La place de l’Afrique dans l’histoire des idées au 20e siècle

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  • Article ajouté le : 05 Mardi, 2013 à 20h36
  • Author: babacar diop

La place de l’Afrique dans l’histoire des idées au 20e siècle

 

   Quels sont les grands hommes qui ont marqué par l'action ou par la réflexion le siècle passé? Tout citoyen du Tiers-monde, notamment l’africain, devrait se poser cette question et lui trouver une réponse objective à la mesure de ses constatations réelles. Malheureusement tel n'est pas le cas, et d'autres se sont adonnés à pareils exercices. L'ont-ils fait avec objectivité? Cela n’a jamais été leur souci. C'est nous les citoyens du Tiers-monde que cette problématique taraude, et c'est à juste titre, car il est urgent que l'on sache la place qui nous revient réellement dans l'échiquier intellectuel mondial. Il est non moins urgent que nous sachions la portée et l’impact de l'action que nous aurions menée dans le passé récent en vue de marquer le siècle dernier : ce qui nous permettrait précisément d'envisager et de dessiner nettement le plan d'action grâce auquel il est possible de marquer le passage dans ce siècle en cours. Tant pis pour nous à défaut de le matérialiser, et tant mieux pour les autres qui ont le courage et  les potentialités requises pour de telles prouesses en tant que moyens efficaces de se revigorer et de se laisser bercer par le rêve que l’on va encore marquer d'un sceau indélébile le passage au 21e siècle.

 

    Le prétexte de ces questionnements est la publication, en France, d’un livre, intitulé: Les grands discours du xxe siècle, dont l'auteur s'appelle: Christophe Boutin, si la transcription du nom en arabe est correcte. Nous essayerons de suivre rapidement avec l'auteur, et sur la base d’un compte rendu qu'en a donné le journal arabophone du Moyen-Orient à large diffusion, dans sa livraison du 24 décembre 2009, le parcours hors du commun de ces hommes exceptionnels. Nous laisserons au lecteur le loisir d'apprécier la portée de l'action menée par nos propres figures historiques, si c'est jamais le cas, pour marquer le siècle dernier.

 

   Il y a quatre catégories qui sortent du lot: les hommes politiques, les penseurs, les écrivains et les savants.

 

    Les hommes politiques, même n'ayant pas assumé une responsabilité politique concrète, peuvent revendiquer à raison le statut de figures marquantes, grâce à un discours qui fait date. C'est le cas de Martin Luther King qui, en 1963, a prononcé une allocution célèbre incluant une formule magique: "I have a dream". King a rêvé qu'à l'avenir s'établira, pour de bon, l'égalité entre le blanc et le noir aux Etats-Unis, et que ses propres fils ne seront plus jugés sur la base de la couleur de leur peau et de leur visage. On connaît, il y a juste quelques quatre années, l'apothéose avec laquelle un tel rêve s'est réalisé. Bill Clinton a avoué avoir pleuré lorsque ce discours retentissait, et n'avoir jamais entendu des paroles aussi majestueuses.

    De Gaule s'est manifesté notamment avec son fameux " je vous comprends" souvent réitéré lors de ses déplacements dans les colonies françaises d'Afrique. Mais lui-même les a-t-il  bien compris, ces colonisés appauvris et meurtris dans la profondeur de leurs âmes? Ou plutôt l'ont-ils compris? Car à cause de ses positions et décisions osées et favorables à la décolonisation, De Gaule l'a échappé belle dans trois tentatives d'assassinat.

   Kennedy fut courageux en prononçant son discours, en 1963, ponctué de "Je suis citoyen de Berlin", cerné qu’il était de toute part par les unités de l'Armée Rouge. Le mur de Berlin s'est écroulé 30 ans plus tard, et les citoyens de la capitale allemande devinrent tous libres.

    Mikhaël Gorbatchev est incontestablement l'un des principaux acteurs de la réunification de l'Allemagne et de la disparition du bloc de l'Est. Certains pensent qu'il a des regrets. Cependant il a déclaré avoir sauvé le monde d'une catastrophe nucléaire. D'autres noms sont cités: Gandhi, Helmut Kohl, Eisenhower, Lénine et Hitler qui se délectait d'avoir reçu comme don providentiel la faculté de la haine..

 

  Les savants ont fortement marqué de leurs empreintes le cours de l'histoire du 20e siècle. Einstein est incontestablement la figure de proue dans cette nomenclature, avec sa théorie de la relativité générale selon laquelle le temps et l'espace ne sont pas absolus, mais relatifs. Tout dans l'univers est relatif. C'est ainsi qu'une nouvelle conception de l'univers est née. La théorie de la relativité générale aboutit fatalement à la fabrication de l'arme atomique. Ce qui pose inévitablement la problématique de la dimension éthique de l'activité scientifique. D'autres savants ont apparu dans cette constellation: Max Blanc, Niels Boer..

 

  Les penseurs philosophes ont profondément marqué l'histoire de notre époque par des réflexions sérieuses portant sur l'homme et sur la condition humaine. La psychanalyse, avec Freud et ses disciples, a redonné à l'inconscient la place qui lui revient dans la conduite de la vie de l'homme. L'existentialisme, sous la férule de Heidegger et de Sartre, a fait de la "liberté" et de la "responsabilité" des concepts plus efficaces, plus opératoires. Horkheimer, Adorno, Habermas, Fromm et Marcuse de la théorie critique, ont montré, par leurs réflexions, que tout n'est pas rose, pour l'être humain, dans la rationalité technologique, et que l’activité théorique ne se cantonne guère à la seule description du monde naturel et humain, mais s’étend à la dénonciation de la précarité de la vie. Le structuralisme en sciences humaines, particulièrement la linguistique et l'anthropologie, avec Claude Lévi Strauss, a élucidé la fonction des structures de la vie sociale et a prouvé que la communication est un acte primordial.

 

    Les écrivains ne sont pas en reste. James Joyce a révolutionné l’écriture romanesque  avec Ulysse, son roman monumental qui a, comme particularités, les allures du drame, de l’épopée et de la poésie lyrique, et qui recèle des énigmes non encore élucidées. Leur élucidation permanente fut l’objectif visé par Joyce lui-même qui voulut que son œuvre préoccupât le lecteur sa vie durant. Franz Kafka, l’un des géants du roman  au 20e siècle a réussi le pari en visant à faire de son œuvre l'illustration la plus parfaite possible de la vie labyrinthique de l'homme des temps modernes. Marcel Proust tentait dans son univers romanesque l'élucidation de son passé personnel en ayant recours aux objets banals et anodins de son environnement immédiat afin de retrouver le "temps perdu". La liste est loin d'être exhaustive: Hemingway, Breton, Faulkner, Céline, Thomas Mann, Borges etc. peignaient, chacun dans son propre style, des aspects insoupçonnés mais idiosyncrasiques de la condition humaine dans ce siècle charnière de la vie sur terre, depuis les temps immémoriaux jusqu'au seuil du 21e siècle.       

  

   L'évaluation de la vie d'une figure historique et sa considération comme telle, seraient plus objectives si le principal concerné avait le temps de mener sa vie à terme. Cependant un tel critère n'a pas été retenu, car certaines figures, notamment politiques, restent encore en vie

 

La place du penseur africain.

 

    On le voit, aucune figure emblématique issue du continent africain n'a pu s'imposer comme personnalité marquante du 20e siècle. Même si l'auteur avait omis Nelson Mandela, il ne serait jamais taxé d'exclusivisme égocentrique. A vrai dire, l’histoire des idées n’est pas écrite par des historiens égocentriques. Ceux qui l’ont écrite l’ont fait avec objectivité dans les limites du possible, bien que l’image du penseur africain n’y soit pas translucide. Mais Mandela serait un homme solitaire dans cette galaxie de grands hommes marquant à jamais l'histoire du 20e siècle. Alors on se pose légitimement la question de savoir quelle action mener pour qu'à l'avenir le nom de l'Afrique rayonne dans ce palmarès. C'est aux hommes de science et de culture  d'œuvrer dans ce sens. Mais c'est aussi le devoir des institutions de s'adapter aux données et aux exigences nouvelles, afin de créer les  conditions favorables à l'émergence et à la renaissance réelles qui restent encore à l’état de slogans.

Ce ne serait nullement une auto-flagellation si l’homme osait poser un regard critique sur lui-même afin de mieux progresser dans le sens de l’Histoire. Il est temps que l’on sache que ce n’est pas humiliant de se mesurer aux autres. Il est temps de transcender le mimétisme qui, jusqu’à présent, n’a mené qu’à l’impasse. Il est temps de briser les chaînes et les carcans que l’on s’est imposés volontiers. Il est temps de se lancer à l’assaut et à la conquête du monde des Idées. Il est temps de formuler tant d’ambitions.. Néanmoins nous avons la ferme conviction que la bataille du futur sera la bataille des Idées ou ne sera pas. La guerre des idées et des opinions aura lieu, car l’histoire des idées ne s’est pas arrêtée au 20e siècle. Elle poursuivra sa marche inexorable à travers les âges que l’Humanité vivra sur terre. Mais les penseurs africains pourront-ils la suivre à la même cadence ?      

 

                                                       Babacar Diop

                                         Professeur d’arabe

                              Lycée Mixte Maurice Delafosse

                                                       Dakar.    

 


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Pour Gagner La Bataille Du Développement, Il Faut Gagner, Au Préalable, La Bataille Des Idées.

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