La transhumance politique au Sénégal: un mal bien acquis.

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  • Article ajouté le : 29 Vendredi, 2016 à 08h04
  • Author: oumar ndiaye

La transhumance politique au Sénégal: un mal bien acquis.

Au Sénégal, la fin des idéologies enterrées sous la multitude des unions politiques contre-nature favorise la transhumance et les hérésies de toutes sortes qui en découlent. Notre système politique national, héritier d’une riche trajectoire historique avec, un  suffrage universel au 18ème siècle sous le magistère des « Almamy » du Fouta, la guidance des députés à l’assemblée nationale française en 1914, deux alternances démocratiques depuis l’an 2000, quatre présidents élus et zéro coups d’Etat en 55 ans, nous vaut un espace relativement apaisé. Malheureusement, ce patrimoine national est dévoué par des Groupements d’Intérêts Politiciens et des Fan’s club politiques. Alors à chaque conglomérat politique, son propriétaire. Le PDS de Wade, le PS de TANOR, l’AFP de NIASS, Rewmi de IDY, l’APR de MACKY etc…  Même les 3P (petits poucets prétentieux) derniers nés, déambulent avec leurs tabliers en vantent les mérites de leurs formations qui hélas, épousent d’ors et déjà les contours d’entreprises familiales. 

A l’issue du premier tour de l’élection présidentielle de 2012, le Président sortant, Abdoulaye WADE et sa mouvance constellée de comités de soutien et de partis de toute sorte n’a pu engranger qu’environ 35% des suffrages valablement exprimés. Son futur tombeur, Macky SALL, en bon outsider avait obtenu à la surprise générale un peu plus de 26%. La voix des urnes, sans équivoque, convoquait un second tour en confirmant ainsi qu’aucun parti politique, aucun candidat, ne peut gagner  des élections sans coalitions. En 1988, l’Alliance SOPI, regroupant des partis de gauche communistes et des formations  de la droite néolibérales, marquait un  repère indélébile dans les ruptures historique. Ainsi le vote débouche toujours sur une confrontation entre grandes alliances électorales sans programme partagé avec comme unique objectif de chasser un homme du pouvoir ou  de l’y maintenir, brouillant tous les repères et la lisibilité des militants.  

Cette conquête impliquant le partage des privilèges du pouvoir par des coalitions opportunistes qui portent les germes de leur propre implosion est la cause première du phénomène de transhumance en politique. Même les partis certifié-à-électeur-unique (P.C.E.U.) revendiqueront leurs parts de dividendes en clamant leurs apports à la constitution du capital de l’entreprise politique.

 Le président, sachant qu’il ne doit son élection qu’au soutien de ses adversaires déclarés et potentiels, est conscient qu’il est dans l’obligation de se bâtir sa propre majorité. Cette massification postélectorale n’est possible que par la phagocytose de l’opposition, facilement désertée par les porteurs de voix qui n’hésiteront pas à franchir le Rubicon de la honte et rejoindre les vertes prairies du Manitou du moment. D’anciens ministres, maires, directeurs généraux et autres responsables, à grand renfort de déclarations de presse, annonçaient leur départ du PDS pour une transhumance jugée trop précoce.

Afin d’éviter de renforcer ses futurs adversaires, le régime au pouvoir est obligé de se délester de tous ses soutiens qui ne peuvent se fondre dans la propre formation politique du Président, ouvrant des opportunités de recyclages d’anciens adversaires en quêtes de prébendes. Déjà en septembre 2014, des voix s’indignaient de l’apologie de la transhumance qui s’inscrivait dans le paysage politique. De 1960 à nos jours, tous les régimes successifs ont eu à user de cette  recette intégrée comme de la haute stratégie politique et il faut croire que le Sénégal n’en a pas l’exclusivité.

 La pratique est si répandue partout ailleurs dans le monde que l’assemblée parlementaire de la francophonie s’est saisie de la question dans un rapport en date du 12 juillet 2012 intitulé « Nomadisme ou transhumance politique postélectoral et discipline de parti dans l’espace francophone ». L’étude  épingle 23 pays dont des démocraties majeures en Afrique, en Amérique du Nord, en Europe et en Asie. Si rien n’est fait, l’ampleur et l’enracinement de la transhumance politique dans l’espace francophone pourrait détruire l’adhésion des citoyens aux jeux politiques et  compromettre  tout projet de démocratie participative.

Le royaume du Maroc admet en être victime au point de préconiser d’augmenter l'amende  instituée contre les nomades et en  mettant en place des textes de loi plus détaillés car, en l’état, les coupables arrivent toujours à  s’en sortir sans coup férir. La mise en place d’un site Internet dévoilant les noms des transhumants et mettant en exergue leur parcours politique afin de les décrédibiliser auprès de l'opinion politique est en cours d’étude chez les chérifiens.

L’espace politique aux allures de foire est envahi par des chefs de bandes camouflés en PDG, férus de marketing social et politique, entretenant le clientélisme électoral avec l’unique idée de s’enrichir sans objet en réactualisant les anciennes féodalités. Des chapelets de promesses de jouissances et réjouissances aux électeurs en cas d’issue favorable tiennent lieu de programme de campagne électorale : couches hygiéniques pour cheval de calèche, machines à maffé, 500000 emplois par an, TGV des banlieues et j’en passe.         (à suivre)


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