L’âme de la religion grecque à l’aune du Coran (2)

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  • Article ajouté le : 21 Lundi, 2014 à 14h37
  • Author: babacar diop

L’âme de la religion grecque à l’aune du Coran (2)

(Deuxième partie)

 

   Lelecteur averti ne serait pas surpris de cette attitude de rejet catégorique duCoran, dont le genre poétique païen fait l’objet. Déjà avant plusieurs siècles,Platon a éjecté de sa cité idéale les poètes. Il est évident que cebannissement de la poésie et des poètes par Platon n’est pas dicté par lesmêmes raisons que le Coran. En effet l’art poétique pour Platon est un art du« simulacre ». La poésie, selon le philosophe grec, est une imitationtrompeuse de l’objet. Elle n’atteint jamais la vérité. N’étant qu’un artd’ornement, la poésie décadente inspire la faiblesse à l’âme humaine. Il fautpréciser également que l’objectif visé par Platon dans la mise au banc de lapoésie est la restauration du règne et de l’autorité de la raison, bien qu’ilne soit pas évident que le rejet platonicien de la fantaisie poétique estsuffisant pour que la raison règne en maîtresse absolue sur la totalité del’espace épistémique humain. Même si c’était le cas, ce serait un objectif bienlimité, bien fragmentaire. S’ajoute à cela un fait d’une importancecapitale : c’est que la restauration de l’autorité et du règne de laraison peut produire des effets malencontreux , voire même catastrophiques nonseulement pour l’homme lui-même, mais aussi pour son environnement, « ladialectique de la raison » en est l’illustration la plus parfaite. Il esthors de question de se plier à toute sorte d’assertion, chaque fois que laraison y est évoquée. La raison conçue isolément des valeurs éthiques, del’idée d’équilibre et du principe de bonheur, peut s’avérer destructrice. Ladialectique de la raison résulte d’un long processus annoncé par l’Odysséed’Homère, et amorcée parLa Renaissance et aboutit à cette mauditerationalité technologique qui a réduit l’homme à la servitude et à l’aliénationqui ont largement dégradé la vie et l’environnement à tel point que la vie esthypothéquée plus que jamais, alors qu’au début de ce processus derationalisation de la vie l’optimisme était partout de mise. Le processus ayantabouti à ce phénomène, est amplement décrit par Rousseau et notamment parAdorno et Horkheimer dans leur bestseller,La Dialectique de l’Aufklarung.

 

  Le Coran dans sa logiqueinterne va bien au-delà de ces limites. Le bannissement de l’art poétique païenest l’aboutissement de la lutte contre la débauche, l’agressivité, lebanditisme trans-saharien et le tribalisme dansla Péninsule arabique.

 

   Il ne peut pas y avoir de commune mesure nonplus sur ce point où précisément le rejet n’est pas l’élément déterminant dansla situation antithétique. Des sujets opposés peuvent rejeter le même objetnégatif, mais les raisons n’étant pas identiques, aucune commune mesure nerattache les diverses positions  les unesaux autres.

 

   S’agissant des similitudes formelles, ilfaut absolument être circonspect. Selon l’éminent helléniste britannique,Jonathan Barnes, des philosophes présocratiques ont séjourné en Egypte etailleurs au Proche-Orient, et sont revenus en Grèce avec de la philosophie. Ilest bien possible de supposer qu’il y ait un contact intellectuel direct entreles grecs d’une part et leurs voisins du Moyen-Orient d’autre part. Mais, seloncet auteur, il est difficile de trouver un seul cas d’influence évident. Barnes, dans sonouvrage intitulé: Early Greek Philosophy, va plus loin, en écrivant: « It should be said that where some scholarssee striking parallels between a Greek and an eastern text, others see no morethan superficial coincidence ». (Ilserait affirmé que là où des spécialistes perçoivent un parallélisme frappantentre un texte grec et un texte oriental, d’autres ne voient plus qu’unecoïncidence superficielle).

 

  Reste donc infondée, même sur le planpurement théorique, l’assertion selon laquelle un texte coranique serait unecopie d’un texte grec retrouvé en Egypte ou en un autre endroit du Moyen-Orient.Seule une déduction hâtive en besogne, basée sur des prémisses et des postulatsfaux au départ, puisse affirmer une idée incohérente pareille. Si l’idée de conformitéaccidentelle est improbable même entre différents textes profanes, alorscomment envisager l’idée absurde de parallélisme possible entre deux corpusliturgiques appartenant, chacun de son coté, à deux registres que toute composanteoppose diamétralement, l’un étant abrahamique et monothéiste d’une part,l’autre étant païen et polythéiste de l’autre ?.

                                                               (àsuivre)

 

                                              Babacar Diop      

 


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Begdiamm - #1

De Purement Religieux Au Début, Le Débat Qui Avait Soulevé Beaucoup De Passion, Est Devenu Intellectuel. Il Faut S'en Réjouir Et Encourager L'émergence De Courants De Pensée Qui Ne Pourront Qu'enrichir Le Débat National. Nos Politiciens à La Petite Semaine Devraient S'en Inspirer.

le Vendredi 25 Juillet, 2014 à 06:28:18RépondreAlerter

Anonyme - #2

C'est Plutôt L'ensemble Des Representations Qui Definit L'objet De La Poesie. Donc La Difference N'est Pas De L'idee Mais Des Assertions Autour. Les Textes Subissent Des Alterations Mais Jamais Le Meme Sceau. Le Coran Ne Peut En Aucune Façon Etre Dilué Dans Une Inspiration Humaine. Ce Qu'est La Poesie, Qui Releve D'une Glorification Passeiste Ou D'une Projection Vaniteuse.

le Jeudi 24 Juillet, 2014 à 20:47:53RépondreAlerter

Alipico Bis - #3

Il Ne S'agit Pas De Conformité Entre Idées, Mais Entre Textes. Des Idées Peuvent être Identiques. Ce Qui Est Inprobable C'est Que Des Textes De Différents Auteurs à Différentes époques Soient Identiques

le Jeudi 24 Juillet, 2014 à 15:54:57RépondreAlerter

Atypico - #4

" Si L’idée De Conformité Accidentelle Est Improbable Même Entre Différents Textes Profanes..." Cette Phrase Me Parait Une Affirmation Sinon Fausse Du Moins à Argumenter . Placés Devant Des Problèmes Communs Des Hommes Ne Se Connaissant Pas Ou Vivant à Des époques Et Des Lieux Différents Ont Eu Des Réponses Identiques. Dans Le Langage Populaire Cette Observation A Donné Lieu " Tous Les ânes Se Retrouvent à L'abreuvoir". Marx A Reconnu Qu'un Autre Que Lui Avait Avancée Sa Thèse Centrale Sur L'exploitation De L'homme Par L'homme Et Que Le Moteur De L'histoire était La Lutte De Classe . A éclairer Donc Surtout Que Les échanges Entre Civilisations Et Leur Transmission D'un Pays à Un Autre était Chose Banale Dans Ces Temps Anciens Où Chaque Idée Reçue D'ailleurs Prenait Un Grand Poids Et Imprégnait Durablement La Vie Contrairement à Aujourd'hui Où Une Idée Chasse L'autre D'une Heure Ur L'autre. !

le Jeudi 24 Juillet, 2014 à 11:30:29RépondreAlerter

Anonyme - #5

Bonjour M. Diop, J'ai Bien Apprécié Votre Dernier Texte Sur Le Coran Et La Culture Grecque. En Ce Sens, Je Voudrais Vous Associer à Un Projet De Livre Réponse à Celui De Sankharé. Merci De Me Donner Votre Contact Par Mail. A Bientot! M. Gaye Journaliste

le Mercredi 23 Juillet, 2014 à 09:59:00RépondreAlerter

Gaye - #6

Bonjour M. Diop, J'ai Bien Apprécié Votre Dernier Texte Sur Le Coran Et La Culture Grecque. En Ce Sens, Je Voudrais Vous Associer à Un Projet De Livre Réponse à Celui De Sankharé. Merci De Me Donner Votre Contact Par Mail. M. Gaye (journaliste) [email protected]

le Mercredi 23 Juillet, 2014 à 10:00:14RépondreAlerter

Anonyme - #7

La Première Partie De Cet Article Est Publiée Dans Le Quotidien D'aujourd'hui

le Lundi 21 Juillet, 2014 à 14:55:58RépondreAlerter

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