L’âme de la religion grecque à l’aune du Coran (3)

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  • Article ajouté le : 28 Lundi, 2014 à 17h01
  • Author: babacar diop

L’âme de la religion grecque à l’aune du Coran (3)

 

(Troisième partie)

 

L’anthropomorphisme

 

   L’anthropomorphisme des divinités grecqueset ses multiples implications dans la pratique cultuelle en Grèce antique restele point névralgique sur lequel se cristallisent les antagonismes les plusexacerbés entre le Coran d’une part, et la religion et la culture grecquesd’autre part.  

 

     L’anthropomorphisme consiste à donner uneforme humaine à des êtres qui ne sont pas des hommes, notamment aux êtres surnaturels,et ce, à la fois, dans leur existence physique, dans  leurs divers sentiments, dans leurs volontés,voire même leurs caprices. En un mot, l’anthropomorphisme attribue à la déiténon seulement un corps et une membrure corporelle, mais également les nombreuxcontenus de la conscience de l’être humain.  

 

   Si nous avons dit précédemment que lareligion du Coran est, sans conteste, la religion monothéiste la plusauthentique que l’Histoire ait jamais connue, ce n’est nullement par excès dezèle ou par prosélytisme de notre part que nous formulons cette thèse. Le Coranest incontestablement l’écriture céleste totalement monothéiste à cause de saposition ferme et radicale face à l’anthropomorphisme. Les types de monothéismepervertis enregistrés ça et là dans l’histoire des religions le sont à cause deleur contact direct ou indirect avecla Grèce païenne. C’est ainsi qu’ils ont étéfortement contaminés par les croyances anthropomorphiques dans la culturegrecque. Le Coran, quant à lui, ne serait-ce qu’au niveau de son historicité,reste toujours fidèle à son idéal monothéiste contre vents et marées enprovenance dela Grèceantique. A notre connaissance aucun livre révélé ne s’est opposé sifarouchement, si radicalement à l’humanisation de la déité que le Coran. Or, onle sait, l’anthropomorphisme reste la base du mythe et de la mythologie grecscréés depuis La théogonie de Hésiode jusqu’à l’épopée homérique, deuxsources principales de la pensée religieuse grecque. Toutes les conceptionsanthropomorphiques ne sont que des absurdités dans l’optique du Coran, dans lamesure où elles peignent le divin à l’image de l’humain. Dans le best-sellerdéjà cité, La dialectique de l’Aufklarung Adorno et Horkheimer parlent del’anthropomorphisme en ces termes : « Enleightenmenthas always regarded anthropomorphism, the projection of subjective properties ontonature, as the basis of myth. The supernatural,spirits and demons, are taken to be reflections of human beings who allowthemselves to be frightened by natural phenomena ». (L’Aufklarung, - c’est-à-dire les lumières de laraison- a toujours considéré l’anthropomorphisme, cette projection descaractères subjectifs sur la nature, comme la base du mythe. Les êtressurnaturels, esprits et démons, sont pris pour des reflets des êtres humainsqui se laissent effrayer par les phénomènes naturels). En d’autres termes, lamythologie grecque conçoit l’être surnaturel comme une entité purementconceptuelle taillée sur mesure et n’exprime pour l’essentiel que les désirs,les caprices, les fantaisies et d’autres contenus de la conscience de l’homme.Une fois encore l’imagination débordante des poètes et des bardes a été àl’origine de la naissance des divinités hellènes.

 

   Cependant, les conceptionsanthropomorphiques n’ont jamais fait l’objet d’unanimité parmi l’éliteintellectuelle grecque d’alors. Déjà avant la révélation du Coran de plusieurssiècles, voire même de millénaires, elles faisaient l’objet de rejet et deraillerie. Le sarcasme du philosophe présocratique Xénophane est allé jusqu’àdire : « Mais les mortelsconsidèrent que les dieux sont nés, qu’ils portent des vêtements, ont unlangage et un corps à eux ». Dans sa critique sarcastique acerbe,Xénophane va encore plus loin en ces termes : « Au dire d’Homère et d’Hésiode, les dieux font toutes sortes de chosesque les hommes considéreraient honteuses : adultère, vol, tromperie mutuelle ».Comment serait-on surpris par le radicalisme coranique face à ce principepernicieux d’anthropomorphisme grec ? Comment peut-on concevoir l’idéeinsensée que le Coran, dans sa logique monothéiste implacable, puisses’inspirer, d’une manière ou d’une autre, de la culture grecque ? Si despenseurs présocratiques éprouvaient des sentiments de dégoût et de rejet àl’égard de l’anthropomorphisme, vu l’évolution des mentalités depuis cetteépoque lointaine, n’est-il pas rationnel que le Coran combatte énergiquementcette identification du divin avec l’humain ?

 

   Dans les citations précédentes, Xénophanetraite de l’une des implications nombreuses de la conception anthropomorphique,qui heurtent toutes, sans exception, la conscience du sujet monothéiste. L’idéede procréation en est une, et elle fut l’épine dorsale de la conceptionreligieuse grecque.

 

   Sans doute, le réalisme foncier est à labase de toutes ces distorsions. Les hellénistes ont révélé que les divinitésgrecques étaient d’anciens rois et princes et que la mythologie hellène reposeessentiellement sur des souvenirs confus ou transfigurés à dessein parl’imagination fertile des poètes mages. Cette transfiguration a été opérée surdes gestes et des comportements précis de rois et de héros primitifs. Ainsi lesconduites qu’a déplorées Xénophane relèveraient-elles des faits historiquesréels et authentifiés. La conception coranique de la nature divine est donc unvéritable challenge, voire même une menace réelle pour la religion et laculture grecques, en ceci que toutes les entités mythologiques grecques sontdes créations de poètes et de bardes. Mais il ne s’agit nullement de créations ex nihilo, car c’est l’histoire et lapréhistoire dela Grècequi leur servirent de substrat. Autrement dit l’histoire et la préhistoire sonttransfigurées en symbolique païenne. En conséquence, comment un tel systèmepeut-il servir de source d’inspiration à un corpus qui a comme principe de basele refus catégorique de l’anthropomorphisme, l’épine dorsale du systèmepolythéiste perverti ? Même la pensée de Platon était touchée par cetteperversion. Nous reviendrons ultérieurement sur le cas de Platon pour voir ceque ce dernier est réellement : un prophète ou tout simplement un sage.Mais disons pour le moment que selon Platon lui-même, fidèle héritier de la traditionreligieuse grecque, il n’y a pas de différence entre la nature divine et la naturehumaine.

 

   Une autre implication qui découle de la visionanthropomorphique païenne est l’idée de procréation divine. Pour la culturegrecque, les divinités naissent les unes des autres et se constituent desdescendances et des dynasties qui règnent sur des pans entiers de l’univers.Xénophane encore, l’une des figures de proue de l’élite intellectuelleprésocratique, s’est violemment insurgé contre ce concept. Nul n’ignore lamanière absolue dont le Coran rejette cette idée de procréation divine. En effet,dans la logique implacable du Coran, Dieu « n’a pas engendré et n’est pasengendré ». Cette formule liturgique est l’une des plus récurrentes dansles litanies quotidiennes. L’originalité du Coran sur la questionanthropomorphique repose sur son refus catégorique total, et sur laconsidération de son antithèse comme base du dogme et de la validité de lapratique cultuelle de tous les jours.

 

   Une autre implication corollaire de laconception anthropomorphique de la mythologie grecque est le confinement decertaines divinités dans des régions cosmiques déterminées. Thalès lui-mêmes’est insurgé contre cette conception homérique de limitation. Néanmoins, dansla logique antithétique de la culture grecque la multiplicité des divinités n’apas exclu l’idée de clivage et de cloisonnement. Ainsi des frontières sont-ellesarbitrairement tracées sur les prérogatives et les zones d’influence pour lesdivinités omnipotentes. La pluralité des divinités implique également lapossibilité d’une collision violente entre elles. Même si dans la mentalitépolythéiste de l’homme grec le conflit ne signifie pas le règne du chao et del’anarchie, les coups bas peuvent être échangés entre divinités perfides. Zeusa cyniquement chassé son challenger et s’établit sur le trône olympien usurpé,avec sa lignée. Plus ridicule est cette fin comique de la trilogie d’Eschyle,pour en attester, où l’on voit des divinités belliqueuses arriver à des compromisou même des compromissions. On connaît également la position du Coran sur la questiond’un conflit éventuel qui opposerait non pas de nombreux dieux, mais« deux Dieux » seulement, et qui sèmerait inéluctablement le désordreet l’anarchie sur l’immensité cosmique.

 

   Bien qu’entités anthropomorphiques, lesdivinités grecques sont tombées dans une bassesse morale à nulle autrepareille. Certains de leurs aspects sont dévalorisants : des divinités quin’arrivent même pas à se hisser à la hauteur des critères éthiques définis pardes êtres humains. Tout sujet monothéiste authentique mis sur les traces et leparcours de l’âme religieuse grecque, est inéluctablement offusqué par l’immoralitéet l’indignité des divinités mises en mouvement dans le drame religieux grec.La théologie de Homère, véritable base de la divinité olympienne, est sujettesoit à des enfantillages, soit à l’immoralité, soit enfin au besoin impérieux d’uneréforme profonde, pour en extirper ce qui est une offense à l’esprit religieuxauthentique.

 

   Sur le plan moral, le Coran s’opposeradicalement à la culture grecque, car cette dernière, dans sa logiqueanthropomorphique, n’a pas pensé que de pareilles divinités imaginaires nepeuvent jamais conduire la destinée de l’univers.  

                                                           (A suivre)

 

                                                Babacar Diop

 

 

 


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Anonyme - #1

La Première Partie Et La Deuxième Partie De Cette Contribution Sont Publiées Dans Le Journal Le Quotidien

le Lundi 28 Juillet, 2014 à 17:18:04RépondreAlerter

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