Le big-bang en mode éthique

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  • Article ajouté le : 27 Lundi, 2016 à 05h06
  • Author: babacar diop

Le big-bang en mode éthique

   En effet, la rupture en morale et le big-bang en astrophysique sont en symétrie parfaite, bien qu’ils soient, l’un et l’autre, d’univers différents. Ce sont là  deux évènements, deux lignes de conduites, de comportements et de pensée tout au moins parallèles. Si, dans l’univers astronomique, le big-bang marque un passage explosif et violent de l’infiniment petit à l’infiniment grand, le big-bang en morale marquerait le passage de l’infiniment pire à l’infiniment meilleur. Le big-bang en mode éthique a pour finalité principale la réalisation concrète de la conception par Kant de la morale rigoureuse. Nul mieux que le Professeur Assane Sylla, dans La philosophie morale des wolofs, n’a défini, avec autant de précision et de clarté, le concept kantien de l’impératif catégorique. « L’acte moralement bon, écrit le Pr. Sylla, est une fin en soi qui n’a pas besoin de justification en dehors de lui-même ». Kant a opposé dans sa réflexion les deux concepts et trouve que l’impératif moral est soit catégorique soit hypothétique. Il n’y a pas de place pour les hésitations dans l’impératif catégorique. Car il s’agit d’un commandement inconditionnel, absolu. Alors que  l’impératif hypothétique seul aurait besoin d’une justification extérieure à lui-même. Evidemment dans ce domaine, la prédilection va à l’absolu.

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  Ce recours à la conception kantienne, en traitant de la rupture radicale en morale, en d’autres termes du big-bang en mode éthique, est d’autant plus justifié que l’auteur de La critique de la raison pure lui-même aimait comparer sa morale de rupture à la révolution copernicienne dans le domaine de la connaissance scientifique. Il est inutile de donner plus de détails sur la morale kantienne, une morale qui prône la constance et la rigueur absolues. La pensée de Kant sur ce sujet est archi-connue. Nous voulons seulement en faire un viatique dans notre voyage à travers le temps dans le monde moral. Nous voulons également déduire de ces références aux idées du moraliste allemand que le big-bang en mode éthique, ayant comme concept primordial l’impératif catégorique, doit bannir de notre espace vital tout ce qui est hésitation, tout ce qui est incohérence,  et combattre avec la dernière énergie, le compromis, la compromission et l’infidélité aux principes éthiques de gestion des affaires aussi bien personnelles que publiques.

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   Les acteurs et les structures qui sont chargés de nous conduire à l’accomplissement de notre destin tergiversent et montrent les possibilités et les limites de leurs actions. Il y a un manque avéré de constance dans la conception et la réalisation des objectifs visés. L’unique porte de sortie de ces apories et de ces contradictions est de s’approprier et rendre concrète avec rigueur l’idée du Pr. Assane Sylla selon laquelle l’ascèse morale est un facteur de prospérité et de bonheur durable. En effet, seule l’ascèse morale permet d’être constant dans la logique éthique. Seule l’ascèse morale permet à la conscience morale l’évitement d’être écartelée entre deux pôles diamétralement opposés : la force et la faiblesse. Seule l’ascèse morale libère l’acteur social de la servitude des conjonctures spatio-temporelles vouées tôt ou tard à la disparition, pour puiser ses énergies exclusivement dans les structures permanentes qu’il a su créer de ses propres mains et dont il a testé l’efficacité. C’est dans le champ de l’action politique et sociale que le structurel et le conjoncturel s’opposent en tant que modalités d’action pratique et en tant que modes de gestion des urgences. L’ascèse morale a pour finalité précise de faire coïncider les ambitions annoncées et les actions concrètes.   

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  Même s’il est légitime d’accuser le destin d’être responsable des situations d’inconfort et d’absence de structures, en faire à l’excès peut porter un coup dur à la conscience morale et à la notion de responsabilité personnelle. L’on fait du tort au destin lorsqu’on veut lui faire endosser la responsabilité totale des situations existentielles difficiles. Le courage moral implique l’acceptation du fait que ce sont les hésitations et les incohérences qui sont à l’origine des échecs. Les acteurs sociaux aiment afficher avec fierté des ambitions nobles allant dans le sens de la rupture. Or, la noblesse des ambitions se mesure à l’aune des possibilités réelles de leur concrétisation. Une bonne ambition sans perspective de concrétude reste un pur idéal, pour ne pas dire une chimère. La rupture en mode éthique est de nature à réduire considérablement l’hiatus qui sépare les ambitions annoncées de leur réalisation concrète grâce à une bonne tenue de l’action politique et sociale. C’est cette même rupture qui octroie son sens plein au big-bang en mode éthique. La politique qui consiste en la simple proclamation de slogans est une folie morale dont peuvent pâtir non seulement les pauvres masses populaires, mais aussi les acteurs eux-mêmes. Les slogans sont sans lendemain. Et cela est un désastre. Quel triste sort est réservé aux formules tonitruantes du passé récent ! : «  La patrie ou la mort nous commande » ; « la patrie avant le parti » ; « un seul peuple, un seul Etat, un seul chef » ; « Génération du concret ». Tous ces slogans, à la fois tristes et sérieux du reste, se sont fait substituer par des logiques implicites plus sobres et plus subtiles, mais plus malignes: «  la patrie ou la poche nous commande » ; « la patrie ou les proches » ; « Yes, we can » qui n’est, d’ailleurs au niveau local, qu’une imitation servile des Ricains. Néanmoins, « La patrie et non la poche », en dépit de son caractère vulgaire peut manifester une certaine volonté de renversement authentique dans le système des valeurs et des tendances.

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   Les hésitations et les incohérences chez les acteurs sociaux ont des conséquences plus graves pour nos masses populaires. En réalité, les promesses non tenues, pour cause de manque criard de courage moral, qui pourtant sont la genèse des victoires politiques éclatantes, ont fini par ruiner tout espoir légitime nourri par les pauvres populations livrées à la déception. Si dans notre contexte actuel, l’humanisme usé sert d’alibi à la paresse et au laxisme consistant à laisser faire les criminels et les prédateurs des deniers publics, c’est que le big-bang en mode éthique est devenu aujourd’hui plus que jamais, un besoin impérieux. Le délinquant public sait que l’étau qui se resserre autour de lui va se desserrer bientôt pour le laisser respirer et humer l’air libre, au lendemain de sa sortie précipitée d’une prison sordide où il croupit, et cela après une médiatisation excessive de son procès public dans des Cours et Tribunaux. Quelles sont les geôles qui ne sont pas insalubres en Afrique ? La prison en Occident, par comparaison, est un paradis pour un africain, alors qu’elle est un enfer dans le continent noir. Voila pourquoi les sorties de prison sont précipitées pour les détenus de luxe. Cette libération n’est que  la suite logique de la conduite et de la gestion laxistes des structures étatiques qui, se sentant essoufflées et épuisées, ne voient d’autres perspectives que celle de l’élargissement du délinquant qui dorénavant se la coule douce ailleurs sous d’autre cieux plus cléments, avec, bien sûr, les sous illicites puisés subrepticement dans les caisses de l’Etat d’un peuple « canaille », pour reprendre un vocable cher à Nietzsche.   

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  Une bonne partie des fiascos chez les acteurs sociaux provient de la confusion entre ce qui est moralement légitime et ce qui est conforme à l’esprit des lois. Loi et morale peuvent bien être antinomiques sur des points cruciaux et fatidiques. Le machiavélisme consiste à penser que les fins justifient l’usage et le recours à des moyens peu orthodoxes, voire même pernicieux, et que tout ce que la loi n’interdit pas est permis.

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  C’est le laxisme dans la gestion des structures qui laisse libre cours à la témérité de l’anarcho-syndicaliste jusqu’à menacer et exécuter ses menaces, par un jusqu’auboutisme intégral, qu’il va paralyser le système de l’éducation, de la santé ou d’autres secteurs vitaux de la vie sociale, si ses revendications purement salariales ne sont pas satisfaites. Sa volonté enveloppée dans toute une fumée épaisse de rhétorique, si elle est épurée de toutes les scories et  les écorces qui la couvrent, se résume enfin en une simple ambition unique : posséder, à l’instar de ses émules bourgeois nantis, plus de confort et de luxe matériels.

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  Le jour où toutes ces prétentions, allant de l’humanisme usé jusqu’aux rhétoriques creuses, seront balayées d’un revers de main, ce sera un véritable évènement cataclysmique, un big-bang dans le monde moral.

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                                                        Babacar Diop

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Anonyme - #1

Ce Texte Est Publié Dans Le Journal Le Quotidien D'aujourd'hui

le Mercredi 29 Juin, 2016 à 09:54:33RépondreAlerter

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