L’âme de la religion grecque à l’aune du Coran

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  • Article ajouté le : 15 Mardi, 2014 à 19h30
  • Author: babacar diop

L’âme de la religion grecque à l’aune du Coran

(Première partie)

 

   Mesurer l’âme de la culture et de lareligion grecques à l’aune du Coran est un procédé méthodologique biendistinct, bien déterminé. Un autre procédé opposé consiste à juger l’esprit dela culture monothéiste à l’aune de la culture grecque. Les résultats auxquelsaboutiraient les deux procédés sont apriori identiques, tant que les deux systèmes présentent des caractéristiquesnettement contradictoires. Les résultats en question se ramènent à une simpleantinomie structurelle entre le Coran d’une part,  et la culture et la religion grecques del’autre, évidemment à condition que l’objectivité d’une étude comparative soitstrictement garantie, et qu’une déduction hâtive ne produise pas desconclusions erronées. Le cas de déduction de données fictives est bienenvisageable pour une problématique que voila, mais son évitement est possible,voire même aisé, si les deux termes de l’équation, ou plus précisément, del’inéquation s’opposent catégoriquement.

 

    Notre postulat épistémologique de base estcertes l’appréciation de la religion grecque à l’aune du texte fondateur de lareligion monothéiste la plus authentique de l’histoire, mais les conclusions auxquellesaboutira l’analyse seraient identiques si l’on adoptait le cheminement inverse,à savoir l’appréciation de l’essence du Coran à l’aune de la culture grecque.Il n’y a pas de commune mesure. Il ne peut pas y avoir une identité ni totaleni partielle entre le Coran et la culture grecque. Il faut souligner d’amblée quepourLa Grèceantique toute distinction entre culture et religion est purement superficielle,purement dogmatique. La religion et la culture grecques ont toutes les deuxsuivi une évolution parallèle dès l’aube de l’Humanité historique grecque.Voila pourquoi la pensée des philosophes présocratiques, comme d’ailleurs celledes post-socratiques, est toujours profondément infestée de relents païens.Dans l’esprit des grecs il n’a jamais eu de séparation entre culture et religion.Ce à quoi l’analyse pourrait aboutir ne saurait être qu’une collisionstructurelle, voire même un heurt violent entre les données immédiates del’enseignement monothéiste du Coran d’une part, et celles de la culture grecqued’autre part.

 

   S’agissant des heurts et collisions, il fautnoter que c’est la conscience même de celui qui mène l’enquête qui en serait lethéâtre primordial. Le seul et unique fait qui peut ne pas le choquer est cettepossibilité anodine pour l’illettrisme inné de produire un corpus littéraire detrès haute facture. En effet, que l’illettré soit performent dans la sphère dela production littéraire, profane ou liturgique, se trouve dans toutes lescultures universelles. Dans la production littéraire classique, l’illettrismen’a jamais été un obstacle à faire des merveilles. Homère était un aveugle né,donc il ne savait ni lire ni écrire. Cependant l’épopée homérique est toujoursrestée et restera pour l’éternité le monument historique à nul autre pareil,inégalable dans toute la culture occidentale. D’ailleurs dans ce domaine demerveilles esthétiques produites par de superbes intelligences illettrées, lalittérature arabe classique n’est surpassée par aucune autre. En effet le doyenincontesté de la littérature arabe contemporaine, le célèbre critique,historien, et auteur du fameux roman autobiographique : Lesjours, Taha Hussein, était un aveugle qui ne lisait pas et n’écrivaitpas non plus. Cette personnalité unique au Monde Arabe n’avait que des scribesauxquels il dictait ses célèbres textes.

 

   En dépit de ce handicap majeur qu’est lacécité, avec son corollaire : l’illettrisme, l’œuvre épique homérique estsurtout la principale source de la pensée religieuse grecque. La placeprépondérante qui, dans le système religieux grec, revenait aux concepts deprocréation, de mort et de vie d’outre-tombe, ne fut révélée que par des poètesgrecs. La théologie grecque n’a été formulée ni par des prophètes, ni par desprêtres, mais par de simples artistes, par des poètes et des philosophes. Cette idée est del’auteur anglais Cornford qui, dans son ouvrage: Greek religious thought,écrit : « Her we touch a fact of central importance – that Greektheology was formulated not by priests nor even by prophets, but by artists,poets and philosophers.. One consequence was that the conception of deity couldbe dissociated from cult and enlarged to include beings and things which no oneever dreamed of connecting with theobligation of worship ». (Icinous touchons à un fait d’une importance centrale, à savoir que la théologiegrecque n’était formulée ni par des prêtres, ni même par des prophètes, maispar des artistes, des poètes et des philosophes.. La conséquence en était quela conception de la déité était dissociée du culte et élargie pour inclure desêtres et des choses dont nul n’a jamais rêvé qu’ils seraient connectés auxobligations de culte). Que la poésie soit une source de textes liturgiques, unesource d’inspiration pour la pensée religieuse : voila ce que rejette leCoran de la manière la plus absolue. Si la poésie épique et tragique occupaitune place de choix dans la mythologie grecque, la logique du Coran, quant àelle, n’y voit qu’une simple nébuleuse de contes de fées, qu’un universféerique habité par des êtres imaginaires. L’art poétique décadent, depuis ledébut de l’ère antéislamique, n’a été pour l’essentiel qu’un outil defabrication de futilités, de mondes obscures et de vérités usées. L’aversion etle dédain coraniques pour l’art poétique païen décadent se justifient par lescaractéristiques intrinsèques de ce dernier qui prônait les valeurs de l’orgueiltribal, de la haine, de criminalité et de la débauche. En un mot, les poètes àl’époque antéislamique étaient, dans leur majorité écrasante, des avocats dudiable. L’unique aspect esthétique humanisable, mais corrompu en fin de compte,dans l’art poétique de l’époque, était la peinture des sentiments dégradés etignobles. Cette position unique dans l’histoire des religions abrahamiques nedécoule pas tant d’une réaction aux accusations non fondées dont le Prophèteétait victime que d’une conception bien déterminée de l’art poétique. La fonctiondu poète n’est pas la création de mythes et de mondes mythiques ou la transfigurationdes qualités vertueuses en leurs contraires. La mission du poète n’est pas nonplus l’éloge des brigands et des bandits de grands chemins, mais la défense descauses justes et nobles. La poésie ne vise pas à la propagation des valeursobscurantistes, mais à la vulgarisation des valeurs hautement divines ethumaines. La fonction poétique n’est pas de faire d’un bourreau une victime innocente,d’un agresseur un vaillant guerrier. Or la poésie était si profondémententachée de fourberie et de criminalité que le seul moyen de la débarrasser deces aspects dégradants fut de la nier en bloc avant de la réhabiliter par lasuite avec un langage et un contenu nouveau plus adaptés à la situation del’époque. Une nouvelle mission lui a été assignée. Le rejet total fut doncindispensable, afin de réformer l’art poétique de l’époque. Il arrive que ladestruction totale d’un système corrompu soit la seule voie de salut.

 

   Cetraitement de choc magistralement administré à la corruption poétique est l’undes points sur lesquels le Coran s’oppose radicalement à la culture grecque. Sila poésie notamment épique et dramatique était une source capitale d’oùs’alimentaient la pensée religieuse et la liturgie en Grèce antique, l’artpoétique païen était l’objet de rejet total de la part du texte fondateur de lareligion musulmane. C’est donc là un aspect de la collision entre les deuxsystèmes. La conclusion que l’on peut tirer de cette antinomie est que si lapoésie est la principale source des principes fondamentaux de la mythologiegrecque, le Coran, de par son rejet catégorique de la poésie païenne, ne peuts’inspirer de la culture et de la religion grecques.

 

   D’autre part, la conception coranique del’illettrisme est très originale. Le Coran, et l’évolution historique de lalittérature arabe lui a largement donné raison, ne conçoit pas l’illettrismecomme une entrave majeure à la production de corpus littéraires de haut niveau.Un prophète est bien habilité à produire un corpus merveilleux, d’une manièreou d’une autre, sans savoir ni lire ni écrire.          

                                                                  (à suivre)

  

                                                   Babacar Diop

 

 

                                 


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Anonyme - #1

Cet Article Est Publié Qans Le Quotidien D'aujourd'hui

le Lundi 21 Juillet, 2014 à 14:19:00RépondreAlerter

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