Les origines du chaos

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  • Article ajouté le : 15 Vendredi, 2013 à 20h48
  • Author: babacar diop

Les origines du chaos

    Le chaos se met en place petit à petit. Il ne s’est pas totalement installé. Il est encore possible d’entreprendre une action d’organisation et de réorganisation, et il faut s’y mettre tant qu’il est temps. Il  n’est nullement aisé de sortir du chaos pour  combattre ce dernier. Tant qu’on est à l’intérieur d’un système c’est une tâche hardie de s’apercevoir de ses défauts et de ses manquements. Tant qu’on est entouré par un univers chaotique,  il est délicat de le réformer. Réformer un système pourri exige au préalable que le réformateur y soit réfractaire. L’hérésie est la condition sine qua non d’une vision réformatrice authentique. L’hypocrisie épistémologique consiste à vouloir démolir un édifice dégradé, menaçant à tout moment de s’écrouler, et  en même temps vouloir s’y abriter. Il faut sortir de l’espace chaotique pour pouvoir le regarder, le jauger et apprécier avec le maximum possible d’objectivité son état de dégradation. Il est salutaire non seulement de diagnostiquer le mal, mais surtout de s’intéresser à ses origines.

 

     Les aspects du chaos

 

   Les signes de l’espace chaotique sont si évidents, si familiers pour qu’on puisse s’en rendre compte. L’épistémologue Wittgensteinien dit à ce propos : « Les aspects des choses les plus importants pour nous se cachent à cause de leur simplicité et de leur familiarité. L’on est incapable de noter quelque chose, parce qu’il est toujours devant ses yeux. Les fondements réels d’une investigation ne choque pas du tout un homme ». C’est pour cette même raison qu’évoque l’épistémologue autrichien que parfois on est aveuglé et incapable de voir la réalité du chaos. Il faut également ajouter que c’est la peur du réel qui pousse l’homme à fermer les yeux, et rien d’autre. La peur du réel peut également nous mener à nous abriter derrière les idéologies caduques, mensongères. L’évidence superflue peut bien engendrer l’aveuglement. Dans l’épistémologie des sciences humaines, les vérités ne sauraient être que relatives et c’est là un alibi inespéré pour tous ceux qui se délectent de l’invisibilité du réel pourri. Mais heureusement la durée de vie des errements intentionnels est également courte. C’est avec consternation que l’investigateur se rend à l’évidence et ose enfin regarder la réalité en face, avec stupéfaction.

 

    L’horreur la plus absolue saute aux yeux, émanant du taux assez élevé de la croissance démographique. C’est avec une amertume nostalgique que nous viennent les  souvenirs   des similitudes d’antan, entre un pays à politique démographique rationnelle, à l’occurrence La Tunisie, d’une part et le pays du rédacteur de ces lignes d’autre part. En effet, au lever du soleil des indépendances dans les années 60 du siècle dernier, ces deux pays avaient le même nombre d’habitants. Depuis lors la population tunisienne a toujours stagné, alors que notre population, avec ses maigres ressources et ses moyens élémentaires de subsistance, a plus que doublé. Ce taux de l’accroissement de la population nous fait inéluctablement courir d’énormes  risques de délinquance juvénile. On assiste quotidiennement aux scènes de déviation. Le nombre de petits mendiants qui sillonnent les rues des grandes villes, ne cesse d’augmenter. Pourtant ces gamins n’ont pas leur place dans les rues ou les ruelles, mais bel et bien dans les salles de classe. C’est là certes un truisme, une banalité, mais c’est là aussi un signe supplémentaire de la réalité chaotique ambiante.

 

     Sans transition, la délinquance et son corollaire, l’affaiblissement de tout le système politique et juridique d’un pays, est un signe palpable de la réalité chaotique. Un système sociopolitique sans révérence ni respect pour les lois formelles et formulées avec consentement commun, est un système chaotique. Les citoyens paisibles sont journellement victimes d’agressions physiques et verbales, spoliés qu’ils sont de leurs biens matériels, au vu et au su de l’autorité publique incapable d’éradiquer le mal à cause du nombre croissant des spoliateurs. L’Etat aurait pu mener une action efficace et efficiente si le taux de la criminalité et de la délinquance était cantonné dans des proportions raisonnables. Mais aucun Etat au monde ne peut faire face à cette vague déferlante de criminels et de délinquants, vague soulevée par cette forte croissance démographique que l’on ne peut plus stopper. Dans notre espace intérieur, la typologie des crimes et des délinquances est une entreprise épistémologique périlleuse. Toute classification locale ne répond que partiellement aux normes cognitives courantes. S’il est concevable qu’ailleurs l’on puisse agresser pour des rasons déterminées ; s’il est possible, sous d’autres cieux, que l’on commette le meurtre pour des raisons purement idéologiques, dans notre espace on agresse, on commet le meurtre pour la bouffe. L’animalité est souvent à l’origine du meurtre. On ne trouve sur la victime que des miettes. Nous ignorons totalement ce genre de meurtre à la Raskolnikov, ou à la Kofka..

 

        Les origines idéologiques du chaos

 

   La dégradation morale et environnementale de notre cadre de vie n’est pas exclusivement due, comme on l’a souvent prétendu, à des facteurs exogènes, mais notamment à des facteurs endogènes. Ce n’est nullement la mode de vie occidentale importée de l’extérieur, qui seule est à l’origine de nos malheurs, mais surtout le nombre croissant des enfants et des jeunes de nos populations. Tout se passe comme si l’unique stratégie politique que l’on juge adéquate est la logique des naissances incessantes.

 

  L’un des arguments de base auxquels on a recouru pour justifier le taux élevé de croissance démographique est  l’augmentation du nombre des fidèles. Ce que l’on peut dire à ce propos est que ce n’est pas la quantité qui peut servir un courant religieux et idéologique. Mais c’est la qualité de ses adeptes et celle de sa structure philosophique qui assurent sa promotion au sein de la population mondiale. Aucune religion au monde ne peut tirer profit ou gloire de l’accroissement quantitatif de ses disciples. Quel profit une religion peut réaliser d’un nombre assez élevé de disciples voleurs, agresseurs, mal nourris, mal soignés, mal éduqués, non instruits ?  Ce dont la religion a réellement besoin c’est un fidèle de qualité et non un fidèle de quantité.

 

   Le fatalisme est également un autre facteur de notre mal de vivre. Dans l’entendement fataliste, la responsabilité de l’individu n’est nullement engagée. Si un malheur le frappe, c’est la faute à la fatalité. Même notre Histoire n’est que source intarissable de fantasmes et d’illusions. Notre Histoire ce n’est pas nous qui la forgeons ou l’orientons. Ce sont les puissances de la fatalité qui la modèlent. Or l’Histoire n’est Histoire que lorsqu’elle est une « succession d’engagements libres ».

 

     Parce qu’il est négation pure et simple de la liberté et de la responsabilité de l’homme, le fatalisme est un facteur de désordre et d’anarchie. Dans le chaos, le volontarisme, antonyme absolu des idées fatalistes, peut sauver l’humanité. Voila pourquoi nous disons que la politique volontariste est loin d’être un vain mot ou une expression forgée à partir du vocabulaire de la préciosité, comme le suggère d’ailleurs l’usage qu’à l’habitude d’en faire une bonne frange de la classe politique. Il n’est nullement exclu que l’homme de notre espace et de notre temps puisse se racheter de ses nombreux péchés, de ses erreurs fatidiques qui l’ont poussé dans les gouffres de la pénurie et de la précarité. Tant qu’il est encore temps, c’est la responsabilité de l’homme politique que de tenir un discours franc et de jouer un jeu franc. L’homme politique est élu non pas parce qu’il élégant ou parce qu’il est artiste ou peintre. Il est choisi parmi des millions d’individus pour opérer avec courage et détermination le choix existentiel, le choix fatidique dont dépendent la vie et la survie de tout un peuple.

 

     Le chaos se met en place suite à un vide total laissé par des institutions fiables et solides. Et à défaut d’être remplie par une entité politico-sociale vivante, cette vacuité restait à la portée des leaders des groupes excentriques, qui ont pu s’y établir confortablement et comptent y rester autant que possible. Parmi les moyens qu’ils mettent en œuvre pour ce faire, on note deux facteurs d’embrigadement de la jeunesse désemparée : faciliter aux jeunes la jouissance des biens matériels et répondre favorablement à leur sexualité débordante. Mettre à la disposition de la jeunesse assoiffée et affamée des biens de consommation élémentaires ; assouvir ses désirs libidinaux : voila le moyen le plus efficace de mettre sous contrôle la jeunesse d’aujourd’hui, de fragiliser et d’affaiblir les institutions républicaines.

 

                Babacar Diop


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