L’injustice est sans valeur

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  • Article ajouté le : 07 Vendredi, 2014 à 13h29
  • Author: babacar diop

L’injustice est sans valeur

   L’infâme injustice est sans valeur, sansintérêt. Elle n’a jamais ébranlé mon âme dans sa solitude intime. Les troublesm’assaillent de toute part et transpercent mon cœur à travers la muraillecorporelle, mais à tout instant, j’affiche une sérénité inébranlable, unetranquillité relativement parfaite, qui ne s’effrite pas facilement. Cetteassurance je m’en aperçois grâce à l’image translucide que me renvoient les êtresqui me sont semblables, qui me servent de reflets et qui errent ça et là, àl’instar de ma propre ombre. La joie, ma joie intime, est toujours fugace,éphémère,  et lorsqu’elle me surprend,elle est de courte durée. Les données uniques, constantes, que connaît mon âmesont l’inquiétude, l’angoisse et la peur, ces émanations de la précarité de lavie. Inquiétude pour une tragédie personnelle probable. Angoisse existentielle,corollaire de la condition humaine. Crainte d’un avenir problématique etincertain. Quoiqu’il en soit, ce triptyque de données psychiques attribue toutson sens à l’existence. La morale vulgaire et la métaphysique perfideaccentuent la pression pour les extirper des consciences fragilisées jusqu’à lamoelle par la précarité de l’existence. Mais elles n’y parviendront jamais.Pour une âme si frêle et si fragile, comme la mienne, toujours emmurée, commentest-il possible que l’injustice ait une valeur intrinsèque ouextrinsèque ? L’injustice sclérose la vie de l’individu solitaire,l’empoisonne. Mais elle reste sans intérêt. L’injustice peut bienm’interpeller, m’étouffer et même m’étrangler, mais elle ne saurait m’asservir,me faire taire. L’injustice est un drame véritable, mais elle n’affaiblitpersonne, d’autant moins qu’elle n’a jamais été une entrave réelle versl’accomplissement des promesses, ou une raison suffisante de manquer auxrendez-vous.

 

    Maiscette assurance extérieure est-elle une source de fierté ? Affirmer quel’injustice et son corollaire, la corruption, sont inutiles et sans valeur,puis s’en tenir là, est un véritable aveu d’impuissance. Il faut faire preuvede dépassement et aller plus loin dans le combat mené pour leur éradication. Maisjusqu’ici notre style de lutte est teinté de niaiserie. Ce style estinapproprié, inadéquat. Il est légitime de se demander si, jusqu’à larésurrection des morts, il y aura une volonté réelle de leur venir à bout.  

 

   Il y a des moments où je perds le sens del’existence terrestre. Cependant, cette perte ne revêt aucune importance, carelle est engendrée par la terreur que sème impunément la corruption sur notreterre brûlée par des pyromanes tapis dans l’ombre. Pourvu que ce camouflagedure, le temps que l’arbre et son éternelle compagne, l’ombre, où les pyromanesse cachent, ne se consument tous les deux ensemble dans le feu.

 

   La corruption sème la terreur sur lespetites parcelles mêmes de notre sol marqué d’étroitesse et d’exiguïté. Lesmalins ici courent toujours le risque d’être débusqués. Cependant, il y a unevolonté manifeste de laisser prospérer l’injustice et son corollaire, lacorruption, qui ne cessent d’insuffler leur venin mortel sur les parcelles dela vie, et ce sont seulement les gueux qui n’ont pas ingurgité ce liquidemortel. On cherche même à les baptisés : « phénomènes normaux »,à estomper leurs caractères antithétiques. D’ailleurs, dans le vaste programmede chamboulement, les termes de référence, naguère solides, sont confondus. Leréel devient imaginaire ; la vérité devient mensonge; l’injustice devientjustice; la bonne gouvernance est subrepticement identique à la mauvaise gouvernance;la corruption n’est plus corruption, mais juste un art de vie. La phasepréliminaire, antérieure à toutes ces falsifications est la confusion desconcepts et des universaux : l’essence devient l’existence ; l’êtreest le néant ; la présence est l’absence. (Rappelle-toi de laformule : « il a brillé par sonabsence » ; le mal est un bien suprême.. Marcuse n’a pas dit autrechose lorsqu’il écrit dans L’hommeunidimensionnel : « Cesredéfinitions sont des falsifications des concepts qui ont été imposées par lespouvoirs existants et par la force des faits établis : grâce à elles lefaux devient vrai ». Dorénavant, il ne saurait être surprenant que laservilité et la soumission à une autorité morale ou politique soientconsidérées comme la condition sine qua non de la liberté et del’affranchissement. C’est le rôle dévolu aux idéologues de s’être attelés auxtaches de falsification et de remodelage des concepts et des universaux, dansle seul but de neutraliser toute velléité de recours aux antithèses. Et Marcusede revenir à la charge : « Leconcept ritualisé est immunisé contre la contradiction ». La justicesociale ; la bonne gouvernance ; l’émergence ; la gestiontransparente ; la lutte contre la corruption : autant de conceptspurs et nobles, mais si fortement ridiculisés, sclérosés et ritualisés que lecitoyen conscient perd à leur égard tout esprit critique, tout recul decirconspection. Ils sont à l’abri de toute problématisation grâce aux rites etaux sacres. L’on pense ainsi qu’aucune ombre de suspicion ne vient assombrir leciel clair de la justice sociale et des tendances confirmées vers l’émergence,même s’il n’en est rien.   

 

   Prisau piège de ce bourbier de contradictions, l’homme est fin prêt à accepter parpratique ce qu’il rejette par principe, comble de l’ambiguïté. Il affiche uneacceptation de ce que sa conscience rejette, et ce par pur pragmatisme.Néanmoins, le simple rejet psychique dissimulé derrière une façade pragmatique,est un signe avant-coureur d’une catastrophe en perspective, annonciateur d’uncataclysme individuel ou collectif. Le suicide et les changements sociauxviolents ne sont en réalité que l’aboutissement du rejet conceptuel et en mêmetemps de l’acceptation perfide d’une folle logique imposée par l’arrogance etla désinvolture. 

                                 

                                                  Babacar Diop     


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