AMENAGEMENT DU TERRITOIRE au Sénégal, entre métropolisation de Dakar et promotion de pôles territoires

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AMENAGEMENT DU TERRITOIRE au Sénégal, entre métropolisation de Dakar et promotion de pôles territoires

Le dernier ouvrage de la Banque Mondiale dénommé « Villes émergentes pour un Sénégal émergent » est venu réitérer davantage ce que nous connaissons tous sur l’incohérence, la distorsion, le manque de maîtrise spatiale du Sénégal. Dakar regroupe à lui seul :

le ¼ de la population sur - 0,3% du territoire national,

50% de la population urbaine,

46 % des fonctionnaires,

97% des salariés du commerce et des transports,

96% des employés de banque,

95% des industries,

87% des emplois formels en 2008 selon la Banque Mondiale.

Aujourd’hui il contribue sur le PIB à hauteur de 55%. C’est dire donc que la capitale Sénégalaise est par excellence le lieu de concentration de l’administration, des équipements collectifs, des infrastructures, de la population, de la représentation diplomatique, bref de la décision... Cette configuration de l’espace sénégalais se trouve aux antipodes d’un aménagement cohérent et harmonieux du territoire national. Le développement du Sénégal est linéaire (Saint-Louis à Dakar), occidental (partie ouest du pays) et côtier (proximité de l’océan atlantique) sur une largeur ne dépassant pas les 300 kilomètres autrement dit de Dagana à Vélingara. Voilà le Sénégal utilisé au détriment des autres territoires disposants de réelles opportunités de développement.

La problématique majeure à résoudre est de se dire que faut-il faire de Dakar ? Allons-nous continuer à observer cette tendance, cette macrocéphalie ? Ou doit-on agir ? Si oui comment intervenir ? Faut-il renforcer la métropolisation de la capitale sénégalaise ou doit-on privilégier l’harmonie des pouvoirs entre les différentes capitales régionales pour un développement harmonieux et durable du territoire national?

Face à cette situation, l’Etat du Sénégal a entrepris de manière volontariste des interventions sur le territoire que nous pouvons classer en deux catégories :

Tout d’abord, le renforcement de Dakar en créant des villes polycentriques. Le  pôle urbain de Diamniadio en est le parfait exemple. Celui-ci avec tous les projets structurants prévus sur 2000 ha va dans le moyen terme contrebalancer le pouvoir du plateau qui jusque là est la principale destination de l’exode pendulaire.

Au petit matin, un flux centrifuge est observé vers ce quartier. C’est ce que les anglo-saxons appellent le CBD ou le « Central Business District ». C’est le haut lieu du commandement hérité de la colonisation. En effet, les moyens de transport, les infrastructures, les équipements convergent vers ce quartier et ses environs immédiats. C’est dire donc qu’avec la construction du pôle urbain de Diamniadio et plutard la ville nouvelle du lac Rose vont équilibrer l’organisation de l’espace dakarois.  

Aujourd’hui la capitale Sénégalaise, forte de son succès rencontre de réelles difficultés dans la gestion des ordures ménagères, dans l’amélioration du cadre de vie par l’éclairage public en quantité et en qualité, dans l’aménagement d’espaces de détente et de loisirs, dans la maîtrise de l’espace dakarois (occupation anarchique des voies publiques et des zones impropres à l’habitation notamment),  dans la distribution de l’électricité ce qui amène des délestages qui révèlent encore une fois les contraintes dans la satisfaction totale de la demande. Sur ce point,  selon la Banque Mondiale, le Sénégal est classé 183ième sur 189 pays en 2014, dans le recouvrement de l’assiette fiscale à cause d’un fort taux de l’informel,  dans la gestion des flux migratoires, dans les spéculations foncières d’où une flambée des prix du loyer… Comme le disait Jérôme Chenal, chercheur à l’université de Lausanne en Suisse, « En Afrique, on ne créait pas de villes mais plutôt de l’habitat par le biais de lotissement à perte de vue ». Il veut dire par là que les communes face à la pression des demandes de terrains à usage d’habitation et des promoteurs immobiliers, continuent à lotir sans qu’il ait le minimum d’équipements collectifs. Une ville est loin d’être un habitat uniquement, c’est un système complexe avec une coexistence d’acteurs multiples. 

Ces contraintes bloquent aujourd’hui le positionnement de Dakar comme capitale sous régionale. En effet, Lagos, Abidjan et Accra constituent de réelles concurrences à la capitale Sénégalaise.

La résolution de ces contraintes que rencontre l’agglomération dakaroise appuyée par un développement fort des territoires de l’intérieur par le biais d’une exploitation locale des énormes opportunités qu’offre leur environnement augmenteraient son poids sur le plan national et international. Aujourd’hui la position géographique de la capitale sénégalaise face aux Amériques fait d’elle une véritable escale du transport aérien et maritime. Cette situation est d’ailleurs renforcée récemment par la dimension actuelle du canal de Panama permettant ainsi à la capitale sénégalaise d’être directement interconnectée par le chemin le plus rapide aux pacifiques.

En effet, ce canal qui constitue un trait d’union dans le flux des transports de marchandises entre l’Asie via le pacifique et l’Afrique, l’Europe via la mer des caraïbes et l’atlantique doit être bénéfique au port de Dakar. Il peut accueillir 98% des conteneurs du monde entier avec des bateaux contenant jusqu’à 14 000 conteneurs. C’est dire donc que c’est une énorme opportunité pour Dakar et pour le Sénégal. Il faudrait donc augmenter et renforcer les capacités techniques du port de Dakar face à ses concurrents immédiats. Il est également important de redévelopper le transport des marchandises par le rail notamment et de promouvoir les ports secondaires de Kaolack et de Ziguinchor. L’aménagement de corridors routiers qui mènent directement vers les pays limitrophes donnera un avantage concurrentiel au port de Dakar. La réalisation de ces infrastructures structurantes est à coupler avec une véritable stratégie d’un maillage des axes routiers et autoroutiers par les organisations sous régionales comme la CEDEAO et l’UEMOA grâce à l’élaboration d’outil de planification spatiale supranationale (plans, schémas….). Le Sénégal par le biais de l’ANAT (Agence Nationale de l’Aménagement du Territoire) a commencé avec la révision en cours du PNAT (Plan National d’Aménagement du Territoire) vers un PNADT (Plan National d’Aménagement et de Développement Territorial) en y intégrant ce nouveau paradigme qu’est le développement territorial.

Enfin, l’autre aspect de l’intervention de l’Etat, est à trouver dans la deuxième phase de l’Acte 3 de la Décentralisation qui doit organiser le territoire national en pôles.

En effet, oui pour le renforcement de la métropolisation de Dakar mais également pour la création de villes dynamiques à l’intérieur du pays. Voilà pourquoi nous pensons que les Pôles Territoires en perspectives viendront remodeler les départements autour d’une réelle volonté de promotion du développement endogène. L’objectif à rechercher réside sur le fait que la capitale sénégalaise doit être titillée en matière de développement comme c’est le cas en France entre Paris et Marseille et plus près de chez nous au Maroc entre Rabat et Casablanca. Il en est de même entre Douala et Yaoundé Au Cameroun, entre Abuja et Lagos au Nigéria. Il faudrait donner une vocation aux territoires en fonction de leur spécificité et l’Etat viendra en appui par l’entremise de ses moyens pour promouvoir le développement. La territorialisation des politiques publiques affiche une véritable volonté du plus haut sommet de l’Etat, il est donc du ressort des autorités territoriales dans une dynamique de marketing de saisir cette énorme opportunité. Ce n’est point un encouragement d’une compétition rude et non réfléchie entre territoires mais plutôt de favoriser la différenciation dans la complémentarité.

 

Daouda Thiandoum

Aménagiste, Urbaniste et Géomarketeur

[email protected]

 


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Doczal - #1

Bien Dit Le Grand! Itressant

le Mardi 06 Septembre, 2016 à 08:23:14RépondreAlerter

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