Le Blogs de : oumar ndiaye

Le juge d’instruction qui va hériter du dossier pourrait s’intéresser à la personnalité de l’assassin. Cette lourde tâche d’enquête et d’analyse de personnalité revient très souvent au service de l’AEMO dont  des pans entiers des rapports finissent trop fréquemment dans les articles de presses relatant les minutes des cours d’assises. En ses qualités d’Educatrice Spécialisée, chef de service AEMO Dakar, Fatoumata a eu souvent, sous ordonnance judiciaire, à profiler des assassins  et surtout à pointer des facteurs ayant pu influencer le passage à l’acte criminel. Mais par-dessus tout, ses conclusions ont souvent sonné comme une quête de clémence, une application bienveillante de la loi en faveur du délinquant.

Seul un instant de folie pourrait expliquer qu’une main d’un homme tranche le cou d’une Dame qui a sauvé, nourrit et octroyé emploi et stabilité sociale à l’auteur de sa propre mort. Une personne « normale » éprouve  des difficultés à manger la viande du mouton qu’elle  a élevé durant ne serait-ce que 24 mois. C’est ce lien indéfinissable qui pousse dès fois à conserver un sous-vêtement délavé et troué que l’on continue pourtant de porter presque en cachette par fidélité. Les voies du Seigneur sont certes insondables mais Fatoumata n’a pas mérité cette fin.

La veille du drame, vers 17h30, Fatoumata, très fidèle en amitié, a encore échangé des plaisanteries avec son cousin Sérère qui s’attendait dès son retour du Magal à pouvoir renouveler la promesse  de ne jamais couper les ponts établis au sein de l’équipe éducative du Centre de Sauvegarde de Pikine depuis 1991. Les moments forts dans cet établissement public de prévention de la délinquance juvénile et de prise en charge des jeunes en conflit avec la loi ou en danger moral ont créé des liens indéfectibles entre éducateurs. L’obligation de réussir le miracle au quotidien en redonnant espoir aux familles et aux enfants marginalisés mettait aussi à nu la véritable personnalité de chaque intervenant social.

Fatoumata était avant tout une Educatrice Spécialisée et elle l’est demeurée jusqu’aux termes de sa vie de Travailleur Social. Au Centre de Sauvegarde de l’enfance et de l’adolescence de Pikine-Guédiawaye, dès 1984, elle a d’abord fait ses armes en qualité d’éducatrice de groupe et d’animatrice pédagogique  avant de piloter durant 20 ans le programme de prévention, de protection et de prise en charge des jeunes filles en situation de vulnérabilité. Des centaines de jeunes filles ont échappé à la déviance et la délinquance, ont pu survivre à des traumatismes après des violences physiques et psychologiques impensables grâce à son professionnalisme. Elle compte plusieurs homonymes et filleules dans beaucoup de maisons qui n’ont tenu que par ses capacités de médiatrice et de thérapeute familiale.

Cette expérience lui vaudra le poste de chef de service de l’Action Educative en Milieu Ouvert(AEMO) de Dakar-ville où elle continuera son sacerdoce en faveur des marginaux. Après plus de  30 ans de carrière passée au service des jeunes en difficulté et des familles démunies, elle sera nommée es-qualité, par le Président de la République Macky SALL, vice-présidente du Conseil économique social et environnemental.

Du Travail Social à la politique, Fatoumata n’avait comme seul soucis que le bien-être des populations. La fidélité de ses bases politiques ne souffrait d’aucun doute et de la banlieue de Pikine au Fouta, elle était écoutée et suivie. Et c’est tout naturellement que les ténors des partis cherchaient à l’avoir à leurs côtés sachant compter sur son engagement et sa constance. Son fils aîné, Adama BA, abusivement appelé Adama SY par la presse, se nomme officiellement Djibo KA. Son militantisme à Saldé( dans l’île à Morfil, Podor) lui a valu un poste de Députée à l’assemblée nationale sous Abdou Diouf. Mais les valses des leaders socialistes lui donneront le vertige et feront qu’elle quitte le PS en compagnie de son époux Doro SY, administrateur Civil et cadre politique à NDIOUM, pour rejoindre L’APR en militant à Pikine.

Fatoumata a toujours gardé un attachement  extraordinaire à Pikine où se trouve sa maison familiale, celle de son père. Lors du partage de l’héritage paternel, elle refusera que cette maison soit vendue à un inconnu et bradera sa villa de Liberté 6 pour pouvoir acquérir cette habitation qui l’a vu grandir et grandir ses deux enfants. Avec l’argent de la vente de  sa villa, elle va transformer cette demeure familiale en un immeuble plus moderne et plus spacieux pour accueillir toute sa fratrie et les parents, amis et relations de passage à Dakar.

Fatoumata est une princesse du Djoloff et du Fouta. Fille de gendarme, elle s'est toujours distinguée par la dignité, la rectitude, le patriotisme et l'altruisme. Les griottes, au rythme du yela, chantent son nom de Farmata NDIMOU( Fatoumata la noble)…………..Allah tient toujours parole donc nous la savons au paradis depuis ce matin du samedi 19 novembre date de son assassinat par son chauffeur.

Durant 13 ans, j'ai partagé le même service, le même bureau que Fatoumata qui m'appellait affectueusement " Fils" et je lui devais bien son sobriquet de "Mother". D'ailleurs des personnes beaucoup plus âgées qu'elle l'appelaient "yaye Fatoumata".

A l’Amicale des Educateurs spécialisés du Sénégal,

Au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice,

Aux   Directrices de l’Education Surveillée et de la Protection Sociale, Dior FALL SOW, Nancy NDIAYE, Bousso DIAW et Fatimatou KA,

A Thierno NDIAYE directeur  de Fatoumata au Centre de Sauvegarde de Pikine

A Birama SARR, collègue,

A Cheikh Sidya SOW, collègue

A Yolande NESS, collègue

A Jacques Daniel NDAO, collègue

A Adama Arona DIA, collègue

A Astou Mbène THIAM, Collègue,

A Jacques François NDIAYE,  collègue

A tous  les Maîtres et  et toutes les Maîtresses d’enseignement Technique professionnelle du centre de sauvegarde,

A toutes les maîtresses et monitrices d’enseignement préscolaires du centre,

A tout le personnel administratif, éducatif et d’intendance des services de la DESPS/Ministère de la Justice, je présente mes sincères condoléances.