Pour des signatures modestes

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  • Article ajouté le : 12 Dimanche, 2014 à 22h49
  • Author: babacar diop

Pour des signatures modestes

    Lescontributions que des auteurs envoient aux rédactions, comme le fait d’ailleursle rédacteur de ces lignes, sont de nature modeste. Ce ne sont pas elles quidéveloppent un pays en retard dans Tiers-Monde. Ce serait trop prétentieux dela part d’un auteur de croire que le décideur politique porterait un intérêtquelconque pour les contributions et que son action est vouée à l’échec tantqu’il n’aura pas tenu compte des conseils et des suggestions que l’auteur descontributions lui soumet. Or il n’est même pas sûr que le décideur ait deséchos quelconques de ces écrits en questions. « Le décideur échoue parcequ’il ne m’a pas écouté » : voila le raisonnement d’un auteur nonmodeste, un raisonnement qui frôle la folie de grandeur, qui traduit lecomplexe de supériorité.

 

   Les auteurs modestes ne vont pas, dans leursambitions, au-delà de conduire le législateur au remodelage du cadre juridiqueet au changement des lois qui régissent la vie politique, sociale etéconomique. Les auteurs modestes n’éprouvent ni le complexe de supériorité nile complexe d’infériorité. L’intellectuel authentique est par nature uncritique social et n’est nullement fasciné par le charme du décideur politiqueou par celui de ses proches et de ses collaborateurs. Il a intérêt à toutentreprendre pour la seule fin de garder sa hauteur d’esprit et de s’éleverau-dessus de la mêlée où s’affrontent et s’entredéchirent les êtres aux« mains sales ». Le complexe de supériorité ronge intérieurementl’auteur orgueilleux et finit par le conduire à souhaiter malheur et échec pourl’acteur politique, tant que ce dernier ne veut pas l’appeler à ses côtés et secomporter selon ses directives.

 

   Quant au complexe d’infériorité, il peutpousser l’auteur de contribution à entrer dans une logique de rébellion et derévolte permanentes face au décideur qui, selon ses vues, le méprise et ledéteste. C’est dans cette folle logique qu’il déclanche des mouvements de perturbationinterminables du système au sein duquel il est placé comme simple élément d’unengrenage qui le dépasse et l’écrase. Pour lui ces perturbations sont de natureà faire mal. Voila une différence caractérielle de taille qui oppose les deuxtypes d’intellectuels : l’un développé et l’autre sous-développé.L’intellectuel sous-développé perturbe facilement et souvent le système où ilest pris en tenaille. Par contre qui peut imaginer qu’un Bertrand Russell,qu’un Sartre ou qu’un Habermas se mettent en mouvement de grève et suspendentles cours qu’ils donnent durant leur carrière respective dans les différentesécoles de prestige ? Les raisons de cette transcendance intellectuellesont simples : Russell, Sartre et Habermas ont pu s’affranchir totalementde leurs humeurs individuelles.

 

   Signer avec modestie a également d’autresimplications. Il exige qu’un auteur se limite strictement à l’essentiel dans saprésentation personnelle, dans son auto-identification. En effet, c’est unemaladresse de style que d’envoyer un texte à une rédaction et le signer avec unprénom et un nom suivis de titres tels que : philosophe, poète, romancier,écrivain.. Cette conduite est loin d’être un signe de modestie. Car onn’est jamais philosophe ni par soi ni pour soi. On n’est pas poète, écrivain ouromancier ni par soi ni pour soi. L’on est ainsi titré par les autres et pourles autres. Il incombe en conséquence aux organes et aux rédactions deprésenter l’auteur de la contribution comme philosophe,poète, écrivain ou romancier.. Ilsont de bonnes manières de présentation de ce genre. Eux seuls sont habilités àle faire, d’autant plus que ces titres contiennent tous une forte dosed’estimation et d’appréciation plus ou moins objectives, plus ou moinssubjectives.

 

                                                               

   Précédemment nous avons fait allusion àl’auteur du drame politique « Lesmains sales ». Qui peut imaginer que Sartre aurait procédé de lasorte ? Le maître incontesté de l’existentialisme français n’aurait jamaisenvoyé un article rédigé de ses « mains propres», puis signé le ditarticle avec ses prénoms et son nom, tous suivis d’une longue liste de titressans fin : philosophe, romancier,dramaturge, critique de la littérature et de l’art.. Sartre était tout celaà la fois. Mais la modestie intellectuelle l’aurait retenu de se livrer à detels exercices grotesques. La modestie et l’humilité peuvent aussi baliser lechemin qui mène au succès.

 

                                                Babacar Diop        

 

 


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