PEUT-ON HIERARCHISER LA PAUVRETE ?

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  • Article ajouté le : 08 Mercredi, 2020 à 21h04
  • Author: abdoulaye taye

PEUT-ON HIERARCHISER LA PAUVRETE ?

La pauvreté est-elle la manifestation d’une indigence matérielle ou d’une indigence psychologique ? La pauvreté est en général définie comme une privation involontaire de moyens matériels pour satisfaire des besoins élémentaires tels que manger, boire, se loger, se soigner et s’instruire. Les effets de ce manque ont des conséquences sur le plan corporel, biologique et psychologique. Peut-on mesurer la pauvreté en la réduisant aux seuls effets corporels et physiologiques ? La dimension psychologique de la pauvreté n’est-elle pas plus déterminante, plus caractéristique ?

La sensation de faim ou de soif du pauvre qui n’a pas pris son déjeuner est-elle plus douloureuse et dommageable au corps que chez le musulman qui s’en est privé volontairement par le jeûne? Les réactions du corps ignorent évidemment les mobiles de la privation de nourriture et d’eau. Si les effets corporels sont identiques ou semblables, les effets psychologiques sont cependant ressentis très différemment. Le pauvre sent la privation comme une oppression psychologique tandis le musulman la sent comme l’accomplissement d’une obligation bénie de Dieu. La dimension psychologique de la pauvreté devient donc prépondérante. Autant le « pauvre » est déprimé autant le milliardaire déchu qui n’arrive plus à assurer la même qualité de vie à sa famille est ruiné psychologique. Les effets de cette déchéance sociale peuvent se traduire en déchéance sanitaire qui se décline en maladie mortelle. Plusieurs expériences l’ont confirmé.

Certes le « pauvre » est déprimé mais l’enseignant du quartier où ses voisins possèdent tous des voitures est plus déprimé. Le « pauvre » est déprimé mais l’ancien ministre du quartier qui ne peut plus payer des vacances à ses enfants est plus ruiné psychologiquement. Le « pauvre » est déprimé mais le fonctionnaire du quartier où ses voisins possèdent tous leurs villas est encore plus déprimé. On peut continuer la liste. La pauvreté recouvre profondément une dimension psychologique, donc elle est très relative. Autant on ne peut hiérarchiser la douleur autant on ne peut hiérarchiser la pauvreté. La défaite d’un lutteur peut empêcher à un supporter de diner mais peut aussi tuer un autre supporter par crise cardiaque. Ils n’ont pas ressenti la douleur de la défaite de la même façon.

La prévention de la pauvreté doit donc être générale. Elle ne peut pas être ciblée. L’équité est une notion étriquée discriminatoire voire illégale dans une république. Elle ne repose que sur une légitimation justifiée par l’insuffisance des moyens de l’état. L’éducation et la santé publique ne distinguent pas le milliardaire du pauvre. Tout le monde peut accéder à ces biens tant qu’ils restent des biens publics. La gratuité est une illusion. La fiscalité cachée (TVA par exemple) crée chez le contribuable l’illusion que le bien public qu’il est entrain de consommer est gratuit. C’est de la pure illusion fiscale.

Le Force-COVID-19 repose-t-il sur le concept de réduction de la pauvreté ou sur le concept d’atténuation des effets du coronavirus ? S’il repose sur un concept de réduction de la pauvreté, il faut le transformer en revenu de base généralisé (RBG) en donnant 100.000

FCFA à tous les ménages de 10 membres. Si par contre, il repose sur le concept d’atténuation des effets du Coronavirus, il faut cibler les bénéficiaires. Les ménages victimes des effets du Coronavirus sont seuls éligibles. Les bénéficiaires de la bourse de sécurité familiale ne sont pas automatiquement éligibles à moins qu’ils soient touchés par les conséquences du Coronavirus. Comme les fonctionnaires, leurs conditions de vie n’ont pas changé. Les gens dont leurs revenus sont affectés par les impacts du confinement sur leurs activités : l’informel, le transport, la restauration, l’hôtellerie, le tourisme, etc…. sont éligibles contrairement aux fonctionnaires qui continuent de recevoir leurs salaires. Toutefois, un bémol, puisque tous les salaires du mois de mars ont été déjà sollicités par la demande de solidarité en vigueur dans notre pays. Il faut noter cependant que les conditions et les difficultés de mise en œuvre d’un ciblage efficace le rendent quasi impossible et plaident en faveur d’une distribution généralisée moins compliquée.

Enfin, quel que soit le concept adopté, l’aide devrait se faire en argent. L’achat direct des produits alimentaires à des sociétés saute toute la chaine de détaillants (transport, boutiquiers, etc.) qui devraient bénéficier d’une partie de ces milliards et continuer d’entretenir leurs familles. La distribution de l’argent est plus pratique, mobilise moins de moyens logistiques tout en répartissant un pouvoir d’achat sur tout le territoire national. Il est recommandé dans toutes les interventions publiques de définir le concept et de garantir les principes de transparence, de justice et d’efficacité qui les régissent.

Dr. Abdoulaye Taye

Enseignant-chercheur à l’Université Alioune Diop

Initiateur du RBG-AMO

Opérateur politique


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