LA PLACE DES WOLOFS ET DES SEREER DANS LA FORMATION DU PEUPLE FUUTANKE

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LA PLACE DES WOLOFS ET DES SEREER DANS LA FORMATION DU PEUPLE FUUTANKE

LA PLACE DES WOLOFS ET DES SEREER DANS LA FORMATION DU PEUPLE FUUTANKE

Extraits du livre « la Première Hégémonie Peule le FuutaTooro de Koli Tenguella à Almaami Abdul » pages 74 ,75 et 76 par le Professeur  Omar KANE .

Professeur honoraire, Oumar Kane (né en 1932 à Kanel, département de Matam, région du fleuve Sénégal) est ancien doyen de la faculté des lettres et sciences humaines de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Il s’est spécialisé dans l’histoire du Fuuta Tooro et de l’islamisation de l’Afrique de l’Ouest, et compte, dans ces domaines, de nombreuses publications. Nourri à la culture locale par un père profondément enraciné dans les valeurs traditionnelles de sa société, Oumar Kane a l’avantage de connaître, de l’intérieur, les populations et leur culture.  

Les anthroponymes d’origine wolof sont extrêment nombreux. La plupart d’entre eux se retrouvent dans les groupe socio professionnels des subalbé ou pêcheurs et des sébbé ou guerriers. Les subalbé en majorité se nomment Gaye , Faal , Diop , Mbodj , Guéye , Diack , Dieye , Niang , Wadd alors que les noms d’origine soninke (Konté , Bathily, Sumaaré) et peul (Bah, Soh, Sall , Thiam) sont très rares. Les anthroponymes sereer ( Saar, Ndiaye , Ngom, Thioubou , Diouf, Tine) sont majoritairement les subalbé. Au demeurant, ce sont les Saar qui fournissent toujours les doyens des subalbé. Les titres portés par leurs dignitaires sont Diaaltaabé, Teigne ,Dumel, Diagodin.

La majorité des groupes des sébbé est d’origine wolof, en particulier ceux de Nguenaar : Niang, Faal, Diop, Diack, Ndiaye, Dieng. La plupart des grands farba du Fuuta (Farmbaal, FarbaWaalaldé, Farba Erem, Farba Ndioum, etc..) sont des Wolof d’origine. Parmi les sébbé les plus notables du Fuuta, on peut citer les farba de Waalalde descendants de Biram Mbagnick comme la plupart des Dieng du Jolof, du Kajoor et du Fuuta. Ses descendants sont les chefs du Laaw avec le titre de Dyalaw Saré Ndiougou dans le diéri des Halaybé Sammayel Biram Mbagnick avec le titre de Diaafando, a le privilège d’accorder l’asile politique à tous les réfugiés et à tous les persécutés. C’est de lui que descendent aussi les Wane de Mboumba, de Kanel et de Wan-Wan et les Dieng de Saadel qui sont devenus des toorobbé. L’expansion de l’Islam a favorisé la « toorodisation » de bon nombre de ces populations d’origine wolof, même si la majorité est restée Thiouballo ou Thiédo . L’influence des Wolof est importante car ils sont les voisins occidentaux et méridionaux du FuutaTooro. Ils ont vécu pendant longtemps au contact des Sereer et des Fulbe, d’abord au sein de l’empire du Ghana. Ce sont eux qui, sans doute, peuplaient Senghana et Awlil au XIe siécle. Ils étaient les voisins les plus proches des Gdalla. Malgré la pression berbère et hassan, qui les a refoulés plus vers le sud, leur impact sur le terrain se traduit se traduit par la multiplicité des toponymes commerçant par Téne, tin (le puits) et par wa (ceux de) : comme dans Téne-Mohamed, Téne-Wa–Ghaimil, Téne-gadoum et Téne-Bouyali dans l’Amechtil ; Téndegh-Ma-Djek- Téndegemi, Téndeg-Fadma dans l’Iguidi, etc. Si l’arc hydrographique Guiers-Taouey-Khomak et R’Kiz constitue la limite théorique entre Fulbé et Wolof, il va sans dire qu’il a été franchi de part et d’autre par les deux peuples. C’est ainsi que le milieu du XVe siècle est marqué par l’expansion du Jolof aux dépens du Fuuta, du Nammandiru ou Ndiarmeew et du Saalum, sous le règne de ThiouklyDjiglaaneNdiaye . Ce souverain a partagé le Fuuta entre les farba qui administraient les différentes provinces au nom du Bourba et prélevaient sur les populations un tribut en nature (bestiaux, mil.) Cette politique n’est assurément pas étrangère aux migrations des Fulbé du Fuuta vers le sud et le Sahel au milieu du XVe siècle

A la suite de la conquête du Fuuta par Koli sur les faren et les farba, ces derniers ont été associés à nouveau au pouvoir deeniyanké qui mit à profit leur force militaire non négligeable. La conquête deeniyanké, ayant beaucoup contribué au processus de dislocation du Diolof, a fourni au Satigi l’occasion de prendre sa revanche sur le Bourba, grâce à son intervention dans le conflit qui oppose le Bourba au Damel. Il a même donné asile à une branche de la famille royale du Diolof chassée du pouvoir ; il l’a installée à Hooréfoondé où elle fournit les chefs de village avec le titre de Bumuy ou Bummudi et où elle gère de vastes kolaadéwaalo. Etudiant les Wolofs, Faidherbe va jusqu’à écrire « Ce qui est certain, c’est que les Wolofs occupèrent d’abord la plus grande partie du Fuuta et un vaste territoire sur la rive droite (Ganar).

Le Cayor était alors occupé par les Socé (Malinké) ; l’invasion peule fit refluer les Wolofs du Fuuta vers l’ouest. L’invasion berbère et arabe repoussa ceux du Ganar vers le sud, de sorte qu’à leur tour, les Wolofs repoussèrent les Sérères et les Socés vers la Gambie et occupèrent définitivement le pays qu’ils habitent encore aujourd’hui. » Les indications fournies par Al-Bakri sur les croyances religieuses ses Takruriens avant la conversion de WarJaabi nous laissent supposer la présence des Wolof dans le Takrur. En effet, Al-Bakri nous dit que les gens du Takrur adoraient des idoles, appelées dékakir. Or le terme dékakir en wolof sert à désigner l’ébénier, dont le bois sert à fabriquer les idoles. Ce terme wolof dékakri correspond en pulaar au dialanbaani, l’arbre à partir duquel on fabrique les dialang, c’est-à-dire les idoles.

Au plan culturel, on peut supposer que ce sont les Wolof et les Sérère qui ont transmis au peuple fuutanké les techniques de la pêche et même l’agriculture. En effet, Ibn Al-Fakri, traitant des genres de vie des populations du Ghana, note qu’elle « se nourrissent de mil (dhurra) et de doliques. Ils appellent le mil dukhn ». Dukhn nous fait penser au dugup wolof qui désigne le mil en général, tandis que les doliques pourraient désigner le niébé. Les Wolof, vivant au contact des Fulbé, leur ont légué, entre autre choses, des termes relatifs à l’agriculture béyaat (sarclage ou deuxième culture) et ngoobaan (lame à moissonner) et à la pêche comme mbaal (épervier), mbakal, saakit… En outre, la majeure partie du groupe des subalbé ou pêcheurs porte des patronymes wolof et sérère. Au plan linguistique, les études faites par Monsieur Yoro Sylla et d’autres chercheurs concordent pour rattacher le pulaar au groupe des langues ouest-atlantiques. Le wolof, le pulaar ont 24% de racines communes ; ce pourcentage est dépassé par le sérère qui partage avec le pulaar 37% de racines communes. Ces trois langues ont donc coexistée pendant des siècles sinon des millénaires dans la même aire culturelle. Les affinités sont donc très importantes. D’ailleurs, le pulaar du Tooro et du Dimar est très fortement influencé par le wolof. On le constate à Nanga-Ngendaar, Podor, Nanga–Edi et Nanga-Ndioum et Lugge-Sebbé. En revanche, le wolof de Liw, Thiaareen, Thiaambe, Mogo, donc celui des sebbéDiéri, comporte une très forte dose de vocabulaire pulaar.

Les apports sérères Au plan culturel, les affinités sont encore plus grandes entre Sérère et Haalpulaar appelés « Toucouleurs ». Non seulement la parenté linguistique est évidente, pour qui sait écouter attentivement, mais encore le cousinage à plaisanterie prouve que la communauté d’origine est réelle et vécue comme telle par les deux peuples. Sérère et Haalpulaar’en sont d’accord pour dire que l’essentiel du peuple sérère est parti du Fuuta. Bon nombre de Sérère ont gardé le souvenir de leurs villages d’origine, dans le Takrur. Encore de nos jours, on montre partout dans le Fuuta central les sites abandonnés que l’on appelle villages sérère. Ch. Becker et V. Martin (1974) en ont fait un recensement très poussé, sans pour autant les découvrir tous. Les collines au nord de la vallée du Gorgol fourmillent de toponymes sérère, de même que l’Assaba (Kummba Ndaw et Kossas). Maatam et Dagana sont des toponymes sérère.

La présence des mbanaar, qu’on retrouve jusque dans l’Adrar mauritanien, montre que les Sérère ont occupé une très grande étendue des terres du nord. Ils y ont cohabité avec les Fulbé. Ils ont dû émigrer comme les Kamnuriens sous la pression des Berbères et sous l’influence du desséchement. Selon Yoro BoliDyao, ils ont été assujettis par les Fulbé, mais s’en sont émancipés bien avant l’avènement de Ndiadiaan Ndiaay au XIIIe siècle. Il leur a fallu livrer des guerres meurtrières contre les Fulbé, à l’époque où ces derniers étaient les maîtres de Darndé et de Waalaldé. Ces conflits les forcèrent à traverser le fleuve lorsque Laamtooro a conquis Darndé. Ils auraient émigré pour s’installer au sud-est de la vallée du Ferlo, alors peuplé par les Faddubé sous la domination du clan Ndaw. Bon nombre ont poursuivi leur route vers le Siin et le Saalum avant que les Faddubé du Ndiarmeew ne se dispersent à travers le Tooro, le Kajoor, le Dimar, le Jolof et le Boundou, lorsque le royaume fut détruit au milieu du XVe siècle par Thioukli Ndjiglaane. Le pékaan, folklore des subalbé du Fuuta Tooro. Ressemble à s’y méprendre au folklore sérère. La phrase musicale est à peu près la même chez les subalbé et chez les sérères. Sérère et subalbé ont gardé la croyance aux génies du fleuve munuuji (sing.munu) auxquels il faut faire des libations dans certaines circonstances. Les Fulbé pour traverser le fleuve avec leurs troupeaux sont soumis à ce rite : ils versent du lait dans le fleuve avant de recevoir l’autorisation du Diaaltaabé ou du Teigne. L’ouverture de la pêche dans certaines parties du fleuve exige les mêmes rites que l’on rencontre encore de nos jours chez les Noominka

 


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