Ibaadou Rahmaane (les Serviteurs du Miséricordieux), qui sont-ils ?

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  • Article ajouté le : 29 Vendredi, 2014 à 16h23
  • Author: babacar diop

Ibaadou Rahmaane (les Serviteurs du Miséricordieux), qui sont-ils ?

   Dans la pénombre hermétique de l’imaginationpopulaire, la perception des ibaadou rahmaane ne correspond pas àla description qu’en a faite le Coran à la dernière séquence de la sourateportant le titre du discernement. En effet, dans l’imaginaire populaire, le vocableibaadourenvoie à une catégorie d’intellectuels bien connus au sein de la sociétélocale. Leur image se réduit à celle d’un groupe de radicalistes en terme depratique quotidienne de la religion, oeuvrant à instaurer le fondamentalismeislamique. Mais se tenir seulement à cette image réductrice perçue par laconscience collective locale, ce serait se faire une idée fausse sur laquestion de l’identité des ibaadou rahmaane. Cette imagecaricaturale fait d’eux des disciples soumis inconditionnellement à la tutelledoctrinale et idéologique des maîtres à penser du Proche-Orient. Pour laperception locale, les ibaadou sont ceux qui célèbrent lesfêtes religieuses au même moment que leurs homologues de l’Orient. Une autreconception, et non des moindres,  consiste à penser que, pour appartenir aucercle de ces hommes, il suffit, comme signes formels, de laisser pousser labarbe, de porter des vêtements confectionnés dans les pays du Golfarabo-persique et enfin de porter le voile. Ce sont là un ensemble destéréotypes dont il ne s’agit pas ici de débattre de la validité ou del’invalidité. Tout ce qu’on peut dire est que sans doute ces stéréotypes ont pufaire de ce groupe une entité à part. Un autre constat à faire est qu’être àl’écoute des théoriciens orthodoxes du Proche-Orient ne signifie nullement unedocilité doctrinale ou idéologique. Il est possible de s’inscrire à l’école d’unmaître doctrinaire sanas se réduire pour autant à l’état de pantin. Les ibaadou,avec la disposition de relever les défis qu’on leur connaît, sont tout à faitprêts non seulement à désobéir, mais aussi à en découdre idéologiquement avecces supposés maîtres de courants d’idée, s’il s’est avéré que ces dernierss’écartent de la ligne de conduite orthodoxe qu’ils estiment conforme à larigueur de la doctrine. Il n’en n’est pas moins gratuit de les accuser d’être àla solde des riches monarchies du Monde Arabe. Car, avec le courage moral qu’onleur connaît également, ils seraient prêts à marcher seuls avec de maigresmoyens financiers et matériels sur le chemin qu’ils se sont tracé, même si tousles ponts les reliant aux généreux donateurs étaient totalement coupés.

 

   Nonobstant tous ces stéréotypes, les ibaadourahmaane se targuent d’être au service exclusif de la cause de lareligion sainement pratiquée dans un environnement social jugé quelque peuhostile et réfractaire aux courants idéologiques réformistes et, par-dessustout, iconoclastes. A la naissance du mouvement, ils étaient un peu isolés,voire même persécutés, quoique cette situation douloureuse fût, depuis desdécennies, un mauvais souvenir, grâce à une meilleure compréhension dumouvement et au pragmatisme des ses ténors. Dans un contexte d’isolement, d’ostracismeet d’intimidation dont le mouvement était victime par le passé, se faire nommer« Serviteurs du Miséricordieux » était le plus grand titrede noblesse. On ne saurait dire que tous ces agissements ont totalement cessé,car de temps à autres, des voix s’élèvent ça et là, chez certains de leursfarouches adversaires, pour appeler à gêner le mouvement dans ses activités etmême à chasser ses membres de toutes les infrastructures publiques où ilspeuvent se faire entendre.

 

   Il est indéniable que ces clichés necorrespondent pas du tout à l’image réelle que donne de ces « Serviteursdu Miséricordieux » le texte coranique. La figure emblématique desfrères musulmans d’Egypte, Seyd Qutb, dans son œuvre exégétique monumentale,parue en langue arabe sous le titre : « A l’ombre du Coran »,résume la conception coranique du groupe dans cette expression unique :« la quintessence pure de l’humanité ». La figure de prouedu fondamentalisme islamique égyptien, à l’entame de ses commentaires prolixes,s’exprime en ces termes : « Danscette dernière séquence de la sourate, les Serviteursdu Miséricordieux apparaissent,dans leurs qualités distinctives et leurs caractères spécifiques, comme s’ilssont la quintessence de l’humanité, à l’issue de la longue lutte opposant ladroiture à l’égarement, l’humanité athée et belliqueuse aux messagers quiapportaient le salut à cette même humanité. C’est comme s’ils sont le fruit mûrde ce long combat exténuant. Ils sont un motif de satisfaction pour les porteursdu message, qui ont subi l’ingratitude, l’entêtement et la méfiance ». 

 

   En effet, selon Seyd Qutb, les Serviteurs du Miséricordieux sontdécrits comme s’ils sont la quintessence de l’humanité résiduelle à l’issued’une lutte de longue haleine opposant le bien au mal, la vérité au mensonge,les prophètes, messagers de la lumière, aux humains ingrats. Si lespolythéistes ignorent royalement la miséricorde divine, les Serviteurssont toujours là comme signes de soulagement, ils sont là présents avec uneconscience aiguë de l’omnipotence et de l’omniscience du Seigneur  de l’univers, eux qui éprouvent le sentimentde fierté  de Lui appartenir et d’êtreSes serviteurs. Ils constituent le prototype, le « type idéal », selon l’expression weberienne, pour lacommunauté des croyants que l’islam veut instaurer, celle des âmes façonnées àl’image de l’idéal monothéiste, communauté sur laquelle Dieu veille avec soin.Ils sont une communauté d’hommes humbles dans leur marche et dans leurdémarche. En effet la façon même de se déplacer, selon Seyd Qutb, traduitfidèlement la personnalité de l’homme. Le mouvement du corps est un reflet dutempérament de l’individu. Les humbles prières, de l’avis de Abdullah YussufAli, l’exégète anglophone du Coran, non moins prolixe et généreux encommentaires, rapprochent l’être de son Créateur. L’âme équilibrée, paisible,traduit ses qualités psychiques dans les gestes et les mouvements du corps.

 

   Néanmoins, l’humilité, contrairement à ce que certainsveulent faire croire, n’est pas synonyme de faiblesse ou de piété ostentatoire.L’humilité courageuse trouve son prolongement dans l’attachement indéfectible àla paix des âmes et des cœurs. A ceux et à celles qui cherchent querelles, les Serviteursdu Miséricordieux répondent avec des paroles douces. Ils oeuvrentinlassablement à consolider le camp de la paix. Et Seyd Qutb de commenter lepassage relatif à ce trait de caractère en affirmant que les Serviteursdu Miséricordieux font toujours preuve de dépassement personnel face àla folie des arrogants. Cependant, s’ils ne répondent pas à l’arrogance et à laprovocation, ce n’est pas par la faiblesse, mais par la hauteur d’esprit, parle souci intense de ne pas perdre du temps, par la volonté de transcender lesfutilités. Le temps est un don précieux qu’il faut utiliser à bon escient.

 

   Ce sont là quelques spécimens de la conduitediurne de ce corps d’élite authentique avec leurs concitoyens. Quant à leursactivités nocturnes, elles se résument en dévotion, en dévouement et en méditationsur la grandeur divine. Ils cherchent au travers de ces méditations le savoirsûr et vrai qu’ils donneront généreusement et gracieusement, en cas de besoin,à leurs coreligionnaires. Des formules taillées sur mesure n’ont pas manquépour magnifier le dévouement exceptionnel de l’élite en pleine nuit pendant queles autres hommes dorment. Si pour ces derniers la prédilection va à la douceurdu sommeil, pour les Serviteurs du Miséricordieux lapréférence va au contraire à la douceur dévotionnelle. Cependant ilscomprennent mieux que quiconque que leur dévouement sincère à leur Seigneurn’est pas un gage de sécurité qui les mettrait à l’abri des tourments del’enfer. Le seul gage de sécurité est l’obtention de la miséricorde divine.

 

   Dans la vie pratique, l’élite dévouée constitueun modèle d’équilibre, de modération et d’intentionnalité. L’équilibre dans lagestion de la vie, selon Y. Ali, est un trait de caractère chez les Serviteursdu Miséricordieux. De leurs univers sont bannis les fléaux sociaux quesont la perfidie, la débauche, la criminalité et la fausseté dans l’adoration.Dans leur entendement, la propriété privée n’est pas absolue. Les nécessiteuxen ont leur part. Ils ambitionnent le décryptage des signes du Seigneur, etleur ouverture d’esprit les prédestine à accéder à un tel décryptage qui leurpermet d’éduquer leurs familles sur la base de données claires. Ce qui sera unapport de réconfort spirituel à ceux qui se trouvent au-dessous d’eux en termesde valeur morale.

 

   Un autre trait de caractère spécifique decette élite est la fidélité indéfectible aux principes du monothéisme intégral.Il est absolument impossible de détecter dans leurs gestes et dans leursparoles intentionnels un seul grain d’associationnisme. C’est une vertu cardinalequi sous-tend et conditionne toutes les autres. Elle nécessite un dévouement exclusifà la cause seigneuriale, tout comme elle est la ligne de démarcation entrel’humanité et l’animalité. La récompense suprême et légitime à laquelle les Serviteursdu Miséricordieux ont droit est l’attribution d’une place de choix auhaut lieu du paradis éternel.

 

   Telle est la manière dont le Coran décritles ibaadourahmaane, l’élite quintessencielle fidèle et croyante. En dehors decette élite l’humanité tout entière ne pèserait pas lourd. Abdullah Y. Aliterminant ses analyses minutieuses dégage l’impression générale de la lecturede la séquence consacrée à la description de l’élite croyante en cestermes : «A fine code of individualand social ethics, a ladder of spiritual developement, open to all ». (Unbeau code d’éthique individuelle et collective, une échelle de développementouvert à tous).

 

   Ainsi si l’on se limite strictement à laseule description coranique amplement commentée par nos deux exégètes, l’unarabophone et l’autre anglophone, les Serviteurs du Miséricordieux,expression typiquement coranique, constituent un type idéal de laquintessence pure de l’humanité monothéiste authentique. Comme types idéaux,les éléments de cette élite n’ont de cesse qu’ils aient œuvré pour consoliderla paix des âmes et des cœurs. Par le passé il n’y a eu donc aucune raison depratiquer à leur endroit la suspicion, la persécution et l’ostracisme. Leurexistence telle qu’elle est esquissée par le Coran, n’a jamais présenté unemenace réelle pour la stabilité et la paix sociales. La persécution sans raisonpeut bien avoir un effet boomerang. A force d’être acculé, à force d’avoir ledos au mur, l’élite quintessencielle de l’humanité monothéiste authentiquefinira inévitablement par la politisation de la religion.

 

                                                       Babacar Diop

 


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Elimane Diouf - #1

Bonjour, M.bacar Diop Vous Vous Prener D'etre Un Intellectuel Tel N' Est Pas Le Cas . 1.pour Jugé Ou Critiqué Une Personne Ou Une Groupe De Personne Il Faut Bien Les Connaitre , Savoir Leurs Ideologie , Leurs Racines Etc... Si Vous Ne Comprenais Pas La Comcepte Et Pourquoi (ibadu Rakhmane ) Par Ce Que Eux Ils Comprennent Vraiment Le Sens De Leur Existance ,car Dieu N' As Creer Les Hommes Et Les Djinn Que Pour Qu' Ils L' Adore . Et Pami Les Hommes Ce Qui Connaissent La Raison De Leurs Existance Et Qui Accepte D ' Adore Allah , Il Les Appel Ibadi ( Ibadou) Mes Serviteur " Et Quand Mes Serviteur Vous Demande Suis Je ;dit Leurs Que J Suis Tout Pres " Le Mot Ibadi Repeté Plusieur Fois Dans Le Saint Coran . Allor Si Quelqu'un Tourne Vers Son Seigneur Et Lui Dit Que Je Suis Ton Serviteur Comme Le Disé Beaucoup De Prophet Notre Prophete Mouhamed (psl)comme Issa Imn Mariame .serigne Touba Qui Disais Au Prophete Que Je Suis Ton Serviteur (sa Boy Comme On Dit). 2 .leurs Barbe Ou Voil Que Vous Insulter N' Est Une Culture Oriental Mais Des Recommandations De Dieu. Et Si Vous Me Dite Que Ils Prend Comme Referance Sur Des Livres Ecrit Par Des Davant Arabes Allor Ne Vien Pas Me Dire Que Vous Etes Musulmans Car La Religin Musulman Ce Sont Les Arabes Qui L' Ont Porter Au Senegal Et Nos Guides Que Vous Vous Vanté Prend Reference Aux Livres Arabes Car Nos Tarikha Tous Ce Referencié Sur Imam Malick Qui Est Un Arabe Aussi .mais Les Ibadou Suivent Les Pas Du Prophete (psl) Et Ses Compagnons (alkhouran Et Sunna ) Rien D' Autre . Ils Ce Limite Au Patrimoine Qu Le Prophete Avais Laisser Pour L' Humanité. Ce Qu Il Pratiqué En Sa Vivant Non Ce Que Les Gens Nous Rapporte Apres 15 Siecle En Nous Disan Que C Le Prophete Qui Nous La Donné En Reve Ou Consor .

le Samedi 30 Août, 2014 à 11:37:58RépondreAlerter

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