LES RÉGIMES POLITIQUES TROPICAUX, SOUS L’ÉCLAIRAGE DE L’ART DE LA GUERRE DE SUN TZU

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LES RÉGIMES POLITIQUES TROPICAUX, SOUS L’ÉCLAIRAGE DE L’ART DE LA GUERRE DE SUN TZU

Les théories surannées des penseurs du Quattrocento italien, Machiavel en particulier, et du stratège chinois auteur de L’Art de la guerre Sun Tzu trouvent encore leur application dans les démocraties tropicalisées de l’Afrique.

Dans ces nations à la démocratie balbutiante où l’accession au pouvoir passe bien souvent par un chemin sinueux de compromissions, génuflexions et autres traquenards et meurtres de concurrents potentiels, la conservation démocratique du pouvoir pour certains habiles politiciens-piètres managers qui président aux destinées de ces pays est un défi presqu’insurmontable.

Leur époque est en train de se conjuguer au passé. Malgré quelques réminiscences de ces régimes qui tentent de se perpétuer encore, il souffle sur notre continent une vague de changements qui est en train de révolutionner les consciences et de leur imposer un alignement aux standards internationaux en matière de démocratie, de bonne gouvernance, d’Etat de droit et du respect des droits de l’Homme.

L’obligation de rendre compte entre autres est désormais une exigence forte des populations prêtes à tout pour faire respecter dorénavant leurs droits.

Un prince avisé doit dès lors avoir toujours à l’esprit que cette reddition des comptes est immuable. Malheureusement la fragilité des institutions couplée à la pression des enjeux favorisent toujours la montée des élans dictatoriaux pour continuer à usurper le pouvoir sous nos tropiques, avec leurs deux puissants leviers dont les princes abusent à tout va : la promotion de la corruption, et la manipulation de la justice.

C’est une fuite en avant qui procure le contraire de l’effet recherché, et démontre en même temps combien le pouvoir du prince est aux abois. « L’excès de récompenses et de punitions montre que le commandement est au bout de ses ressources (…) », alertait Sun Tzu.

Si dans le même temps le recours à la punition est discriminatoire, et que finalement il n’y a de coupables que dans le camp de l’opposition, cette situation à terme engendrera une révolte populaire exacerbée par le sentiment d’injustice chez le peuple confronté à la faiblesse du pouvoir vacillant d’un prince « qui n’ose punir, qui ferme les yeux sur le désordre, qui craint que les siens ne soient toujours accablés sous le poids » de responsabilités dont ils n’ont cure, et qui abusent de leurs positions assimilées à des positions de jouissance, et non de servitude.

Sun Tzu avertissait en ces termes celui qui au pouvoir se comporte ainsi : « (…) si vous ne punissez pas exactement jusqu’à la moindre faute, vous ne serez bientôt plus respecté, votre autorité même en souffrira, et les châtiments que vous pourrez employer dans la suite, bien loin d’arrêter les fautes, ne serviront qu’à augmenter le nombre des coupables. Or si vous n’êtes ni craint ni respecté, si vous n’avez qu’une autorité faible, et dont vous ne sauriez-vous servir sans danger, comment pourrez-vous être avec honneur à la tête d’un [Etat] ? Comment pourrez-vous vous opposer aux ennemis de l’État ? Quand vous aurez à punir, faites-le de bonne heure et à mesure que les fautes l’exigent. »

C’est le comportement attendu du Prince, dans une République bâtie sur des principes démocratiques dont l’observance immuable des règles aura abouti à son arrivée au pouvoir.

Malheureusement, dans nos démocraties tropicalisées, l’enjeu du maintien au pouvoir est si prégnant que la tentation de violer les règles du jeu en devient séduisante et irrésistible pour un prince obnubilé par la conservation du pouvoir, qui y succombe sans ostentation.

Et c’est alors la porte ouverte à tous les abus ; il accorde « des récompenses sans [se] préoccuper des usages habituels, [publie] des ordres sans respect des précédents » applique à tout va les théories divisionnistes et la corruption par l’argent et les honneurs, dont Sun Tzu théorisa l'efficacité : « le grand secret de venir à bout de tout consiste dans l’art de savoir mettre la division à propos » disait-il en effet, et il encourageait dans ce cadre à l’usage sans états d’âme de celle « par laquelle on répand l’argent à pleines mains envers tous ceux qui (…) ont passé du côté du [prince]. »

« Vous saurez par leur moyen les dispositions du grand nombre des leurs à votre égard, ils vous suggéreront la manière et les moyens que vous devez employer pour gagner ceux de leurs compatriotes dont vous aurez le plus à craindre ; (…) si de mutuels soupçons, de petites jalousies, des intérêts personnels les tiennent divisés, vous trouverez aisément les moyens d’en détacher une partie, car quelque vertueux qu’ils puissent être d’ailleurs, (…) l ’appât (…) des richesses ou des postes éminents que vous leur promettez, suffiront amplement pour les gagner ; et quand une fois ces passions seront allumées dans leur cœur, il n’est rien qu’ils ne tenteront pour les satisfaire ».

Cela ne vaut heureusement que pour une partie fort négligeable de la population, et de la classe politique car, aujourd’hui, les nations sous nos tropiques aspirent à un mieux vivre et prennent en charge eux-mêmes leurs destinées. Ils ont cessé de croire en le Père Noël déguisé en homme providentiel !

Quelle que soit la lucidité et la pertinence de ces grands théoriciens dont les leçons sont appliquées dans la cour des princes tropicaux, enseignées par des stratèges experts en théories du complot plus motivés pour sauver leur peau que pour le bénéfice des princes qu’ils servent, les effets ne se sont plus opérants.

Malheur pour le prince qui n’aura pas eu la lucidité de le constater.

Et d’en tirer les leçons.


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