Le règne d'Aphrodite

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  • Article ajouté le : 28 Mercredi, 2013 à 17h33
  • Author: babacar diop

Le règne d'Aphrodite

Aphrodite est le nom d'une déesse dans la mythologie grecque. Elle était le symbole de l'union entre deux êtres antinomiques, mais complémentaires: l'homme et la femme. Au sein des multiples fausses divinités grecques Aphrodite était la plus attrayante, la plus envoûteuse. Le charme d'Aphrodite est, sas conteste, l'œuvre de la coïncidence la plus totale entre l'imaginaire et le réel. Le temps de la superposition de la transcendance et  de l'immanence appartient à l'éternité. Ce n'est donc nullement un hasard si les mystiques avaient recours au langage métaphorique, imagé d'Aphrodite et de ses prêtresses, pour exprimer l'intensité de leurs sensations  fortes, ineffables et la force de leurs sentiments profonds durant l'expérience mystique. Aphrodite était jadis un nom propre, mais devenu au fil des temps un nom commun: aphrodite, désignant une junte  féminine ayant préféré la facile débauche à la dure chasteté, l'aventure à la sécurité dans le giron conjugal. Les prêtresses d'Aphrodite ont été les prototypes de la décadence morale dans la Grèce antique. "Aujourd'hui, écrit Charles Seltman dans son bel ouvrage: The Twelve Olympians, les femmes même plus que les hommes, sont à la recherche de la sécurité et du bonheur. Encore que ces états d'esprit ne peuvent pas coexister, sauf pour une très courte période. La sécurité entraîne soudain l'ennui, une forme majeure de désenchantement; le bonheur incite à l'excitation et à l'aventure, choses incompatibles avec la sécurité. Ce que les filles d'Aphrodite recevaient, et ce fut de l'honneur,  était de se marier aux grands poètes".

 

   Dans notre ère les aphrodites ne cherchent plus de liaison conjugale avec les poètes, les écrivains et autres intellectuels. Elles cherchent plutôt l'hyménée avec les professionnels du foot, les lutteurs, les comédiens et la racaille venue de tous les horizons, pourvu que l'aisance et le luxe s'étalent. L'intellectuel, héritier du poète grec et du troubadour du moyen âge, n'est davantage estimé sur la base de ses performances intellectuelles que sur celle de sa fortune colossale. C'est l'apanage d'une époque où règnent en modèles Madonna et autre Marilyn Monroe.

 

   Selon l'opinion d'une anthropologue contemporaine, Margaret Mead, "Le sexualité est une expérience qui ne sera pas suffisamment envahissante à tel point qu'elle constitue une menace pour l'ordre social." A mon avis le cours des événements n'a pas donné raison à cet auteur. La sexualité est l'un des facteurs les plus efficaces d'embrigadement de la jeunesse d'aujourd'hui. Ce type d'embrigadement a inopinément abouti à la création de multiples factions rivales qui n'ont de cesse qu'elles menacent et harcèlent tout l'ordre établi. L'aphrodite est universelle.  Elle triomphe là où la morale montre des signes de faiblesse. Le culte d'Aphrodite se répand maintenant comme une traînée de poudre, s'élève au-dessus de nos têtes comme un nuage de criquets qui dévorent avec cupidité tout sur leur passage. C'est à cause d'Aphrodite que les vedettes de la décadence morale éclipsent de plus en plus les hauts faits de la raison et de l'éthique. Qui sont-elles, ces vedettes? Qui sont-elles, ces nouvelles aphrodites? Elles sont loin d'être méconnaissables, car Aphrodite est universelle; elle parle les langues du monde entier et dépasse largement les frontières artificielles. Qu'est-ce que l'homosexualité si ce n'est la transfiguration du Tueur d'Argos en Aphrodite, du Male  en Femelle, d'un jeune garçon en une jeune fille?

 

   Dans les cités grecques la statue d'Aphrodite était vendue, achetée et échangée de part en part, mais là où elle était exposée et posée sur un piédestal, Aphrodite était admirée de tous, car c'était la statue entièrement couverte d'un manteau splendide. Avons-nous donc atteint le niveau de perfectionnement moral dans la Grèce antique? Avons-nous surpassé l'homme mécréant en morale publique? L'idée même de dépassement est exclue, car notre lassitude innée ne permet guère de l'accomplir. Les grecs étaient des hommes courageux et ne se sont pas laissés envahir par la banalité quotidienne. Chez eux la naissance et le décès étaient des évènements exceptionnels et suspendaient momentanément le rythme et la cadence de la vie. Après ces arrêts l'élan vital se relance à nouveau et Aphrodite en est le levier. Voila pourquoi les sujets grecs tenaient la Reine en respect et en révérence et évitaient de l'évoquer dans leurs causeries sur la place publique et dans leurs littératures. Les poètes sentaient une grande gêne à évoquer Aphrodite ou à la décrire. Son intimité faisait l'objet de respect et de vénération. Mais aujourd'hui la description physique des aphrodites est devenue monnaie courante, et dans cette logique l'écrit le plus attrayant est celui où s'expriment Aphrodite et ses prêtresses. Les écrivains et les auteurs les plus émérites, les plus lus sont ceux qui usent de leurs plumes et tarissent leur ancre à peindre les aphrodites actuelles, les nouvelles reines de beauté, non pas dans leur majesté, mais dans leur intimité et leur douceur.

    

   Le plus grand facteur de banalisation de la vie est le règne de la débauche. Aphrodite triomphe ça et là parce que l'homme de notre temps est moralement désarmé face aux forces du mal. Si l'intimité et l'équilibre de la junte féminine se trouvent aujourd'hui fragilisés c'est la faute à Aphrodite.

 

   Au demeurant, il ne faut jamais oublier qu'il y eut des poètes qui ne se sont intéressés aux aphrodites qu'accidentellement, parce qu'Aphrodite est constamment liée à l'idée de péché et de perversion. Ces types de poètes sont toujours vivants, et il incombe aux moralistes qui mènent une lutte acharnée contre les aphrodites des temps modernes d'être en connexion avec ces maîtres de l'art verbal, afin de réajuster leur tir et de réadapter leur stratégie de lutte aux exigences du moment. Qu’il sachent donc qu’ils font face à une ennemie immortelle (pardon mortelle): Aphrodite et ses prêtresses constamment à l'œuvre pour brouiller les pistes.

 

 

                                      Babacar  Diop  

 

                


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