MR LE MINISTRE, MR LE DG NE TROMPEZ PAS LE PRESIDENT

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MR LE MINISTRE, MR LE DG NE TROMPEZ PAS LE PRESIDENT

Le débat sur l’autosuffisance en riz a occupé cette semaine le devant de la scène. Tous les présidents du Sénégal accompagnes de leurs experts ont toujours voulu réaliser l’autosuffisance en riz. Chacun s’en est essayé avec la stratégie qu’il espérait performante mais à l’arrivée le constat est amer. La désillusion est à la mesure de l’illusion. Les mêmes experts issus des mêmes grandes écoles, bardes des mêmes diplômes, formes et structures par les mêmes institutions internationales, ont été enrôlés pour servir des conseils et stratégies aux hommes forts du pays. Il n’y a pas du nouveau dans le ciel de l’agriculture ! Du concept de ministère du développement rural, on est tombe dans celui de ministère de l’agriculture. Ce virement de concept a eu ses propres conséquences, la préférence du développement de l’agriculture par l’agrobusiness. Ce choix stratégique fonde sur une vision purement productiviste de l’agriculture s’est substitué au concept de développement rural. La mise en place d’une économie rurale où les acteurs principaux sont les populations rurales représentées par les paysans, les pasteurs et les pécheurs vise à créer dans le milieu rural un paysage urbain ou périurbain qui le rend plus convivial. L’allègement des conditions de vie laborieuses dans la campagne, le développement de l’emploi par des entreprises de services et des industries agroalimentaires fixent les jeunes et les femmes qui se sentent assures et rassures par des perspectives économiques durables. Ces populations plus enclines à l’exode rural trouvent désormais une sécurité économique qui les persuade à rester ou à retourner chez eux. L’économie rurale est au cœur du développement rural et le supporte. Les infrastructures sociales et économiques, telles que les télécommunications, l’hydraulique rurale, l’électrification rurale, les structures commerciales, sanitaires, sportives et culturelles rendent la vie en campagne attractive non seulement pour les ruraux mais aussi pour les citadins. La décentralisation n’aura aucun sens tant que l’on ne développera pas de fortes économies rurales dans les campagnes qui rendent les populations riches et imposables.

L’agrobusiness est à l’antipode de cette vision. On distribue les terres à ceux qui ont des capitaux au détriment de ceux qui n’en ont pas mais qui vivent de la terre. Les agroindustriels exploitent les surfaces, emploient une infime partie des populations rurales comme ouvriers, exportent la production ou une importante fraction de celle-ci et transfèrent les devises à l’étranger ou les épargnent dans les banques nationales en les retirant de la consommation et du pouvoir d’achat national. Les experts qui défendent cette option n’ont qu’un seul argument, la création d’emplois. La poignée d’emplois crées ne peut jamais compenses les préjudices économiques, sociaux, moraux et environnementaux causes aux villages et à leurs populations voire à la nation toute entière. Les nombreux conflits opposes par les paysans à l’expropriation de leurs terres par l’installation des agro-industries traduisent des réflexes conservatoires légitimes qui expriment la contradiction de ces intérêts particuliers avec les leurs. L’agrobusiness, tel qu’il est pratiqué aujourd’hui dans la vallée, appauvrit les paysans et les rendent dépendants de l’emploi. C’est une expérience vécue avec la CSS que je raconte. S’il faut atteindre une autosuffisance en riz par cette voie, permettez-moi de douter de son opérationnalité et de sa pertinence en rapport avec nos intérêts. Les paysans de la vallée sont confinés dans des parcelles de 0.3 à 0.5 hectares. Si les paysans devraient exprimer leurs besoins en termes de facteurs de production : ils hurleraient sûrement des terres encore des terres, de l’eau encore de l’eau, des intrants encore des intrants.

La question est donc de savoir, quelle autosuffisance en riz voulons-nous? Inviter des agroindustriels nationaux ou pire étrangers qui produisent en 2016 trois millions de tonnes de riz blanc est bien possible, à l’instar des premières réalisations du plan Sénégal émergent confiées aux marocains et aux turcs qui symbolisent l’extraversion du PSE qui pourtant porte à l’unanimité l’espoir d’un peuple, mais serait-ce la bonne stratégie. Je n’y crois pas. Cette stratégie de réaliser l’autosuffisance en riz n’a qu’un seul avantage, l’économie de devises étrangères qui servaient à importer le riz mais elle ne permet pas d’augmenter ni le pouvoir d’achat des sénégalais ni d’installer une économie rurale, facteurs essentiels

pour une autosuffisance alimentaire sécurisée et une souveraineté nationale. Nous ne sommes pas contre les agroindustriels. Nous demandons seulement un partenariat juste et équitable. Il s’agit de laisser, tant que c’est possible, la production aux paysans, la transformation et la commercialisation aux industriels et entrepreneurs. C’est ainsi que nous proposons un fonds d’investissement et de garantie associé à un actionnariat populaire (FIGAP) pour démocratiser l’accès des paysans au capital. Ceci leur permettrait de participer efficacement à la production agricole et d’être indépendants des gros capitaux qui les réduisent en ouvriers. La SAED est une structure d’accompagnement qui doit périr ou dépérir au moment opportun. Notre concept de développement est fonde sur l’enrichissement des populations rurales, la majorité, pour tirer la consommation, l’économie. Il nous faut des ruptures dans les stratégies et les conceptions. Les solutions classiques sont inefficaces au nord comme au sud.

Mr le Ministre de l’agriculture ne nous a pas convaincu avec ses chiffres incohérents du reste et qui donnent l’impression qu’il est l’auteur de tous ces plans ou en tout cas est en parfaite connexion avec ceux qui les ont élaborés. Ni les ratios de temps ni de quantités ne semblent appropriés. En outre, il menace des clans et des lobbies pour forcer une stratégie d’autosuffisance en riz qui vraisemblablement ne rencontre que ses propres intérêts. Ce n’est pas en balançant des chiffres et des plans que l’on devient pertinent. Pire que son ministre, le DG de la SAED n’est même pas convaincu de ce qu’il affirme. Une réponse à Moubarack LO tirée des cheveux, que seules ses propres oreilles sont capables d’écouter et d’entendre. 80% de l’échec d’un Président de la République est lié à la qualité de ses conseillers. Le Président doit évaluer leurs conseils, les confronter à d’autres avis, sinon on lui fait porter des œillères qui l’exposent à prendre des décisions inadaptées et impertinentes. Le 26 février 2017, dans deux ans, auraient lieu les élections présidentielles, il ne faut pas que la non atteinte des objectifs de l’autosuffisance en riz soit un argument contre le Président. Personne ne doute au Sénégal de la volonté du président de servir les intérêts du Sénégal. S’il pouvait faire de la magie pour propulser le Sénégal dans l’émergence, il n’hésiterait pas une seule seconde. Mais vouloir, c’est pouvoir ! Ne trompez pas le Président, si vous ne pouvez pas.

Les experts sortent tous des mêmes universités avec les mêmes diplômes et titres de docteurs. Ce qui les différencie, c’est le mouvement de leur pensée, le profil de leur pensée. Moubarack LO est un intellectuel qui a un bon mouvement de la pensée, un bon profil de pensée. On est pour ou contre ses idées, mais on ne peut pas lui ôter sa dignité d’intellectuel. Il cherche à comprendre et à faire comprendre. Qui sait et qui ne sait pas ! Certes, pas ces experts à qui l’on a confié le monde et qui nous le restitue chaque jour avec un visage hideux et répugnant à l’image de la pauvreté et du sous-développement qui nous étranglent. L’intellectuel est une machine á produire des idées et des concepts. Plus le moteur est performant, plus il se distingue de sa classe ou de sa catégorie de diplômés.

De toutes les façons 2015, 2016 et 2017 sont des dates à portée de vie et de vue, donc wait and see.

Dr. Abdoulaye Taye

Enseignant à l’Université Alioune Diop de Bambey

Initiateur du RBG-AMO


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