le règne d'Aphrodite

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  • Article ajouté le : 19 Vendredi, 2014 à 10h12
  • Author: babacar diop

le règne d'Aphrodite

 

 

  Aphrodite est le nom d'une déesse dans la mythologie grecque. Elle était le symbole de l'union entre deux êtres antinomiques, mais complémentaires: l'homme et la femme. Au sein des multiples fausses divinités grecques, Aphrodite était la plus attrayante, la plus envoûteuse. Le charme d'Aphrodite est, sas conteste, l'œuvre de la coïncidence la plus totale entre l'imaginaire et le réel. Le temps de la superposition de la transcendance et  de l'immanence appartient à l'éternité. Ce n'est donc nullement un hasard si les mystiques avaient recours au langage métaphorique, imagé d'Aphrodite et de ses prêtresses, pour exprimer l'intensité de leurs sensations  fortes, ineffables et la force de leurs sentiments profonds durant l'expérience mystique. Aphrodite était jadis un nom propre, mais devenu au fil des temps un nom commun: aphrodite, désignant une gente  féminine ayant préféré la facile débauche à la dure chasteté, l'aventure à la sécurité et la stabilité dans le giron conjugal. Les prêtresses d'Aphrodite ont été les prototypes de la décadence morale dans la Grèce antique. « Nowday, écrit Charles Seltman dans son bel ouvrage intitulé: The Twelve Olympians, women, even more than men, quest after both security and happiness. Yet thes estates of mind   cannot co-exist, save for a very brief period. Security entails boredom, a major form of unhappiness; happiness calls for excitement and adventure, things incompatible with security. But one thing the girls of Aphrodite did receive, and that was honour, being hymned by very great poets ». (Aujourd'hui, les femmes même plus que les hommes, sont à la recherche de la sécurité et du bonheur. Encore que ces états d'âme ne puissent pas coexister, sauf pour une très courte période. La sécurité entraîne soudain l'ennui, une forme majeure de tristesse; le bonheur incite à l'excitation et à l'aventure, choses incompatibles avec la sécurité. Ce que les filles d'Aphrodite recevaient, et ce fut de l'honneur,  était de se marier aux grands poètes).

 

   Dans notre ère, les aphrodites ne cherchent plus une liaison conjugale avec les poètes, les écrivains et autres intellectuels qu’elles estiment être indignes d’elles. Elles cherchent plutôt l'hyménée avec les professionnels du foot, les lutteurs des arènes, les comédiens et la racaille venue de tous les horizons, pourvu que l'aisance et le luxe s'étalent. L'intellectuel, héritier du poète grec et du troubadour du moyen âge, n'est davantage estimé sur la base de ses performances intellectuelles que sur celle de sa fortune probablement colossale. C'est l'apanage d'une époque où règnent en modèles exemplaires Marilyn Monroe, Madonna et autre Beyoncé

 

   Selon l'opinion d'une anthropologue contemporaine, Margaret Mead que cite Seltman, « Sexuality is an experience which will not be suffisciently engrossing to threaten the social order ». (La sexualité est une expérience qui ne sera pas suffisamment envahissante à tel point qu'elle constitue une menace pour l'ordre social). A mon avis le cours des événements n'a pas donné raison à cet auteur. La sexualité est l'un des facteurs les plus efficaces d'embrigadement de la jeunesse d'aujourd'hui. Ce type d'embrigadement a inopinément abouti à la création de multiples factions rivales qui n'ont de cesse qu'elles menacent et harcèlent tout l'ordre établi.

  L'aphrodite est universelle.  Elle triomphe là où la morale montre des signes de faiblesse. Le culte d'Aphrodite se répand maintenant comme une traînée de poudre, et s'élève au-dessus de nos têtes comme un nuage de criquets qui dévorent avec cupidité tout sur leur passage. Dans les cités modernes du temps présent, les produits aphrodisiaques ainsi que les produits cosmétiques qui facilitent la transfiguration artificielle du male en femelle, se vendent comme de petits pains, grâce au harcèlement publicitaire confié exclusivement aux nouvelles aphrodites, et ce au prix du dévoilement de leur intimité. Même le monde politique n’est pas à l’abri, il est de plus en plus envahi par Aphrodite et ses tigresses qui usent amplement de leur charme démoniaque pour envoûter plus d’électeurs au profit de telle ou telle entité politique. C'est à cause d'Aphrodite que les vedettes de la décadence morale éclipsent de plus en plus les hauts faits de la raison et de l'éthique. Qui sont-elles, ces vedettes? Qui sont-elles, ces nouvelles aphrodites? Elles sont loin d'être méconnaissables, car Aphrodite est universelle; elle parle les langues du monde entier et dépasse largement les frontières artificielles qui séparent les nations les unes des autres. Qu'est-ce que l'homosexualité si ce n'est la transfiguration du Tueur d'Argos en Aphrodite, du male  en femelle, d'un jeune garçon en une jeune fille?

 

   Dans les cités grecques la statue d'Aphrodite était vendue, achetée et échangée de part en part, mais là où elle était exposée et posée sur un piédestal, Aphrodite était visible et admirée de tous, car c'était la statue entièrement couverte d'un manteau splendide. Avons-nous donc atteint le niveau de perfectionnement moral dans la Grèce antique? Avons-nous surpassé l'homme païen en morale publique? L'idée même de dépassement est exclue, car notre lassitude innée ne permet guère de l'accomplir. Les grecs n’étaient pas des lâches, ils étaient au contraire des hommes courageux et ne se laissaient guère envahir par la banalité quotidienne. Chez eux, la naissance et le décès étaient des évènements exceptionnels et suspendaient momentanément le rythme et la cadence de la vie, comme ce fut le cas chez tous les peuples antiques. Après ces moments de trêve, l'élan vital se relançait de plus belle, et Aphrodite en était le levier. Voila pourquoi les sujets grecs tenaient la Reine en respect et en révérence. Voila pourquoi ils évitaient de l'évoquer dans leurs causeries sur la place publique et dans leurs littératures. Les poètes sentaient une grande gêne à évoquer Aphrodite ou à la décrire. Son intimité faisait l'objet de respect et de vénération. Mais aujourd'hui, la description physique des aphrodites est devenue monnaie courante, et dans cette logique l'écrit le plus attrayant est celui où s'expriment Aphrodite et ses prêtresses. Les écrivains et les auteurs les plus émérites, les plus lus par les temps qui courent sont ceux qui usent de leurs plumes et épuisent leur ancre à peindre les aphrodites actuelles, les nouvelles reines de beauté, non pas dans leur majesté, mais dans leur intimité et leur douceur.

    

   Le plus grand facteur de banalisation de la vie est le règne de la débauche. Aphrodite triomphe ça et là parce que l'homme de notre temps est moralement désarmé face aux forces du mal. Si l'intimité et l'équilibre de la gente féminine se trouvent aujourd'hui fragilisés, c'est la faute à Aphrodite.

 

   Au demeurant, il ne faut jamais oublier qu'il y eut des poètes qui ne se sont intéressés aux aphrodites qu'accidentellement, parce qu'Aphrodite est constamment liée à l'idée de péché et de perversion. Ces types de poètes sont toujours vivants, et il incombe aux moralistes qui mènent une lutte acharnée contre les aphrodites des temps modernes d'être en connexion avec ces maîtres de l'art verbal, afin de réajuster leur tir et de réadapter leur stratégie de lutte aux exigences du moment. Qu’il sachent donc qu’ils font face à une ennemie immortelle (pardon mortelle): Aphrodite, ses prêtresses et ses représentantes actuelles qui sont constamment à l'œuvre pour brouiller les pistes qui mènent sans détour à la citadelle de la décence et de la morale.

 

 

                                      Babacar  Diop  

 

                

 


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