macky Sall à se placer entre le marteau de l’éthique et l’enclume des textes. Le président doit choisir entre l’éthique et les textes controversés.

Choisir l’éthique signifie réduire le mandat de 7 à 5 ans et se l’appliquer immédiatement. C’est se conformer à sa promesse.

Choisir les textes c’est se conformer aux dispositifs controversés (que la majorité des techniciens du droit dénoncent) de la loi en faisant un mandat de 7 ans.

Ce qui était une promesse sincère et profonde (j’en suis convaincu) a subi des métamorphoses au cours du temps à l’épreuve des intérêts liés à l’exercice du pouvoir. L’histoire se répète, ironise et éclabousse. Les positions et les attitudes d’hier sont contredites. Certains politiciens sans principes ni foi viennent de faire tomber leurs masques. Maitre Wade et ses alliés peuvent rire sous cape. Des voix dans les rangs de la majorité présidentielle se sont élevées pour dire leur préférence d’un mandat de 7 ans. Ils ont fini par convaincre le président de se dédire mais à ses risques et périls. Le volte-face du président a été muri, préparé et calculé. Il n’avait besoin que de la caution du conseil constitutionnel pour se dédire.

Ce qui est inacceptable dans l’attitude du président de la république, c’est sa volonté de tromper le peuple, de prendre les électeurs pour des naïfs. Il pouvait regarder les sénégalais les yeux dans les yeux et leur dire je voudrais réduire mon mandat mais la réalité du pouvoir ne me le permet pas. Ceux qui peuvent comprendre ces raisons voteront « oui » ceux qui ne comprennent pas voteront « non ». Mais cela aurait l’avantage de la sincérité et de la franchise. Personne ne pourrait l’accuser de subterfuges ! Il ne faut pas tromper le peuple. Il faut respecter sa parole, il faut respecter son peuple. Cessons de manipuler l’opinion et les électeurs.

La défaillance éthique du président doit être sanctionnée. L’éthique a plus de valeur consensuelle que les textes. L’éthique n’est pas inscrite dans les textes ni dans les mœurs et coutumes, elle est inscrite dans les consciences et les cœurs, elle est acceptée par tous les hommes. Cela lui donne toute sa valeur devant tout texte, toute décision et tout avis (constitutionnel soit-il). L’éthique n’est adoptée ni par consensus, ni par délibération ou concertation. L’éthique renferme à la fois le consensus, la morale, la sagesse, la rationalité, la vérité et le bon sens.

Donc face à cette forfaiture politique préméditée, l’enjeu du referendum n’est plus d’adopter ou de rejeter un projet de révision de constitution mais de défendre la République des valeurs, de défendre l’éthique politique et la salubrité politique. Voter « non » c’est encourager la vertu en politique, c’est protéger la république des vices du mensonge, de la manipulation, de l’hypocrisie et de l’éloge de la transhumance.

Autant le président Wade a été sanctionné par une défaite électorale, autant la forfaiture du président Macky Sall mérite d’être sanctionnée par une défaite politico-électorale. Cette défaite à l’issue du referendum du 20 mars 2016 doit être interprétée par le président de la république comme une défiance du peuple électeur. Elle doit signifier pour lui que les 65% des électeurs qui l’avaient plébiscité en 2012 lui ont d’ores et déjà retiré leur confiance, sa légitimité électorale voire sa légitimité démocratique. Il doit en tirer toutes les conséquences politiques du fait qu’il n’est plus dépositaire de la légitimité démocratique et de la confiance du peuple. Pour mériter de rester un président digne de la république du Sénégal, il sera obligé de choisir de démissionner, de remettre son mandat en jeu, de le soumettre à nouveau au verdict populaire des urnes (en 2017) pour recouvrer sa légitimité

électorale voire démocratique. A défaut de cette attitude sage, il risque de diriger le pays comme un président fantoche sans mérite, sans autorité ni dignité. Cette défiance populaire électorale doit être l’unique enjeu de ce referendum.

Le referendum (sur la constitution) est un moment où la constitution est suspendue, où le conseil constitutionnel, l’article 92, bref la constitution elle-même peut être abrogée et remplacée par une nouvelle. C’est le moment où le pouvoir législatif et judiciaire est rendu au peuple souverain. Le referendum est au-dessus du conseil constitutionnel. Prendre comme argument la conformité à la décision ou à l’avis du conseil constitutionnel au détriment du referendum revient à admettre que la loi est au-dessus du peuple qui en est la source. Il est incompréhensible et inconcevable que le conseil constitutionnel interdise au président de la république de demander au peuple à travers un referendum de lui donner l’autorisation « de réduire son mandat de 7 à 5 ans et de l’appliquer à son mandat en cours ». Nous sommes unanimes qu’il faut respecter sa parole, mais divisés sur la décision ou l’avis du conseil constitutionnel qui refuse de permettre la rétroactivité de la loi par referendum.

Il faut moraliser la vie politique. Les politiciens sont incapables de respecter la démocratie et l’éthique politique, seuls les électeurs peuvent les y obliger. En organisant le referendum, le président a offert une belle opportunité. Profitons-en pour défaire électoralement et politiquement le président de la république et le conseil constitutionnel. Transformons donc le referendum du 20 mars 2016 en élections présidentielles anticipées de 2019.

Notons que le vote de la constitution n’est pas une urgence. Le prochain président de la république va soumettre au peuple un projet de constitution plus consensuel où figurera « la réduction du mandat de 7 à 5 ans et son application immédiate au mandat en cours ». Ce sera une manière de démontrer au gouvernement actuel que cela est bien possible.

L’opposition, la société civile, les syndicats, les démocrates, les intellectuels doivent assumer leurs responsabilités et se mobiliser contre le « oui » pour le « non » pour contraindre le président à reculer en annulant son référendum et en organisant les élections présidentielles en 2017. Les juristes et les constitutionalistes doivent être à la tête de ce combat, ils sont les premiers à être interpelés. C’est le moment d’assumer son éthique de conviction et de responsabilité devant l’histoire.

Toutefois, nous invitons le président à annuler le référendum et à convoquer toutes les forces vives de la nation pour une large consultation consensuelle au lieu de s’exposer au risque de vivre le drame d’un président de la république qui gouverne sans autorité ni dignité (de 2016 à 2019). C’est un conseil d’ami !

 

Dr. Abdoulaye Taye

Enseignant-chercheur à l’Université Alioune Diop de Bambey


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