L’homme politique : identité et fonction

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  • Article ajouté le : 27 Jeudi, 2013 à 22h47
  • Author: babacar diop

L’homme politique : identité et fonction

 

   Il est dit que la politique est l’activité essentielle de l’homme, et qu’elle est l’art de réaliser le possible ou les possibles. Mais le caractère essentiel de la politique en tant qu'activité humaine n'entraîne pas de manière mécanique l'essentialité de l'individu qui fait de la pratique politique un métier ou une profession. Ce n'est pas qu'on est politicien que l'on est automatiquement vertueux. L'essentialité, c'est-à-dire la haute valeur et toutes ses implications logiques, s'obtiennent grâce à l'effort personnel, grâce à l'abnégation et au don de soi. Si la politique est une vertu, la pratique politique peut s'avérer une abomination. Parce que  toute pratique humaine revêt un caractère relatif, dégradé vis-à-vis des idéaux. Alors que les valeurs politiques et morales  sont des valeurs absolues.

 

   L'homme politique peut avoir de multiples facettes.. Il peut être maudit et haïssable, mais jamais méprisable. Le rebelle ou le révolutionnaire, peut être méprisable, mais jamais maudit. L'homme révolté peut même être admirable et sympathique. Le rebelle, après sa repentance, est parfois l'objet d'admiration, surtout lorsqu'il émet des regrets pour son passé de criminel et de malfaiteur. La chute de l'homme politique par contre est une fatalité éternelle.

 

   Le charme de l'homme politique peut accrocher les victimes mêmes de sa cruauté et de son cynisme. Dialectiquement parlant il fascine, mais il est fasciné de manière irrésistible. Plus encore il peut succomber facilement à la tentation de la cruauté à laquelle il a recours comme moyen de réaliser ses plus beaux rêves. Son rêve le plus constant demeure toujours la soumission volontaire ou involontaire des masses populaires à ses caprices. D'ailleurs l'homme politique est-il de nature à avoir de beaux rêves ? Je suis tenté de répondre à l'affirmative. Il est avant tout et après tout, un être de chair, d'os et de sang; il a quand même une vie privée comme la nôtre. En privé - n'est-ce pas ? - il est permis de quitter l'univers du paraître et de la facticité, et de se mettre à nu. Nous les épions, les hommes politiques, et les jugeons comme s'il n'y avait rien d'admirable dans leur vie, mais eux également, ils nous dévisagent comme si tout est pourriture en nous. C'est la dialectique de la vie de l'homme faite de l'interaction des éléments antinomiques. Rien ne peut être entrepris pour la changer..

 

Bien que l'existence des forts repose sur celle des faibles et que la prospérité des gens fortunés dépende, pour une large part, de la pauvreté des pauvres, l'homme politique est plus charmé par la minorité puissante et aisée que par la masse des "troupeaux". En effet il fait tout pour convaincre la minorité agissante qu'il est constamment à son service. Alors qu'il n'en est rien: il ne pense qu'à ses intérêts propres. En fait dis-moi: qui travaille pour les intérêts d'autrui ?

 

  L'homme politique se délecte d'avoir adopté une attitude contradictoire: parmi les fidèles il se manifeste comme le plus fervent des croyants, alors qu'ailleurs il peut se transmuer en ennemi farouche et absolu des religieux. Il peut être ici et maintenant très cartésien et très mystique à la fois: histoire de mélange des genres; il peut recourir au rationalisme et à la magie, cet art de reproduire des phénomènes réels sans raison et des effet sans causes.

 

   Les questions éthiques constituent des éléments gênants pour l'homme politique. C'est cela l'erreur la plus monumentale et la plus grossière. Car la vie politique sans éthique est une vacuité. Si les philosophes admettent l'idée que la politique est l'activité essentielle de l'homme, cette affirmation donne une haute portée morale à l'activité politique. Si l'homme politique ne se soucie que fort peu de la moralité de son action, c'est cela la catastrophe. Le pire des dangers qui guettent la communauté des hommes se produit, non pas quand l'homme politique voit sa conscience morale se faner, mais lorsqu'il pense - et agit selon cette pensée - qu'il est permis de faire tout ce que la loi n'interdit pas. L'homme politique est jugé plus que quiconque, non pas sur la base du système juridique, mais sur la base des impératifs catégoriques de la morale. On perd allègrement la boussole lorsqu'on cherche à  jouer avec les mots, les lois et la morale.

 

   La morale dans l'action politique et sociale pose le problème de l'accès au pouvoir. Il y a des apprentis hommes politiques qui ne voient aucun inconvénient dans le recours au machiavélisme. Ce n'est pas un cas de conscience, pour cette catégorie d'hommes politiques, que le rôle de la violence dans l'histoire soit un rôle prépondérant. Pourtant il est facile d'accepter comme postulat la conception selon laquelle la violence doit être le dernier recours.   

 

    L'homme politique peut exercer une terrible fascination sur l'esprit des masses populaires avec son cou ou sa nuque de graisse, ses yeux gonflés, son ventre arrondi et ses gros muscles. Méfie-toi de lui quand il s'approche de toi: tu peux tomber irrésistiblement sous son charme diabolique et être hypnotisé par l'oeil du serpent. Il est curieux de constater qu'il sache jouer au goinfre ou bien au loup, selon son tempérament pragmatique. Le pragmatisme et le réalisme peuvent lui dicter soit la moralité, soit le cynisme. Quoique reproché, il se considère comme un être au-dessus de tout soupçon.

 

       Pour conclure et ne pas conclure sur ce sujet fatidique - qui peut conclure sur la marche inexorable du Destin ? - je voudrai dire que ce qu'il nous faut aujourd'hui ce sont des hommes politiques d'un type nouveau dont le moraliste allemand Nietzsche dessine les contours dans son style connu, plein d'hardiesse, de sarcasme et de témérité: "Savoir commander et obéir fièrement; être à son poste, à son rang, capable aussi, à tout instant, de conduire; préférer le danger aux aises; ne pas peser dans une balance d'épicier ce qui est permis et ce qui est défendu; être l'ennemi de ce qui est mesquin, rusé, parasitaire, plus que de ce qui est mal".

                                                      

Babacar Diop                                        

Professeur d’arabe

                              Lycée Mixte Maurice Delafosse

                                                      Dakar.    

 


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