A qui incombe la promotion de la culture ?

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  • Article ajouté le : 05 Lundi, 2015 à 20h01
  • Author: babacar diop

A qui incombe la promotion de la culture ?

 

   La culture est une activité, et non une passivité. La culture est née et se développe, au cours des âges, des initiatives privées et collectives des hommes actifs et courageux qui ne reculent pas et n’hésitent pas non plus devant les obstacles et les rudes épreuves. La culture, selon Hadi N. Al-Hiti, l’éminent sociologue irakien de langue arabe, est un facteur d’humanisation des structures de gestion de la société, une composante essentielle de la personnalité de l’homme. Les performances culturelles sont d’abord individuelles.  A qui incombe donc la promotion de la culture ? La réponse est on ne peut plus simple, plus claire: en effet et de prime abord, c’est aux hommes de culture et eux seuls de la développer. La culture est un contenant vaste et vide, une grosse page blanche. C’est aux hommes de culture de lui donner un contenu. Seule la problématique des pré-requis est à résoudre avant toute réalisation culturelle adéquate. Les hommes que la culture préoccupe doivent posséder des talents individuels, innés ou acquis, qui les habilitent à assumer pleinement la tâche. Ce qui  est de nature à écarter du champ culturel tous les intrus qui n’ont aucun talent et pourtant veulent à tout prix s’immiscer dans tous les domaines de la culture, et à barrer la route aux opportunistes qui ne servent pas la culture, mais qui se servent d’elle et des réalisations majestueuses des hommes de culture authentiques.

 

   Dire que c’est aux hommes de culture de développer celle-ci n’est nullement un truisme, une banalité discursive, d’autant plus qu’il y a constamment des voix qui s’élèvent ça et là exhortant les autorités politiques à s’investir de plus en plus dans le domaine de la culture pour la promouvoir. Pousser l’Etat et l’autorité politique à investir dans le champ culturel, c’est les pousser à envahir un domaine privé. Mieux encore cette immixtion étatique constitue un danger public, menaçant la vie et la vivacité culturelles. L’autorité politique naturellement ne donne rien gratuitement. Il faut qu’on se le tienne pour dit. L’autorité politique exige toujours et au préalable une contrepartie, des concessions suicidaires notamment quand il s’agit d’une activité jugée quelque peu inutile et gratuite. En fait, c’est aux hommes de culture de montrer et démontrer que leur entreprise vaut la peine d’être entretenue et que, eux-mêmes, ils servent à quelque chose. A défaut, le sort qu’on leur réserve est toujours lamentable. Les concessions suicidaires faites aux politiques en contrepartie pour qu’ils leur viennent en aide sont innombrables. On peut en citer celle qui consiste en une adhésion totale sans réserve, mais aussi sans conviction, à leur stratégie politique machiavélique. L’action politique peut-elle réussir ses coups sans machiavélisme ? La pire des choses arrive lorsque l’homme politique propose à l’homme de culture d’abdiquer son rôle de critique social. Dans tous les cas, l’autorité politique dans ses positions face à la culture et ses hommes adopte une stratégie cohérente avec ses exigences. Elle reste toujours dans sa logique de conserver ses acquis, de les consolider et d’en acquérir d’autres et ce au détriment des soubassements de l’édifice de la dialectique sociale dont la culture et même la religion ne constituent pas les moindres. C’est plutôt l’homme de culture qui est incohérent quand il mendie et implore l’Etat d’adopter une politique conforme à ses propres vues, qui serait de nature à développer le secteur de la culture.

 

   La culture demeure antithétique à la stratégie politique. L’autorité n’a absolument pas intérêt à ce que son propre fossoyeur se revigore et prospère. La culture est alimentée par la contestation sociale. Si les options politiques sont des thèses, la culture est l’antithèse, pour emprunter ces vocables de philosophie à la dialectique hégélienne. La synthèse entre l’option politique et l’essence de la culture est un produit hybride, né dans des circonstances exceptionnellement dramatiques. « Les naissances, dira la philosophe Claude Edmond Magny, se font rarement sans douleurs ». 

 

   Le non respect des engagements tenus par les hommes de culture, voila ce que redoutent le plus les politiques. La fidélité aux idéaux est la base de l’éthique de l’action culturelle. Or les idéaux de la culture, tant qu’ils restent réfractaires, tant qu’ils ne sont pas falsifiés puis assujettis, l’autorité politique n’en aura cure. Il est absurde de créer des départements ministériels chargés des affaires culturelles. La fonction même de tutelle administrative de la culture n’est qu’une sinécure. C’est du temps perdu. La preuve en est que la culture ne se développe pas et reste à l’état embryonnaire dans les contrées où elle est mise sous une tutelle ministérielle. Au pays des Ricains, il n’y a pas de ministère de la culture. On n’a jamais entendu parler d’un quelconque Secrétaire d’Etat américain aux affaires culturelles. Pourtant c’est bien aux USA que la culture, sous toutes ses facettes, se développe plus que partout ailleurs au monde. Ce n’est donc pas à un ministre de développer la culture, mais c’est aux hommes de culture de la promouvoir. Un homme de culture n’a pas besoin d’un ministère de la culture pour s’imposer au marché. Ses produits peuvent faire l’affaire. Un produit culturel de qualité se vend comme de petits pains. Une promotion extérieure n’est ni efficace ni indispensable. Une œuvre romanesque ou poétique de génie trouve facilement des éditeurs sur le champ. Ainsi, pour se faire éditer, l’auteur n’est pas obligé de courir derrière un directeur de l’édition dans les départements ministériels. La promotion et le développement de la culture dépendent largement d’une production personnelle de qualité.   

 

                                                    Babacar Diop

          


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Anonyme - #1

Cet Article Est Publié Dans Le Quotidien D'aujourd'hui

le Mardi 06 Janvier, 2015 à 16:35:42RépondreAlerter

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