Le Blogs de : oumar ndiaye

A écouter les experts analyser et s’inquiéter, nos enfants seraient des nullards ou en tout cas, semblent avoir moins d’aptitudes et de potentialités que ceux qui les ont précédé sur les bancs de l’école. Beaucoup admettent volontiers que se sont les enseignants qui sont mal formés. Les acteurs incriminés répliquent que les élèves sont nombreux, turbulents, déviants, délinquants, malpolis, mal civilisés. Le constat est qu’il y a inadaptation entre Notre Ecole Nationale et notre Jeunesse Nationale.

Autrement notre école n’est pas faite pour nos enfants qui montrent qu’ils ne s’y retrouvent plus. Cette règle générale est confirmée par une brillante minorité d’élèves exceptionnellement conformistes, triés des enclos des moutons de panurge. Leurs bonnets d’ânes nouveaux cachent à peine leurs têtes d’œufs remplies de recettes et de formules adaptées aux critères et attentes des adultes qui cherchent à noyer la médiocrité nationale dans les bruissement de la cérémonie de remise des prix du « Concours Général ».

A l’heure où l’école sénégalaise fait l’objet de beaucoup de questionnements, il semble opportun d’attirer l’attention sur cette jeunesse à laquelle cette école est destinée.  Roger GARAUDY avait conceptualisé l’Université des Mutants. Aujourd’hui c’est tout le système, de la case des tout petits aux amphithéâtres qu’il faut ouvrir aux MUTANTS.

 Mes contacts professionnels au quotidien avec une catégorie spéciale d’enfants que ni le système familial encore moins le système éducatif formel n’a su contenir me permet, sur le sillage d’autres Educateurs spécialisés, de dire que nos enfants sont réellement des mutants. Tous les Travailleurs Sociaux,  thérapeutes systémiciens, Educateurs spécialisés, psychologues et autres, alertent  constamment sur les mutations qui sonnent plutôt comme  des ruptures bouleversantes et douloureuses qui nous obligent à  revoir notre rapport à la normalité qu’il nous faut réinventer.

Le Parent et l’enseignant n’ont pas perdu leur autorité. Ce sont nos enfants qui ne veulent d’aucune « autorité de mode paternel ». ils ne se soumettent qu’après avoir soumis l’autorité à leur désir et leur  choix propres. En fait nos enfants ne se soumettent à personne, ils fusionnent ou se connectent  comme en mode Bluetooth  ou Wi-Fi. Nos enfants ne savent plus obéir, ils procèdent, dans leurs apprentissage par copier-coller ou couper- coller selon une approche très flexible de type répéter ou annuler l’action. Nos enfants se considèrent comme nos égaux et parfois ils nous toisent car dans leur entendement,  ils sont  le Nous.2, allégés, mieux conçus, plus performants, mieux paramétrés,  avec beaucoup plus d’applications.

En fait si nos enfants sont si méconnaissables, c’est qu’effectivement, ils sont devenus des mutants. Même le« essemessien », langue étrangère faite de mots qu’ils ont inventés et qu’ils plaquent sur une syntaxe « facebookeuse » nous est inintelligible.  

Le jeune sénégalais est fruit d’un mutationnisme du à des influences toujours exogènes : islam et   école coranique, colonisation,  esclavage et école française, ajustement structurel et dévaluation, globalisation et mondialisation. Il n’a jamais été indifférent aux contradictions au quotidien dans lesquelles ses parents s’embourbent.  Devoir se baigner d’eau bénie rougie ou noircie de poudre et  d’écorces diverses  avant d’aller à l’école, au bureau ou au chantier ; courir entre mosquée et église tout en réajustant  gris-gris sur les avant-bras et  sur la ceinture ; tendre les  bras, ouvrir les paumes , la peur du péché au ventre,  quêtant bénédiction du curé ou du marabout tout en psalmodiant des incantations ancestrales….. rappelons un peu que ces enfants sont tout de même le produit de notre société bigarrée, fertilisée par des siècles de colonisation arabo-musulmane et occidentale, de greffes plus ou moins mal réussies d’animismes, de paganisme, d’islam et de chrétienté.

In fine, voici le portrait robot d’un(e)  mutant(e) selon Jean Paul Gaillard, thérapeute systémicien, psychanalyste :

Il/elle ne se sent coupable de rien ;(résultante du « Grawoul et Boul faalé) Il/elle ne conflictualise plus; ( yay bagn et fou mou yem neèkh sont passés  par là). Il/elle ne supporte plus la moindre frustration ;( connexion illimitée sur le réseau www.Djinnéé Maïmouna.com où désir et besoin se confondent dans la transe) ;  Il/elle se fiche de son avenir car vivant dans le Diamono’s cool permanent et gratuit ; Il /elle défie et bafoue  l’autorité (caillasse Monsieur le Président de la République) ;

Il/elle nous parle comme si nous étions ses copains/copines du quartier, fesses, nombril  et seins en l’air ;

Nos enfants, nantis de tous leurs droits ne nous doivent rien puisqu’ils ne nous ont rien demandé. Nous les avons fait naître pour notre plaisir afin de nous donner les gages de notre amour de jeunesse et de pouvoir accéder au statut de parents ; alors qui doit quoi à qui finalement.

Repenser notre système éducatif ne servira que si nous incluons dans nos schèmes que nos enfants sont désormais des mutants ou alors préparons nous à célébrer ceux qui réussiront le mieux à l’école comme les véritables inadaptés sociaux.