ANARCHIE ET CADRE DE VIE : DIAGNOSTIC ET PERSPECTIVES

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ANARCHIE ET CADRE DE VIE : DIAGNOSTIC ET PERSPECTIVES

Le mal est connu, désordre, dégradation du cadre de vie, pollutions, bouchons, pertes économiques, faible attractivité etc. Voilà en filigrane, la déduction que l’on peut, entre-autres tirer du discours du chef de l’Etat, M. Macky SALL, Président de la République du Sénégal lors de sa prestation de serment tenu le 2 avril dernier au centre des expositions de Diamniadio. Chaque sénégalais a senti ce jour là, au plus profond de lui-même, des propos véridiques qui transcendent pratiquement les positions partisanes. L’homme le plus informé du pays, décrivaitson analyse spatiale du territoire sénégalais devant ses prestigieux hôtes parmi lesquels figure en bonne place, le Président champion de la propreté en Afrique, M. Paul Kagamé du Rwanda. 

Ce diagnostic a révélé le désordre observé partout dans le pays et qui freine entre-autres, l’attractivité et la compétitivité des collectivités territoriales et du surcroît du Sénégal en général. Les bâtiments hérités de la colonisation dans certaines villes telles que Saint-Louis, Kaolack, Rufisque, Ziguinchor et Dakar se trouvent aujourd’hui dans un piteux état. La trame urbaine est complètement détériorée par une occupation anarchique  et un faible recours à l’esthétique.  A titre illustratif, en 2011, j’ai été à Accra au Ghana dans le cadre d’une mission professionnelle. J’ai été très séduit par le coloriage des cantines qui tenait compte de l’environnement immédiat.

Au Sénégal, il n’est pas rare de trouver au cœur de certains quartiers dits résidentiels et très huppés tels que les Almadies, des ateliers et activités informels qui dégradent l’image de ces environnements. Au croisement d’une rue, d’une ruelle ou d’une avenue, certaines personnes se donnent librement à leurs activités sans tenir compte là aussi, de lenvironnement qui les entoure. L’anarchie est observée tous les jours dans notre cadre de vie. Toutes les activités s’entrelacent sans aucune cohérence. 

Au cœur du quartier du Plateau qui était par excellence le Central Business District (CBD) de l’Afrique Occidentale Française (AOF), des marchands dits « ambulants » y faufilent entre les véhicules pour commercialiser leurs produits. Il en est de même sur l’avenue « du Foncier » connue de tous comme le lieu indiqué pour trouver n’importe quelle pièce détachée pour véhicules. Ce tronçon  qui longe l’avenue Blaise Diagne et l’avenue Lamine Gueye forment les deux artères les plus embouteillées de la capitale Sénégalaise. Non loin de là, il y’a Sandiniéry, la rue des fruits et légumes, un lieu proche du commissariat central de police et de lagendarmerie de Thionk, où le désordre et l’anarchie sont pourtant relevés tous les jours. Les gros porteurs y débarquent en plein jour leurs marchandises, les magasins occupent les trottoirs et tout cela handicapant largement la mobilité dans cette altère. 

La situation en banlieue est aussi peu reluisante car déplorable.  Le tissu urbain est totalement bouleversé. Les épaves des véhicules sont abandonnées sur les avenues, les vendeurs s’installent où ils veulent notamment sur les rails, sur les ronds-points sans oublier aussi les trottoirs. Les piétons sont obligés de partager la chaussée avec les véhicules pour se faire un chemin. Le cadre de vie est loin d’être agréable sans compter ce mitage entre le rural et l’urbain. Les éleveurs attachent leurs animaux en pleine rue, certaines concessions s’étendent totalement sur les trottoirs et les déchets ménagers sont jetés dans les rues sans que cela ne gênepersonne. 

Une autre remarque est relative cette fois au comportement des automobilistes et de leurs passagers qui en plein trajet, n’hésitent pas de jeter à travers leurs fenêtres  des déchets sur la chaussée. 

Pour ce qui est de la verdure dans nos villes, un recul est observé. Les parcs et espaces verts sont agressés sans relâche pour céder la place au béton. Prenons juste pour illustrer, le quartier des Parcelles Assainies, Guédiawaye, Pikine, bref tous les lotissements postcoloniaux, la place de l’arbre urbain est faiblement valorisée. Les fils électriques dominent l’espace aérien avec des branchements faiblement sécurisés. 

Ce diagnostic reste aussi valable pour la plupart des villes secondaires du pays. Dans ces territoires, la prolifération des ordures ménagers notamment dans les entrées et les sorties des grandes agglomérations est un constat partagé. Le phénomène NIMBY (not in my back yard) est une réalité. La propreté des concessions est handicapée par la présence de dépotoirs d’ordures non contrôlés. 

Nous comprenons donc avec aisance, la portée du discours de son Excellence, le Président de la République qui a fait une analyse véridique du cadre géographique des quartiers, villages et villes du Sénégal. Dans ses propos figure en bonne place, son appel  à « une mobilisation générale pour forger l’image d’un nouveau Sénégal, un Sénégal plus propre dans ses quartiers, plus propre dans ses villages, plus propres dans ses villes, en un mot, un Sénégal avec zéro déchets ».

Les villes du Maroc comme Casablanca par exemple, nous montrent clairement comment le cadre de vie fait partie du rayonnement, de l’attractivité et de la compétitivité des territoires de manière générale. Il nous semble donc opportun de partager quelques pistes de réflexion pour donner corps à cette vision :


1. Instaurer une loi d’orientation sur l’aménagement du territoire ;2. Faire respecter les outils de planification spatiale (Plans, schémas, codes dont celui de l’urbanisme et de la construction notamment) ;3. Renforcer les collectivités territoriales en moyens humains, financiers, matériels et logistiques ;4. Accompagner les collectivités territoriales à aménager des zones d’activitéspour aérer et désengorger les rues. Dans ces zones, les mécaniciens, les menuisiers, les tourneurs, les soudeurs etc.. y seront localisés. Les activités relatives à la restauration, à la revente de pièces détachées pourront aussi y être hébergées. Dans l’organisation et l’équipement de ces espaces, d’autres activités dérivées ou connexes telles que les aires de repos, des lieux de culte y trouveront aussi leur compte. Le tout rattaché par la ville par un système de transport urbain et inter urbain attractif et compétitif.  Un tel dispositif va désengorger les villes en améliorant le cadre de vie ;5. Mettre en place une unité de lutte contre les désencombrants qui se chargera d’une part de libérer les emprises et de l’autre de les sécuriser;6. Promouvoir la valorisation des espaces libérés en corrélation avec le tissu urbain.


En 2022, dans le cadre des Jeux Olympiques de la Jeunesse, le monde entier sera à Dakar pour ne pas dire au Sénégal. Nous avons donc 3 années pour reconfigurer nos espaces, nos territoires afin de rendre au pays de la Téranga une imageattractive à jamais retenue dans les cœurs de l’humanité toute entière.



Daouda Thiandoum

Aménageur, Urbaniste et Géomarketeur

[email protected]



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