La terre de l’Occident, un bourbier de contradictions

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  • Article ajouté le : 05 Jeudi, 2015 à 01h03
  • Author: babacar diop

La terre de l’Occident, un bourbier de contradictions

Nous aurions aimé pousser un cri strident, mais un cri joyeux à la manière jiraldicienne : le choc des civilisations n’aura pas lieu. Si Jean Giraudoux poussa son fameux cri : « La guerre de Troie n’aura pas lieu », et ce fut fait avec joie et gaieté, le notre sera celui de la crainte et du désespoir. En effet, est-il possible que le choc des civilisations n’aura pas lieu ? Serait-il inévitable si les tendances qui se dessinent présentement se confirmaient ? La lourdeur de l’atmosphère de la cohabitation et la haute pression insoutenable ne sont-elles pas de nature à conduire d’aucuns à espérer que le conflit éclate, afin qu’on en finisse ? Advienne que pourra. Les dures pressions psychologiques sont parfois plus suffocantes que les conflits larvés. La guerre opposant des hommes et des communautés, issus de civilisations et de cultures différentes, les uns aux autres, ne serait-ce que d’une manière intermittente, est-elle inévitable, si une lecture adéquate est opérée sur les signes avant-coureurs qui se produisent dans certains endroits du globe ? Les circonstances historiques et sociologiques ont conduit le sol occidental à s’ériger en terre de prédilection pour l’imminent choc de civilisations. Deux forces antagoniques sont en présence sur ce possible champ de bataille qu’est le sol de l’Occident : les arabo-musulmans d’une part et les occidentaux de culture judéo-chrétienne de l’autre.

 

    L’enfer en Occident

 

   Après la tragédie de Paris et, bien avant, celle de New York, l’Occident se transforme sous nos yeux en enfer,                              non seulement pour les occidentaux de souche, mais aussi pour les descendants d’émigrés. Pourtant il n’y a pas si longtemps que cette partie du globe était perçue comme paradis artificiel aux yeux des européens et de certains orientaux qui avaient les yeux rivés sur le sol occidental vu comme lieu d’exil, terre de liberté et de cohabitation. Sa culture était très attractive. Mais la terre occidentale est devenue autre que ce que l’on croyait. Le clash entre le matérialisme occidental et le spiritualisme oriental éclate. La cohabitation est infernale. Les orientaux venaient de découvrir que leur culture et leur religion sont traînées dans la boue, depuis la fin du moyen âge jusqu’aux temps modernes, par d’éminents emblèmes de la culture occidentale, ayant à leur tête Dante dans la Comédie divine, et Cervantès dans son œuvre épique Don Quichotte. La cohabitation est désormais tragique, impossible entre deux communautés, deux entités que tout, allant de la culture jusqu’à la religion, oppose l’une à l’autre. Dans des commentaires anonymes datant du moyen âge, sur les idées foncièrement ingénieuses du philosophe présocratique Anaxagore, il est dit que ce dernier pensait « que le léger était mêlé au lourd et vice versa. Tout ceci est faux, car comment des éléments opposés cohabitent ». Mais tout compte fait, il n’y a pas lieu ici d’alléguer que « l’enfer c’est les autres », suivant la formulation de Sartre. Il ne s’agit pas non plus d’évoquer la fâcheuse tendance à voir les choses en termes manichéens. Car, selon John Cassidy qui analysait les récents évènements tragiques de Paris dans New York Times, l’interprétation basée sur la dichotomie : noir-et-blanc peut aboutir à la distorsion de la réalité. Une autre distorsion du réel vient de la négation de l’évidence, celle du conflit larvé. C’est dans cette logique que des intellectuels arabophones pensent que ceux qui soutiennent la thèse du choc de civilisations ne sont dans l’ensemble que des marginaux qui, au lieu de regarder la réalité avec un œil optimiste afin de combler les lacunes et conjurer les démons de la division, au lieu de conjuguer les énergies et rendre meilleure la situation des jeunes, enfoncent les clous et mettent davantage l’accent sur les fractures et les animosités entre cultures et civilisations.  

 

   L’ouverture des hostilités sanglantes qui opposaient l’Orient à l’Occident n’est pas lointaine dans le temps. Elles ont laissé des plaies et des stigmates qui ne se cicatriseront plus jamais. Les croisades en sont un parfait témoignage. D’un moment à l’autre, elles se réveillent en souvenirs cauchemardesques chaque fois qu’un choc violent se produit entre les deux rives opposées de la Méditerranée. Si les occidentaux éprouvent une certaine honte à l’évocation des croisades, les orientaux, eux, ont un malin plaisir d’en parler à toutes les belles occasions qu’offrent des événements tragiques qui serviraient de preuves que les guerres croisées sont toujours d’actualité et qu’elles sont loin d’être de simples mauvais souvenirs du moyen âge. Ce conflit larvé reprenait de plus belle après des répits à des intervalles irréguliers, marqués notamment par des conflits fratricides entre puissances impériales de l’Europe. Le chiendent de la violence reverdit toujours de plus belle. Les deux entités rivales se trouvent à nouveau sur le champ de bataille. Dans une envolée lyrique qui n’est pas habituelle chez lui, Samuel Huntington, dans son fameux article publié en 1993, dans la prestigieuse revue Foreign Affairs, sur sa thèse de Choc des civilisations, écrit : « People are discovering new but often old identities, and marching under new but often old flags which had lead to war with new but often old enemies ».(Les hommes découvrent de nouvelles mais souvent vieilles identités, et sont en marche sous de nouvelles mais souvent vieilles bannières qui avaient mené à des guerre contre de nouveaux mais souvent vieux ennemis).

 

    A l’image de la tragédie de la princesse de Galles

 

   Quelque soit l’intensité des conflits armés tout le long de l’histoire, le sang coulait. Le sang coule toujours. Il continuera à couler, et même les drames de faits divers ayant comme protagonistes des personnages issus des deux rives de la Méditerranée, connaissent toujours des dénouements sanglants. La tragédie de Lady Diana Spencer illustre cet état de fait. En effet, le drame de la gracieuse princesse de Galles se dessinait au départ dans des proportions raisonnables. Mais dès qu’un élément oriental, à l’occurrence Dodi, s’est introduit, le drame occidental s’est enflammé et la tragédie se produisit. Le sang coula. La belle Lady galloise et son amant d’Orient furent trépassés. En conséquence les deux rives de la Méditerranée doivent rester pour le moment séparées par la géographie et l’histoire, sous peine d’assister à une cohabitation tragique.

 

   L’Occident lui-même est l’unique et le seul responsable de cette situation inouïe. Il a accueilli, sur son sol, à bras ouverts, les fugitifs intellectuels qui fuyaient la géhenne fasciste et totalitaire de l’Orient, et cet accueil est offert au nom d’un humanisme vulgaire. Le monde occidental ouvrait ses frontières aux dissidents du monde oriental pour des raisons de propagande et de publicité. L’effet boomerang ne tarda pas à se produire. Ces intellectuels fuyards et, à leur suite, leurs descendants directs, ont été prompts à mettre en question les valeurs impies de l’Ouest et s’inquiéter des ruines causées par la perte progressive du sacré et du transcendantal dans cet univers. Consécutivement à ces menées et critiques acerbes contre le mode de pensée et de vie de l’Occident, des philosophes et des artisans de la politique en Occident ont préconisé la restauration du climat intellectuel qui régnait durant les Siècles de Lumières. Cette reculade est-elle efficace ? En effet, la dialectique de l’Aufklarung a balayé sur son passage le sacré et le transcendantal. Ce processus aboutit à cette philosophie selon laquelle il n’y a pas de sacré ni donc de blasphème. Dans cette entreprise de destruction du sacré, l’Aufklarung utilisait massivement ses catégories partielles : la raison pure, la raison pratique et la raison dialectique, armes rationalistes redoutables qui venaient d’achever le peu qui restait de la foi en Occident.

 

  Une donnée biologique et sociologique rend encore le climat plus asphyxiant. C’est que les hommes appartenant aux communautés d’origine orientale sont biologiquement devenus des occidentaux, mais des occidentaux inachevés. Dans leurs veines coule le sang de l’Occident, mêlé au sang de l’Orient. Certes leur appartenance au monde occidental reste encore problématique. Ainsi pour réduire au néant la tension qui perdure, ou tout au plus la baisser, le recours à la dialectique de la raison n’est guère la seule option. Les extrémistes de droite se sont illustrés pour avoir préconisé des expulsions massives vers les terres d’origine. Les palissades de certains lieux de culte en Europe ont été taguées d’un « Dehors les Arabes ». Cette option extrême a pour préalable la déchéance de la nationalité. En effet ces deux mesures ne résolvent pas la question de l’extrémisme religieux en Europe, vu le nombre exorbitant des candidats éventuels à l’expulsion ou à la déchéance de la nationalité occidentale. Ce sont là des solutions utopiques, car le brassage ethnique est si poussé au loin qu’on ne sait plus qui est issu de quoi. A ce propos, Edward Saïd, le principal adversaire de la thèse du choc des civilisations, et l’artisan oriental de l’anti-thèse titrée: choc des ignorances, attire l’attention sur la présence grandissante de la communauté orientale comme une composante réelle du tissu démographique en Occident, et sur le fait que l’islam n’est plus à la périphérie, mais bien au centre.

 

   Si l’expulsion et la déchéance de la nationalité sont des mesures d’exclusion, l’intégration est a priori un effort louable visant l’homogénéisation et la coexistence pacifique. Mais l’intégration est-elle possible ? Juste après les événements tragiques survenus récemment à Paris, le Président américain Barak Obama conviait les européens à faire plus pour l’intégration des communautés d’émigrés au sein de la société européenne. Mais cet appel vise davantage à masquer l’indifférence et la neutralité qu’à traduire une volonté politique de gérer efficacement le dossier brûlant de l’intégration des communautés étrangères. Rien n’indique que l’Amérique ait réussi jusqu’alors la gestion pacifique de la question, d’autant moins qu’on n’oubliera jamais la destruction par les terroristes du Proche-Orient des tours jumelles du World Trade Center, comme on n’oubliera jamais ses corollaires de milliers de morts, les croisades qui s’en sont suivies et la série des décapitations continuelles des nébuleuses fondamentalistes et djihadistes du Proche-Orient.

 

  Par ailleurs l’intégration est doublement significative : elle signifie à la fois le déclin des valeurs occidentales qui prétendent dès l’aube des temps modernes à l’universalisme, et/ou la défaite de la culture conquérante de l’Orient. Damien Theillier, en commentant la thèse du choc des civilisations du Professeur Samuel Huntington, a exprimé le dilemme occidental en estimant que l’Occident ne doit pas tenter d’imposer sa civilisation au reste du monde. Il estime également que l’Occident ne doit pas non plus renoncer à ses valeurs et principes. C’est au nom de ces valeurs que l’Occident a reçu à bras ouverts les dissidents de l’Orient. Le guide de la révolution persane, on s’en souvient, téléguidait l’insurrection populaire en sol européen. La liberté d’opinion et d’expression débridée est sans conteste l’une de ses valeurs cardinales, qui a abouti à un anti-cléricalisme sarcastique, moqueur tous azimuts. Alors que pour un oriental en Europe, c’est bien l’institution spirituelle qui régit la vie individuelle et collective. On lui doit donc du respect et de la vénération. Par conséquent, il n’est pas étonnant de constater que l’homme de l’Orient, fortement attaché à sa culture d’origine, puisse voir de mauvais œil le sacré et le transcendantal se faire malmener par des hérétiques et des athées. Les rapports entre les deux univers ne peuvent être que tendus. Leur cohabitation regorge de dangers. Les rapports de force sont en faveur de qui ? On ne saurait le dire avec une certitude absolue dans le contexte actuel. A l’avis des spécialistes, ces rapports sont compliqués notamment par la démographie. La croissance démographique spectaculaire en Afrique du nord a eu comme conséquence l’accroissement du nombre des émigrés en Europe occidentale. Ce processus a rendu poreuses les frontières, a aiguisé les sensibilités politico-ethniques et a exacerbé le racisme et le racisme anti-raciste depuis 1990. La terreur au quotidien s’en est suivie. C’est également au quotidien que la terreur suscite des réactions qui dénotent plus que tout autre l’impuissance. Les réactions enregistrées sont pour la majeure partie teintées d’émotion. Certains auteurs, même issus du continent noir, ont tenté de réagir par delà les émotions. Mais sur les questions de dogmes et de croyances, les réactions aux cataclysmes peuvent-elles ne pas être émotives ? C’est également sous le coup de l’émotion que l’on a pensé faussement que la confrontation n’est pas entre civilisations différentes, mais plutôt entre la Civilisation d’un côté et ceux qui s’opposent au monde civilisé de l’autre. C’est là une attitude manichéenne qui n’est qu’une négation grotesque de l’évidence. Huntington lui-même n’a pas pu se soustraire totalement à cette interprétation tendancieuse des faits dans la réalité du clash des civilisations. En faisant allusion à la tragédie de Paris, John Cassidy écrit dans New York Times : « At times like this, inevitably, there is a tendency to view things in Manichean terms, and to suppose, as Huntington postulated, that we are engaged in a clash of civilizations with us on the one side, and the Muslims wherever they are, on the other ». (A des moments comme ceux-ci, il y a inévitablement une tendance à voir les choses en termes manichéens, et à supposer, comme le postulait Huntington, que nous sommes dans un choc de civilisations qui nous oppose aux musulmans où qu’ils soient). Il s’agit évidemment d’un âpre conflit entre l’Ouest et le Reste dont la principale composante est le monde arabo-musulman pour la conquête de la direction morale et politique universelle. Cette violence qui plonge par ses racines dans les différences et les clivages d’ordre culturel s’inscrit dans la durée, car s’il est possible de changer radicalement les orientations politiques et économiques, il n’est probablement pas aisé, sauf à très long terme, de tordre le cou aux tendances de la culture et de la civilisation. L’erreur de l’Occident est de ne pas prendre très au sérieux la menace réelle que constitue pour ses valeurs intrinsèques la culture orientale, et ce malgré l’avertissement de ses têtes pensantes, depuis 1993. L’Orient lui aussi, comme nous en avons déjà fait la remarque, est tombé dans le même piège lorsqu’il pensait que le choc des civilisations n’est qu’une pure fiction, une idée folle qui a germé dans le cerveau des intellectuels excentriques occidentaux. Si, à un moment donné, des hommes pensaient que le terrorisme c’est du théâtre, les offensives anti-terroristes ne le sont pas moins. Les deux types de violence ne sont pas exempts d’une certaine gratuité. Les djihadistes jouent parfois la comédie pour se cacher en se rasant les barbes ou en consommant ostentatoirement des produits alimentaires illicites. Ceux qui mènent les actions offensives anti-djihadistes massacrent des populations désarmées, en faisant croire à ceux qui les condamnent qu’il s’agit d’opérations chirurgicales ratées et  tournées involontairement en de simples dommages collatéraux. Quel sens de l'humour!  L’humour noir est la banalisation du drame individuel et collectif. Le choc des civilisations est incontestablement en train de s’installer surtout en Occident. Les artisans de cette thèse n’ont pas été des marginaux. Ils sont au contraire de fins observateurs de la scène politique nationale et internationale. Trois brillants cerveaux sortent du lot.

 

     Le trio de choc

 

   Samuel Huntington, Francis Fukuyama et Bernard Lewis : voila le trio de choc, voila les trois mousquetaires de l’analyse dénudée de l’état du monde d’après guerre froide. Si Huntington imprime à son style la marque d’une sincérité déconcertante, et que Fukuyama laisse transparaître son souci profond de synthèse et d’homogénéisation, Lewis, lui, est l’orientaliste le plus détestable dans le monde arabe. Plus que tout autre, il a la fâcheuse habitude de faire un diagnostic sans complaisance, avec un style très dépouillé, des signes pathologiques du monde arabe. Edward Saïd, l’anti-orientaliste le plus en vue, le principal adversaire du trio de choc, n’a pas manqué de souligner cet aspect tendancieux chez Lewis, ne serait-ce qu’au niveau du titre de son article désormais classique, The Roots of Muslim Rage (Les racines de la rage des musulmans), publié dans la revue The Atlantic, en 1990. La thèse du choc des civilisations fut élaborée par Huntington en réagissant à l’idée de la fin de l’Histoire chez Fukuyama. Ce dernier pense que, avec la fin de la guerre froide, l’Histoire arrivait à terme. L’émergence de l’unipolarisme qui a supplanté le bipolarisme et le multipomarisme est vue comme la fin de l’Histoire. Finie l’opposition basée sur l’idéologie entre l’Est et l’Ouest. Finis les clivages entre l’alignement et le non-alignement à l’un quelconque des deux blocs. Finie donc l’Histoire qui n’était faite que de ruses et de fraudes des Superpuissances. Les puissants de ce monde allaient sans doute coordonner leurs efforts pour laisser les hommes vivre en paix et dans l’harmonie, sans crainte des conflits génocidaires et sans hantise des armes nucléaires.

 

   Le choc des civilisations

 

   Huntington réagit à cette thèse de la fin de l’Histoire en affirmant que cette dernière allait continuer avec un autre conflit alimenté, cette fois-ci, non plus par des confrontations idéologico-politiques, mais par des affrontements meurtriers entre civilisations et cultures différentes dont la religion est la principale composante. A l’entame de son long article de 1993 et du livre qui en est sorti en 1996, Huntington a précisé que le thème central en est que la culture et l’identité culturelle, dans de larges perspectives, déterminent le modèle de cohésion ou de désintégration, ainsi que la nature des conflits dans la nouvelle phase, celle de l’après-guerre froide. La civilisation étant dorénavant la base des orientations politiques, les rivalités entre Superpuissances sont remplacées, selon Huntington, par des rivalités entre Civilisations. La fin de l’Histoire coïncide avec le commencement de l’histoire des civilisations. Selon John Graham, Huntington désigne la religion comme facteur décisif de ce conflit qui s’étale sur toute la ligne de fracture entre civilisations et cultures différentes, et que le monde est en train d’être délaïcisé. La religion est sans doute la force centrale qui motive et mobilise les peuples. Huntington lui-même a exposé sa thèse en ces termes: « In the coming years, the local conflicts most likely to escalate into major wars will be those along the fault lines between civilizations. The next world war, if there is one, will be a war between civilizations ». (Dans les années à venir, les conflits locaux qui vont très certainement éclater en guerres majeures, seront ceux déclenchés le long des lignes de fracture entre civilisations. La prochaine guerre mondiale, s’il y aura une, sera une guerre entre civilisations). Huntington va encore plus loin lorsqu’il estime que dans le nouveau monde, dans cette nouvelle phase, les conflits les plus meurtriers n’opposeront pas les classes sociales les unes aux autres, les riches aux pauvres ou les groupes économiquement différenciés, mais des hommes appartenant à des ethnies culturelles différentes. Les conflits seront ouverts sur les lignes de fracture tracées entre civilisations. « The fault lines between civilisations, écrit Huntington dans la revue Foreign Affairs de l’été 1993, will be the battle lines of the future». (Les lignes de fracture entre civilisations seront les lignes de bataille du futur). Selon Huntington, dans le monde post-guerre froide, la culture est à la fois une force qui divise et rassemble. Même des hommes idéologiquement séparés, mais culturellement unis, vont se retrouver. Si pendant la guerre froide un rideau de fer séparait l’Est de l’Ouest, ce rideau s’est déplacé à des centaines de kilomètres vers l’Est, en séparant désormais les peuples de l’Occident chrétien d’une part, les musulmans et les orthodoxes de l’autre. Ce conflit ne sera pas de courte durée, car durant des siècles les différences entre civilisations ont généré les conflits et les guerres les plus longs et les plus violents.

 

   Le principal artisan de la politique étrangère de l’Administration des néo cons (abréviation de néo conservateurs), pense que durant les années à venir la civilisation occidentale restera la plus puissante. C’est ainsi que les autres civilisations feront face à deux alternatives : soit servir de wagon docile à la locomotive occidentale ; soit résister à l’expansion de l’Ouest et stopper son influence, comme c’est le cas avec les sociétés arabo-islamiques. En dépit de son déclin, la tentation de l’Occident est très forte. Si l’Occident fascine les autres, c’est parce qu’il est unique en vertu de ses valeurs et ses institutions qui incluent entre autres son pluralisme démocratique, son individualisme et l’instauration de l’Etat de droit, qui lui ont permis d’inventer sa modernité et imposer son expansion, et qui ont provoqué l’envie des autres sociétés. La liberté individuelle, la démocratie politique, la force de la loi, les droits de l’homme et la liberté de la culture ne sont pas, selon Huntington, des idées asiatiques, africaines ou moyen-orientales si ce n’est par adoption, mais sont des idées européennes grâce auxquelles la civilisation occidentale a sa valeur. Si elle a de la valeur ce n’est pas parce qu’elle est une civilisation universelle, mais parce qu’elle est unique, particulière. La civilisation étant le mode le plus élevé de regroupement, le niveau le plus haut de l’identité culturelle, la civilisation universelle n’existe pas et n’a jamais existé, elle est même dangereuse. Dans cette optique, la civilisation de l’Universel, concept vague, mal défini et très cher à Senghor et à ses épigones, est une illusion. En effet, la civilisation se définit à la fois par des éléments objectifs comme la langue, l’histoire, les us et coutumes, les institutions, et par des éléments subjectifs d’auto-identification. Bien que le reproche soit fait à Huntington d’avoir érigé des faits anecdotiques en postulats de philosophie politique, il estime que le modèle culturel du monde arabo-islamique explique dans une large mesure l’échec de la démocratie à son sein. L’Occident a essuyé des échecs cuisants dans ses tentatives d’imposer une « démocratie balistique » à une partie du monde arabo-islamique. Huntington a même décelé une tendance forte à lutter contre l’impérialisme des droits de l’homme, et à réaffirmer les valeurs indigènes, comme on l’a constaté chez les jeunes générations qui soutiennent le fondamentalisme religieux. Une opposition tragique entre l’Occident et le monde arabe se dessine. L’interaction entre les deux entités est conçue comme un choc de civilisations. Huntington cite et prend à son propre compte l’idée de l’universitaire indien M. J. Akbar qui écrit : «  The West’s next confrontation is definitely going to come from Muslim world. It is in the sweep of the Islamic nations from Maghreb to Pakistan that the struggle for a new world order will begin ». (La prochaine confrontation avec l’Ouest proviendra en définitive du monde musulman. C’est sur toute l’étendue du territoire des nations islamiques, allant du Maghreb jusqu’au Pakistan, que la lutte pour un nouvel ordre mondial commencera). Il faut dire que Huntington déplore le caractère irrationnel de cette confrontation qui est tout de même historique, avec un ancien rival de l’héritage judéo-chrétien et de la présence séculière de l’Ouest dans le monde. La poussée démographique dans le monde arabe s’est accompagnée d’une montée fulgurante du fondamentalisme religieux en particulier chez les jeunes.  Selon notre auteur, la question fondamentale pour l’Occident n’est pas le fondamentalisme musulman, mais c’est l’islam vu comme une civilisation différente dont les représentants se sont persuadés de leur supériorité, mais obsédés par l’infériorité de leur puissance. De même pour l’Orient, le problème c’est l’Occident, une civilisation différente dont les représentants sont convaincus de l’universalité de leur culture et pensent que leur puissance supérieure, bien qu’en déclin, leur donne le droit de répandre cette culture à travers le monde. Des jugements de valeurs opposent les deux camps qui s’accusent mutuellement de partialité quant aux violences au quotidien. Si l’attitude de deux poids, deux mesures est décriée avec véhémence de part et d’autre, Samuel Huntington la trouve normale dans une situation conflictuelle. « A world of clashing civilizations, however, dit-il, is inevitably a world of double standards: people apply one standard to their kin-countries and a different standard to others ». (Cependant, un monde de civilisations en choc est inévitablement un monde de doubles critères : les hommes appliquent un critère aux pays parents, et un critère différent aux autres). La montée en puissance du djihadisme chez les jeunes fait que le monde arabo-islamique est entouré d’ennemis absolus. Voila pourquoi Huntington dit que le monde arabo-islamique a des frontières ensanglantées : « Islam has bloody borders». Sur les frontières nord-ouest, l’enfer occidental s’installe. En Irak, en Afghanistan et au Pakistan le conflit armé fait des ravages. En Afrique au sud du Sahara les nébuleuses djihadistes sèment la zizanie dans les zones frontalières poreuses.   

 

    L’Afrique dans le choc ou sous le choc ?

 

   Huntington n’a pas omis la place qu’occupe le continent noir dans le choc des civilisations. Huntington est sans doute indécis sur le rôle de la civilisation africaine. Il la conçoit comme une civilisation possible dont l’existence dépendrait de la conception du niveau de développement de la conscience africaine. L’Afrique n’exerce son influence sur le conflit des cultures tel que le conçoit Huntington que de manière indirecte. En commentant la thèse du choc, Jeane Kirkpatrick estime que l’importance de l’influence africaine se limite aux seuls Etats-Unis. En faisant l’état des lieux, Huntington identifie sept à huit civilisations majeures. La huitième est probablement celle de l’Afrique. Toutefois, l’auteur ne voit pas l’Afrique comme une civilisation en soi, préférant la rattacher aux autres civilisations. En d’autres termes, la civilisation africaine n’est pas authentique. Le théoricien du choc des civilisations pense que, historiquement, l’autre grande interaction antagonique de la civilisation arabo-islamique a eu lieu en Afrique avec les peuples noirs païens, animistes et christianisés plus tard. Dans le passé, cet antagonisme était incarné par l’image des marchands arabes d’esclaves noirs. Dans certains pays africains des guerres civiles ont éclaté opposant les arabes aux noirs, les musulmans aux chrétiens. Même la modernisation de l’Afrique est vue comme un facteur probable pouvant provoquer des heurts le long de cette ligne de fracture. La situation au sud du Soudan en est une illustration. Voila comment Huntington conçoit la place du continent noir dans la collision inévitable entre civilisations majeures. Il s’agit là incontestablement d’une conception indécise et hésitante. Seulement on regrette que les idées de Huntington sur la civilisation africaine soient tendancieusement et faussement interprétées par des commentateurs d’Orient comme d’Occident. Pour Huntington, selon Damien Teillier, l’Afrique apparaît comme une civilisation en gestation, donc immature, incapable d’exercer une quelconque influence sur la marche historique du monde. Tariq Ali va trop loin en croyant qu’il n’était pas sûr que l’Afrique soit civilisée. Huntington n’a absolument pas dit une absurdité pareille.

 

   L’Afrique noire, victime de ses faiblesses innées, est loin d’être invitée à cette tragi-comédie des deux vieux ennemis, l’Orient et l’Occident. Son attitude face à ce drame reste encore l’indifférence et la neutralité, bien qu’il y ait des voix discordantes appelant le continent à s’y impliquer. En effet, ces voix pour le moment sont isolées. La neutralité et l’indifférence sont les seules attitudes salutaires face à ce type de conflits qui perdurent. Le continent noir est naturellement horrifié par la tragédie du choc des civilisations majeures. En réalité, l’Afrique peut bien être sous le choc, mais pas dans le choc.

 

   Tout compte fait, il y a de réelles possibilités de sortir du gouffre et d’éviter l’affrontement, ou de le stopper s’il est déclenché. Huntington est un stratège de la politique d’une superpuissance. L’acteur politique est de nature optimiste. Ce qui surprendrait le lecteur est que Huntington estime que quoique l’on fasse il y a toujours une impasse. L’évitement d’un conflit selon lui dépendra de la capacité des leaders de ce monde de maintenir le caractère multiculturel de la politique mondiale. L’Occident ne gagne pas grand-chose en voulant imposer sa propre culture. L’universalisme occidental est dangereux non seulement pour le monde, mais aussi pour l’Ouest lui-même. La volonté de l’imposer serait un désastre, dans la mesure où elle peut déclencher une guerre mondiale et causer la défaite de l’Occident. Par conséquent, la responsabilité des leaders occidentaux ne consiste pas à remodeler les autres civilisations à l’image de la civilisation occidentale, ce qui est au-delà de leur pouvoir en déclin, mais à préserver et renouveler les qualités uniques de la civilisation de l’Ouest. Dans le choc majeur entre la civilisation et la barbarie, ce sont les riches réalisations dans les domaines de la religion, de l’art, de la littérature, de la philosophie, de la science, de la technologie et de la morale qui vont réunir ou séparer les hommes. Dans les temps à venir, le choc des civilisations représente la plus grande menace pour la paix dans le monde. Cependant, un ordre international fondé sur les civilisations est le garde-fou le plus sûr contre une nouvelle guerre mondiale.

 

   C’est ainsi que Huntington conclut son article sur un ton plutôt optimiste qui jure quelque peu d’avec une revue sombre du tableau des interactions entre les civilisations d’une Humanité en proie à la folie et au fanatisme.

 

   La thèse du choc, objet d’attaques et de critiques

 

  La thèse du choc des civilisations a naturellement suscité de nombreuses réactions et fait l’objet d’attaques venant des quatre coins du globe. « Moreover, écrit Holly F. Piercy, Huntington’s generalizations and assumptions about the new phase of world politics that are based on one anecdotal evidence and subjective interpretation of that evidence invite criticism ». (De surcroît, les généralités et les hypothèses de Huntington sur la nouvelle phase de la politique mondiale, basées sur des preuves anecdotiques et des interprétations subjectives de telles preuves requièrent des critiques). C’est ainsi que la couleur est annoncée. Cette thèse est fondée sur des suppositions générales concernant la nouvelle phase, fondées sur des faits certes historiques, mais anecdotiques. Ce n’est pas tout. La thèse du choc des civilisations est accusée, entre autres, d’être fondée sur des explications tendancieuses. Elle est accusée également de simplisme et d’exagération de l’affrontement religieux. La thèse défend le repli de l’Occident sur lui-même. Elle est dangereuse en politique intérieure. Par ailleurs, sans les attaques terroristes, la thèse ne représenterait pas un intérêt réel. Elle ignore notamment que ces attaques ne représentent qu’un aspect fragmentaire du choc global des civilisations. Les critiques se sont focalisées sur l’impertinence du découpage et de la classification des civilisations. Selon J. Graham, le recours à cette théorie a pour objectif d’accroître la peur de l’islamisme en Occident, perçu comme mouvement de plus en plus puissant et anti-occidental. Que la théorie soit fondée sue une évidence défectueuse et circonstancielle est un désastre.

 

   Quoiqu’il en soit, il faut souligner rigoureusement que ce n'est pas avec des vœux pieux que l’on puisse discréditer la thèse de Hntington. Wendell Bell de l’université de Yale, rejette la thèse du choc des civilisations au nom des valeurs humaines. Pour Bell, il n’y a pas de clash des civilisations, car les hommes de ce monde, quelques soient leurs sociétés, leurs cultures, leurs civilisations et leurs religions, veulent vivre et laisser vivre leurs populations en paix et en harmonie. Ils baignent tous, pour emprunter cette belle image métaphorique à Edward Saïd, dans les mêmes eaux océaniques de la culture et de l’histoire, de la tradition et de la modernité. Or la volonté de vivre et de laisser les autres vivre en paix est plus proche des voeux pieux que d'une évaluation critique objective de la thèse du choc des civilisations.

 

    Fukuyama : le maillon perdu

 

   Deux figures emblématiques de la culture anglo-saxonne, Francis Fukuyama et Edward Saïd qui vient juste d’être cité, ont fait un examen critique de la thèse de Huntington. Fukuyama, dans un article paru en arabe et publié sur les colonnes du journal arabophone du Moyen-Orient, Asharqalawsat, a déploré l’absence d’un maillon de la chaîne du clash des civilisations. Fukuyama concède volontiers qu’il y a une montée en flèche de l’islamisme extrémiste, que les événements survenus ultérieurement ont donné raison à Huntington pour avoir dit que l’identité culturelle ne va pas disparaître dans un futur immédiat, que la force de la culture sera une entrave à la mondialisation, et que les hommes seront reconnaissables sur la base de leurs us et coutumes, de leurs cultures et de leurs sociétés d’origine. Cependant, Fukuyama estime que la question fondamentale est de savoir si l’on peut emprunter d’autres voies qui puissent conduire au point final, à la fin de l’Histoire, où les tensions et les conflits seront réduits à leur plus simple expression. Il souligne avec vigueur que ce qui le sépare du maître Huntington est l'idée que la modernisation des structures qui régissent la vie des hommes exige à long terme la convergence des institutions, sans considération aucune des postulats de base inhérents à la culture autochtone. La complémentarité économique peut réinstaurer le climat de confiance.

 

   Edward Said : le clash des ignorances

 

   Pour Edward Saïd, la genèse du conflit n’est nullement le choc des cultures, mais, au contraire, c’est le clash des ignorances entre des hommes appartenant à des horizons et des civilisations différents. Selon Saïd, l’article de Huntington visait un objectif bien précis, celui de doter les citoyens américains d’une thèse originale sur la nouvelle phase de la politique mondiale après la fin de la guerre froide. Du coup, cet article a fini par faire de l’auteur un visionnaire et de sa thèse une prophétie. Saïd pense que l’argument de Huntington est fondé sur des concepts vagues, non définis avec précision, tels que : l’identité culturelle et l’interaction de civilisations majeures dont deux, l’islam et l’Occident, se taillent la part du lion de son attention. Huntington n’a pas eu le temps de mieux définir la dynamique interne et la pluralité, toutes les deux inhérentes à chaque civilisation. C’est un idéologue qui vise à faire des civilisations ce qu’elles ne sont pas : un monde clos, parfait et purifié de tout courant et de tout contre-courant, lesquels n’ont jamais cessé d’animer l’Histoire qui connaît aussi bien des guerres de religions que des brassages fertiles. La question centrale pour l’éminent anti-orientaliste est cet usage problématique de labels non définis, comme l’islam et l’Ouest.. Ces labels, tels qu’ils sont présentés, vastes et vagues, trompent l’esprit qui cherche à mieux saisir le sens de la réalité chaotique. De plus, ils sont des concepts flous et inadéquats. Voila comment Saïd apprécie la question dans un article titré : The Clash of Ignorance, publié le 22 octobre 2001, dans la revue The Nation, juste au lendemain des terribles attaques terroristes sur New York, Washington et la Pennsylvanie : « At some level, for instance, écrit-il, primitive passions and sophisticated know-how converge in ways that give lie to a fortified boundary not only between West and Islam, but also between past and present, us and them, to say nothing of the very concepts of identity and nationality about which there is unending disagreement and debate ». (A un certain niveau par exemple, les passions primitives et les connaissances sophistiquées convergent vers des chemins qui administrent un démenti à l’existence de frontières fortifiées non seulement entre l’Ouest et l’Islam, mais aussi entre le passé et le présent, entre nous et eux, sans parler des concepts mêmes d’identité et de nationalité atour desquels il y a des controverses et des débats sans fin). Au nom de nombreux facteurs de brassage et d’interaction entre des hommes venus des horizons différents, au nom des points de convergence entre tradition et modernité, et c’est parce qu’il n’y pas d’archaïsme pur ou de modernisme pur, Saïd s’est insurgé contre la conception de blocs de civilisations monolithiques. Il estime que, depuis les attaques du 11 septembre, le paradigme du discours de la haine persiste et que des mesures répressives sont prises à l’encontre des arabes, des musulmans et des indiens sur le territoire américain où Saïd vivait.

 

   Etant donné que les hommes issus des communautés ayant en commun les croyances monothéistes baignent dans les mêmes océans de l’Histoire et dans les mêmes eaux profondes de la tradition et de la modernité, il est plus pertinent de parler de communautés faibles et fortes, de la raison et de l’ignorance, de principes universels de justice et d’injustice, au lieu de se focaliser sur des abstractions narcissiques. Edward Saïd conclut son analyse en estimant que la thèse du choc des civilisations n’est qu’une astuce du genre « Guerre des étoiles » (The War of the Worlds), selon ses propres termes, destinée plus à l’autodéfense qu’à une évaluation objective de l’interdépendance phénoménale de notre temps.

 

  Et du Maghreb, pourquoi pas ?

 

   Des intellectuels maghrébins de langue arabe se sont penchés sur la question et leur avis peut bien refléter la position d’une bonne partie de l’intelligentsia arabe de l’intérieur, Edward Saïd étant un expatrié, voire même un acculturé, un produit de la culture anglo-saxonne. En exposant la pensée de Iqbal, l’algérien Mohamed Baba Ami met en exergue la dialectique du statique et du dynamique dans l’interaction des cultures et au sein d’une même civilisation, qui est à l’origine des heurts violents entre les hommes, tout en estimant que l’esprit de changement est essentiel pour le progrès de la société.  

 

   Pour le marocain Khaldi As-Samadi, l’intensité du choc des civilisations est due au manque des valeurs de gestion des différences. Il y a besoin d’une reconstruction de la conscience collective avec ces mêmes valeurs et de leur consécration par la pratique et le comportement. « Le monde d’aujourd’hui, écrit As-Samadi, connaît des heurts sans précédent entre cultures et civilisations, entre ethnies et races, entre religions. Ce qui est de nature à mettre en relief les différences et les contradictions dans les domaines idéologique, politique, culturel et social sous des formes aiguës ». La focalisation sur les différences et les oppositions n’est nullement salutaire. La priorisation des points d’intersection est la voie royale vers la félicité éternelle.

 

   Ce que l’on peut déduire des lignes précédentes se réduit principalement à des problématiques, c’est-à-dire à des interrogations dont les réponses ne sont pas aisées à trouver. Seule la question de la place de l’Afrique dans ce débat présente une certaine intelligibliité. L’Afrique peut être choquée par la tragédie en cours. Mais elle ne peut pas y prendre part. La sagesse séculaire lui dicte l’attitude de se tenir à l’écart et d’être dans la neutralité et l’indifférence. Cette position reste encore maintenue en dépit du cynisme diabolique du fondamentalisme intercontinental qui tente de pousser le continent noir à s’enliser dans le bourbier par tous les moyens. L’Afrique n’est pas invitée ni pour une participation ni pour un arbitrage. Une fois encore elle peut être sous le choc, mais pas dans le choc.  

 

   Le clash des civilisations ou, en d’autres termes, le choc des ignorances, est une réalité indéniable dont les attaques djihadistes sont des illustrations certes parcellaires, mais tout de même incontestables. Cependant, la confrontation n’est pas une fatalité. Par l’action héroïque, par le courage et le dépassement, l’homme maîtrise son destin et réoriente le sens de l’Histoire. Le fait d’être né en sol occidental tout en étant d’origine orientale est une condition inhérente à la fatalité des situations limites sur lesquelles l’action de l’homme n’a pas trop d’effets. Pour le reste, l’homme peut agir. L’une des urgences du moment est que les occidentaux d’origine orientale sachent qu’ils vivent sur un sol non encore conquis par les valeurs de leur civilisation. Mais une autre urgence de l’heure est que l’homme occidental de souche tolère le mode de vie et de pensée de ceux qu’il a accueillis à bras ouverts sur son sol. Le respect des valeurs d’autrui implique entre autre l’abstention volontaire du sarcasme tous azimuts, donc l’autocensure. En effet, l’autocensure n’est pas un mal en soi. L’acceptation volontaire de sujets tabous en est un mode courant. Les auteurs de romans réalistes, pour ne citer qu’eux, s’autocensurent et ne vont pas toujours jusqu’au bout de la logique descriptive de la réalité sordide. L’autocensure peut apaiser le climat et empécher que la population civile soit laissée à la merci des djihadistes cruels.

 

                                                           Babacar Diop             

 

        

 

                

 

                   

 


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Anonyme - #1

L'article Est Publié Aussi Dans Le Site Personnel Du Rédacteur: Babacardiop327khary.unblog.fr

le Samedi 21 Mars, 2015 à 23:08:36RépondreAlerter

Anonyme - #2

Aujourd'hui Les Islamistes Viennent Juste De Frapper Encore. Ils Ont Tué Plus De 22 Touristes étrangers à Tunis. La Guerre Des Religions Commance Et Le Choc Des Civilisations éclate.huntington A Raison

le Jeudi 19 Mars, 2015 à 00:53:39RépondreAlerter

Anonyme - #3

Oui

le Lundi 09 Mars, 2015 à 11:25:05RépondreAlerter

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