Dans l’abïme de Dionysos

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  • Article ajouté le : 09 Lundi, 2013 à 01h10
  • Author: babacar diop

Dans l’abïme de Dionysos

  Dionysos est le nom donné à une fausse divinité de basse classe dans la mythologie grecque. Dionysos fut introduit dans le monde grec par des pirates. Son culte était l’œuvre des barbares et des vagabonds. Il n’attirait point la noblesse locale. Ses disciples furent connus par leur propension à se délecter de la destruction de soi, de leur mortification volontaire et de leur décrépitude corporelle. A l’instar d’Aphrodite, Dionysos reste vivant plus que jamais dans les temps modernes. Son culte très vivace restera pour l’humanité une plaie profonde, aussi bien au sens propre qu’au sens figuré du terme « plaie ». Les jeux et les acrobaties accomplis dans le cadre des festivités dionysiaques étaient des signes extérieurs de la folie. Champion de toutes les ivresses, Dionysos était également connu sous le nom comique de Bacchus, et avec lui La Grèce antique était la terre la plus païenne au monde à ce temps historique. Son nom est à jamais attaché, dans l’imagination et la fantaisie de ceux qui l’ont créé, aux scènes orgiaques les plus abjectes. Si le théâtre était discrédité, couvert de dédain c’est que les amphithéâtres d’Athènes étaient les temples de Dionysos. Le système de Dionysos était un système vidé de morale et de moralité. Sinon comment puisse-t-on appréhender ces mots du dramaturge grec, Euripide : « Dionysos n’oblige aucune femme à être chaste. La chasteté est une question de caractère et celle qui est naturellement chaste prendra part aux rites de Bacchus sans être touchée.» ? La religion est naturellement le socle de la vie morale. La chasteté féminine est le signe le plus palpable de toute éthique. Il est incompréhensible de ne pas inscrire la chasteté au programme de l’éducation morale.

 

   Tous ceux qui connaissent l’univers du monde grec s’accordent à dire que ce type de pratiques peut entraîner les hommes et les femmes à des actions malsaines, visqueuses. Quand Dionysos possède un homme, il le conduit dans la forêt et la montagne, comme il le conduit à des comportements bizarres qu’un homme normal ne saurait se permettre. En d’autres termes et symboliquement il fait de lui un être marginal en vagabondage perpétuel. On comprend ainsi aisément pourquoi le culte de Dionysos était et reste encore pratiqué dans la clandestinité ; pourquoi les lieux de vente de l’alcool sont toujours clandestins et se cachent dans les bidonvilles. La conduite dionysiaque s’est pour de bon bien située au-delà des limites de la raison et de la conscience humaines. Cet état de fait n’a rien de paradoxal, car Dionysos est ironiquement conçu comme dieu du vin, de la montagne, de la forêt et des prairies. La comparaison fréquente entre Alexandre Le Grand et Dionysos Bacchus n’a rien servi pour extirper ce dernier du bourbier de la vilenie où il pataugeait depuis sa conception dans l’imagination la plus débridée jusqu’à ce jour. N’est-ce pas le même orgueil, voire la même arrogance chez les marginaux qui se prennent toujours pour des hommes de classe exceptionnelle, pour des êtres surnaturels et des figures hors du commun des mortels? Suite aux inspirations de leur maître, les ivrognes s’attribuent faussement des qualités de grandeur qu’ils sont à mille lieues de posséder. Le dramaturge Euripide dans son théâtre lui prête ces mots qui plus que tout autre montrent son caractère : « je quittai les terres dorées des lydiens et des phrygiens en traversant les plaines perses brûlées par le soleil, les villes de Bactriane, le pays de Mède en hiver, l’Arabie bien heureuse et l’Asie qui s’étend le long de la mer salée, avec ses cités en tours, pleines de grecs et de barbares mêlés. J’errais dans cette cité d’abord parmi les grecs ; là aussi j’ai organisé mes danses et j’établis mes mystères ». . Le règne de Dionysos est synonyme de domination des impulsions instinctuelles incontrôlées par le sujet lui-même, synonyme du chao. Il est le symbole de la licence et de l’abandon aux démons.

 

   Voila Dionysos, leader des vagabonds, des barbares, et des citoyens déracinés, réfractaires aux traditions ancestrales. Voila Bacchus, idole des gangs et des trafiquants de drogues. Le péril que représente cet être de fiction n’est pas seulement moral. C’est un danger réel. L’universitaire américain Chester Fontenot, en commentant l’idée nietzschéenne de tragédie, met l’accent sur le principe barbarisant des tendances dionysiaques. Ces tendances représentent en effet un abïme sombre, une caverne habitée de ténèbres. Elles libèrent le démon dévastateur rampant dans l’esprit des aliénés vers la destruction du « cosmos idyllique ». Dionysos, à notre époque, est un danger réel : ses disciples, ses saoulards, vivent encore parmi nous et conduisent même les engins de mort, et si l’on n’y prend pas garde ils peuvent investir tout le champ vital de nos sociétés. Par ailleurs ils trouvent légitime d’aspirer à cette fin diabolique. Bacchus reste encore vivant. Il a pu tisser au fil du temps des liaisons dangereuses avec des couches délinquantes de la société. Il a crée des clubs partout dans le monde. Les fans clubs de Dionysos, pour emprunter le langage moderne, sont peuplés de vagabonds, de saoulards, d’ivrognes et de narcotrafiquants.

 

   La liste des disciples de Dionysos ne s’arrêtent pas là. Il y a d’autres membres du club : les conducteurs de véhicules  dans l’état d’ébriété. C’est la catégorie de fidèles de Bacchus la plus dangereuse, la plus mortelle. Lorsque l’autorité publique remue ciel et terre afin d’arrêter le massacre des usagers de la route, lorsque l’Etat décide de prendre le taureau par les cornes pour mettre un terme au carnage causé par les accidents de la circulation, ces saoulards de Bacchus n’hésitent pas de passer à la vitesse supérieure dans la paralysie totale du système national,  et met l’Etat à genou, tout en tirant vaine gloire de leur cynisme. Car ces ivrognes de Dionysos adorent leur dieu préféré et prennent l’alcool à pleines gorgées. Ils adorent également, à l’instar des vampires, l’odeur du sang et ne perdent jamais l’appétit de sucer leur propre sang et le sang des autres. Le carnage qu’ils ne cessent de causer est pour eux un garant de malin plaisir.

 

  Le temps historique n’a pas pu circonscrire les tendances néfastes chez l’homme. La géographie non plus n’a pu le faire. La délinquance comme la débauche restent naturellement des tendances menaçantes oeuvrant en permanence à installer la vie sociale dans un univers chaotique. Il faudra alors inscrire la lutte menée pour juguler leurs conséquences dans le temps et dans la durée.

 

Babacar Diop


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