Rôle de la presse dans la construction d’une opinion démocratique

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  • Article ajouté le : 11 Dimanche, 2020 à 21h10
  • Author: abdoulaye taye

Rôle de la presse dans la construction d’une opinion démocratique

Les acteurs des médias en général et les journalistes en particulier, dans leur diversité d’origine et de profession, ont le droit et surtout le devoir de participer à la construction d’une opinion démocratique consciente et éclairée. Ils nous informent mais aussi nous divertissent. Ils agissent sur la culture par le biais de la mode qu’ils distillent dans notre quotidien à travers les medias, leur outil de travail. Ils produisent des effets sur la forme de nos discours et de nos langues en les enrichissant plus ou moins par des mots et des expressions. Soulignons en passant que les journalistes halpullar sont entrain de massacrer le « kh » du wolof en le remplaçant par le « k » de leur langue. Tous les adolescents utilisent le « k » à la place du « kh » dans leur locution : kotou au lieu de khotou, lakass au lieu de lakhass,… un nouveau dialecte du wolof est-il entrain de naitre !!?? Le journalisme est une profession et un métier à impact politique, social, culturel et linguistique. Combien d’évènements politiques et sociaux ont été influencés voire provoqués par des commentaires ou des traitements orientés de l’information. Le travail du journaliste qui consiste à collecter, traiter, analyser et diffuser l’information le place directement en contact avec les consciences et les esprits des citoyens. La première ressource de l’activité de l’esprit est l’information. Selon la nature, la forme, le contenu et l’objectif de l’information, notre conscience se forme, s’oriente et se cristallise. Les impacts de l’information sur nos esprits et nos consciences sont incommensurables. Les media font partie des principaux facteurs environnementaux qui participent à la formation de nos consciences, de nos idées et de nos actions. Qui contrôle les media contrôle une partie des consciences. La responsabilité du journaliste est donc interpelée. Il peut embraser un pays, déstabiliser une société, détruire des personnes mais également construire une unité nationale, une foi patriotique, une conscience démocratique au service d’une stabilité politique. Le métier du journaliste devient à la fois utile et dangereux mais reste noble. En définissant le journaliste dans un sens large, comme porteur et diffuseur d’information, comme organisateur et participant aux débats et discussions, comme écrivain et communicateur, comme acteur des medias sans aucun but politique ou idéologique, il participe forcement à façonner notre manière de voir, de penser, d’être, de juger et d’agir.

Le débat politique est animé par les journalistes à travers des interviews, des émissions, des commentaires, des analyses, des confrontations entre acteurs politiques. La presse a ainsi une partition à jouer dans l’émergence d’une opinion démocratique consciente et éclairée. Les différentes émissions télévisées, telles que DINE AK JAMANO, JAKARLO, SEN SHOW, etc., animées par divers acteurs mais modérées par des journalistes professionnels, dérivent souvent vers des discours et des arguments dont le caractère politicien se laisse douter. L’argumentaire, la forme et le contenu des interventions dégagent inconsciemment de forts relents partisans. Il y a une sorte de substitutionnisme involontairement complaisant des medias à l’opposition. La plupart des arguments brandis reflètent une critique du gouvernement naïvement complice. N’est-ce pas une tentation pressante des intervenants d’éviter ainsi d’être taxés de collabos ? Les journalistes en particulier et les démocrates en

général ne doivent pas se substituer ni aux politiciens du gouvernement ni à ceux de l’opposition. Ils représentent l’interface modératrice entre le pouvoir et l’opposition. Ils doivent se mettre à équidistance. Ils doivent développer leur propre rhétorique argumentaire qui ne prend en charge que l’objectivité des faits et leur authenticité. Ils ont le devoir de protéger l’opinion contre les agressions toxiques et manipulatrices des uns et des autres. Ils sont les modérateurs et contrôleurs du discours politique. Par l’investigation, par l’analyse rationnelle des faits et des positions politiques, ils doivent corriger, redresser l’information, la rendre plus neutre et plus objective pour l’opinion démocratique. Les gouvernants comme les opposants vendent leur politique. Ils se soucient plus de marketing politique que d’objectivité démocratique. Le journaliste et le démocrate doivent avoir le courage de leurs idées, de leurs sentiments et de leurs opinions. Ils ne doivent pas avoir peur de braver à contre-courant les idées dominantes et à la mode lorsqu’ils sont convaincus que leurs pensées sont au service des intérêts de la démocratie. Ils sont soumis à l’éthique de responsabilité, ils doivent s’assumer et assumer leurs opinions. La démocratie tend de plus en plus à se manifester comme une démocratie d’opinion. Les nouvelles exigences du rôle des journalistes, dont l’outil principal de travail est constitué des medias de masse, deviennent plus contraignantes. L’opinion que développent les medias a de fortes chances d’être l’opinion ambiante voire dominante, d’où le statut de quatrième pouvoir des medias. Des questions posées aux politiciens au traitement de leurs discours, en passant par les commentaires et l’analyse des faits et des positions, le message délivré par le journaliste doit être calibré démocratiquement. L’image, la responsabilité et la dignité du journaliste doivent être mises au service de la démocratie. La démagogie, la flagornerie et le populisme sont des maladies qui discréditent, entament et tuent la déontologie et la noblesse du journalisme. Le journaliste doit s’émanciper des jugements favorables ou défavorables du public, des tentations de toutes sortes pour ne considérer que son devoir déontologique qui l’élève et le sublime. Il doit être libre et responsable. Il est l’accoucheur et le gardien de l’opinion démocratique saine, éclairée et efficace. Il doit purifier le discours politique de toutes les bactéries et de tous les virus qui infectent et affectent le corps démocratique. Il surveille, assure et contrôle la sante démocratique de l’opinion. Son engagement politique ne doit pas violer son serment déontologique. Il ne doit transparaitre ni dans son travail ni dans ses positions. Il a la lourde charge de responsabilité d’être neutre. Il doit assister l’accouchement douloureux de nos démocraties fragiles et vulnérables. Son apport sans commune mesure à l’avènement paisible et accéléré de nouvelles républiques démocratiques africaines est particulièrement attendu. Le gouvernement éduque l’opinion dans un sens docile, l’opposition l’éduque dans un sens rebelle. La mission solennelle du journaliste est d’éduquer une opinion démocratiquement consciente et éclairée. Journalistes, votre rôle est de contribuer à la construction d’une opinion au service d’une sécurité, d’une qualité et d’une conscience démocratique à toute épreuve dans le but de garantir une stabilité politique durable. Accomplissez votre mission au lieu de la trahir.

Dr Abdoulaye Taye

Enseignant-chercheur à l’Université Alioune Diop

Initiateur du RBG-AMO

Operateur politique


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