Des pluies ou des urines

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  • Article ajouté le : 21 Jeudi, 2014 à 13h59
  • Author: babacar diop

Des pluies ou des urines

   Les espagnols ont mis le monde entier engarde cotre la naïveté et la crédulité lorsque leur proverbe a fait le tour dela planète, selon lequel : « Ils pissent sur nous et nous fontcroire que c’est de la pluie ». Le proverbe espagnol opposeévidemment les gouvernants aux gouvernés. Par ailleurs la prudence recommandeque l’on se méfie des proverbes et des adages importés des cultures étrangèreset de ne les évoquer qu’avec précaution à propos de nos propres situationsexistentielles. Car, ils n’étaient conçus qu’à un temps lointain et sont nés duventre des circonstances historiques et sociales différentes des nôtres. Lesproverbes naissent d’expériences communes, mais limitées dans le temps et dansl’espace. Mais, en dépit de ces réserves, ce proverbe des espagnols découled’une sagesse pratique qu’il faut embrasser les yeux fermés. Il faut y adhérersans réserve ni hésitation.

 

   En effet, à une date très récente, desprières ont été faites pour que le Ciel laisse tomber des pluies réelles. L’onse demande : pourquoi depuis lors il n’a pas plu, en tous cas pas suffisamment ?Peut-être c’est parce que les conditions dévotionnelles requises pour desemblables circonstances n’ont pas été réunies. Cependant, l’expérience esttentée ailleurs, sous d’autres cieux et le résultat était probant. Néanmoins,la spiritualité est un terrain glissant pour un profane. Il ne faut jamais s’y aventureren avançant des hypothèses incertaines. Le monde spirituel est un monde à part,vaste et infini. Mais si l’on se réfère toujours au proverbe espagnol, prierpour qu’il pleuve ne veut pas dire qu’il pleut. Laissons donc de côté ceterrain délicat et engageons-nous dans le réel et l’historique finis.  

 

   Réellement ce n’est pas la naïveté, mais plutôtla démence qui est à la base de la confusion entre pluies réelles et urinesréelles, entre les promesses et la tenue des promesses. Les paysans s’il estfacile de les berner, les citadins que nous sommes devenus au fil des temps,nous tous, gouvernants et gouvernés, instruits que nous sommes tous, il estdifficile de nous rouler dans la farine. En tout état de cause, insulter lespaysans, c’est ipso facto nousinsulter, car nous tous, sans exception, sommes d’origine paysanne. Les accentsdu langage citadin en sont la meilleure preuve. D’ailleurs, l’accent des habitantsdes métropoles est très pittoresque, bien que parfois on tente de le dissimuler.Même les notables, pour emprunter ce vocable vieux et caduc, aiment afficherostensiblement leur paysannerie. Nos gouvernants, eux également, aimentafficher leur rusticité, mais faites très attention dans ce cas précis, carleur but inavoué dans cette adoption sournoise de l’habit rustique, c’estd’hypnotiser leurs sujets, les endormir.

 

   L’astuce des gouvernants est d’embrigader unehorde de griots et d’intellectuels pour défendre leur bilan jugé globalement « positif », bien qu’il s’agisse d’unbilan fictif. L’homme de l’action assujettit naturellement l’homme de laparole. Si le griotisme intellectuel est inefficace face à la persistance del’exigence de bilan, positif ou négatif peu importe, d’autres éléments dudispositif « communicationnel » sont à la portée des mains : lamise en branle des muscles juvéniles. Les muscles eux aussi peuvent servir demoyens pour faire passer un message. La satisfaction des besoins alimentaireset libidinaux des jeunes gens est, sans conteste, le moyen le plus efficace deleur embrigadement. Avec la force attractive, irrésistible, des aliments et dela libido, la majorité écrasante des êtres deviennent des moutons dociles dePanurge. Il faut faire accepter la positivité du bilan de l’action politique etsociale d’une manière ou d’une autre. « Le positivisme de la pratique négative » :voila l’idéal de l’action. L’usage des subterfuges et des faux-fuyants pour queles sujets simples d’esprits prennent les urines pour des pluies réelles relèved’une action politique et sociale grotesque.

 

   Les intentions et les réalisations ne seconfondent jamais. Le refus catégorique de cet état de fait mène le sujet del’Histoire à tout entreprendre pour inoculer l’idée pernicieuse que lediagnostic du mal équivaut à son éradication et que l’identification desproblèmes signifie leur solution définitive. La feuille de route, le pland’action, la plate-forme, l’état des lieux et la ratification des conventions :voila des formules magiques qui cassent les oreilles des sujets, sans pourautant qu’aucun projet soit réalisé. Prendre un engagement verbal n’est quel’étape préliminaire insignifiante d’une action quelconque. Si le sujethistorique n’en tient pas compte et continue de l’ignorer royalement, alors l’objetde l’Histoire aura toutes les prérogatives pour râler et hurler : « Ilspissent sur nous et nous font croire que c’est de la pluie ». 

 

                                                      Babacar Diop


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Anonyme - #1

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le Samedi 23 Août, 2014 à 12:37:03RépondreAlerter

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