L\'AFFAIRE AMY COLLE DIENG OU LA MANIFESTATION D\'UNE CERTAINE HYPOCRISIE SÉNÉGALAISE.

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L\'AFFAIRE AMY COLLE DIENG OU LA MANIFESTATION D\'UNE CERTAINE HYPOCRISIE SÉNÉGALAISE.

L’affaire Amy Collé Dieng ou la manifestation d’une certaine hypocrisie sénégalaise.

 

Dans un concert d’indignations, beaucoup de citoyens sénégalais dénoncent de manière virulente les propos tenus par la chanteuse Amy Collé Dieng dans un cadre privé et confidentiel en l’occurrence le réseau social WhatsApp. Chacun y va de son commentaire du discours polémique avec une certaine rhétorique moralisatrice dans le dessein de fustiger des propos jugés grossiers voire une atteinte manifeste à l’honorabilité de son  Excellence Macky Sall, président de la République du Sénégal.

La réaction de plusieurs de nos compatriotes laisse penser que la chanteuse Amy Collé Dieng a outrepassé les limites de l’acceptable dans le respect de certaines convenances sociales et/ou républicaines. Le plus ahurissant dans ce lynchage médiatique est l’amnésie de beaucoup de sénégalais comme si des propos de ce genre sont récents sous nos tropiques et qu’il faut impérativement sévir afin de donner un  exemple à tous ceux et à toutes celles qui sont tentés de vilipender le président de la République.

D’autres personnalités à l’instar du député monsieur Moustapha Cissé Lô  ont fait pire que madame Amy Collé Dieng en toute impunité sans que le procureur de la République Serigne Bassirou Guèye ne se s’autosaisit pour tirer au clair ses insultes publiques abjectes de père et de mère à l’encontre du président de la République.  Mais non, circulez il n’y a rien à voir. Pourtant, il y avait manifestement matière à faire appliquer ce pernicieux article 80 du Code Pénal sénégalais.

Cet exemple démontre à suffisance l’instrumentalisation de la justice sénégalaise.

La chanteuse Amy Collé Dieng risque d’être l’agneau du sacrifice de nos autorités publiques à commencer par le procureur de la République si prompt à traquer des citoyens pour un délit d’opinion et qui fait souvent preuve de faiblesse coupable voire d’incurie de poursuivre des auteurs de faits plus graves tels que le double meurtre sordide de Medinatoul Salam impliquant monsieur Béthio Thioune, la fabrication ou la circulation de faux billets monétaires du chanteur Thione Seck, les pilleurs de nos deniers publics etc….

Les propos de la chanteuse Amy Collé Dieng restent toujours une opinion voire une certaine perception de l’action et la gestion du pouvoir du président de la République Macky Sall. Il serait injuste et regrettable de ne voir dans son monologue  qu’une certaine haine ou un manque de respect notoire à l’encontre de monsieur Macky Sall.

Son propos est circonscrit dans la lutte et l’adversité politiques. Une lecture attentive et objective de la  bande sonore de notre compatriote Amy Collé Dieng laisse percevoir une condamnation sans appel de la manière dont le président Macky Sall conduit la gestion du pays avec un certain type de  vocabulaire ancré dans la société.

Il ne s’agit nullement de banaliser l’incorrection ou le manque d’éducation. Toutefois, nous devons faire la part des choses entre le fait de nommer voire de décrire un comportement ou une attitude et celui de proférer des insanités de manière gratuite et désinvolte à une personne peu importe son statut. Nous condamnons énergiquement toutes les insultes et insanités proférées à l’encontre des citoyens sénégalais via la plateforme des réseaux sociaux. Personne ne veut voire ne souhaite que l’on déverse des insultes sur sa personne,  sur ses parents, sa religion ou sur son groupe sociolinguistique.

Cependant, nous ne devons pas nous voiler la face et par conséquent  perdre de vue le fait qu’elle s’exprime en langue Wolof avec une certaine perception voire représentation d’un corpus sociologique de la réalité par les différents segments de la société. Le Sénégal est encore profondément marqué par la culture de l’oralité qui définit les règles et le type socialisation à valoriser au sein de la société. Vu sous cet angle, les propos de la chanteuse Amy Collé Dieng peuvent choquer certains esprits recroquevillés sur ce paradigme sociolinguistique et qui par ailleurs n’admet pas l’écart de conduite même infime dans le discours adressé à n’importe quelle autorité.

Par ailleurs, il est impératif de souligner que le même discours de notre compatriote Amy Collé Dieng en langue française aurait eu un faible impact sur les citoyens sénégalais. Il s’agit simplement de notre modèle social de représentation qui a tendance à amplifier des phénomènes indépendamment de leur signification objective.

L’utilisation du vocable Wolof « saï- saï » par la chanteuse Amy Collé Dieng ne doit nullement être considéré comme une  insulte voire un propos irrévérencieux à l’encontre de monsieur Macky Sall. Le mot « saï saï » dans l'idiome wolof est de nature protéiforme et son usage et/ou sa portée dépendent uniquement d’une situation et d’un cadre d’expression. Dites nous messieurs les pourfendeurs de l'artiste Amy Collé Dieng,  depuis quand le vocable "sai -saï " est une insulte au pays de la Teranga ?

L’utilisation d’une autre expression « ounkou » sujette à polémique dans cette affaire doit forcément  nous conduire à nous demander pourquoi son usage à l’endroit du président Macky Sall qui pourtant a pu bénéficier d’un plébiscite sans appel au soir de l’élection présidentielle de 2012. Les obligés du président Macky Sall doivent se demander en toute objectivité pourquoi ce rejet voire cette défiance à l’encontre de leur mentor en si peu de temps. Dans son message privé, la chanteuse Amy Collé Dieng tente avec ses moyens de déconstruire le discours du cercle des affidés du président Macky Sall le présentant comme un modèle de vertu, de correction et de droiture à cheval sur les principes républicains et sur   nos valeurs traditionnelles.

Nous devons avoir de la hauteur et refuser de se laisser emporter par des considérations partisanes pour clouer au pilori notre compatriote, aujourd’hui dans les liens de la détention pour un délit d’opinion.

Beaucoup de nos compatriotes ne cessent de nous rappeler que le président de la République est une institution. Toutefois, ils feignent d’oublier que la République doit être incarnée par son chef en toutes épreuves.  Plus d’une fois, le président Macky Sall a enfreint les règles de bonne conduite dans la gestion  des affaires de la République en protégeant des personnes qui ont pillé nos ressources publiques. Au plus, le président de la République Macky Sall  a trahi les citoyens sénégalais en refusant d’honorer son engagement solennel de réduire son mandat. Pourtant, pendant quatre longues années, il n'a cessé de réaffirmer partout dans les grandes démocraties qu’il ne pouvait déroger à son serment du fait que son action vise à consolider la démocratie sénégalaise. Au final, il est revenu toute honte bue sur son engagement en se réfugiant derrière la décision somme toute regrettable du Conseil Constitutionnel. Les affidés du président de la République monsieur Macky Sall nous demandent de le considérer comme une institution qui mérite le respect et la considération de la nation entière  alors qu’il ne cesse de renoncer à ses engagements multiples et répétés urbi et orbi de gouvernance sobre et vertueuse et de mentir sciemment au peuple.

Incarner la République et ses institutions n'est pas dans les dispositions et la volonté du chef de l’Etat monsieur Macky Sall.

Nous ne devons pas perdre de vue l’arsenal répressif judiciaire à travers l’article 80 du Code Pénal sénégalais qui condamne de manière ferme toute prise de position virulente voire acerbe à l’encontre du président de la République. Cet article 80 est utilisé par le procureur de la République  comme un épée de Damoclès sur la tête des citoyens sénégalais en vue de réduire drastiquement l’exercice des libertés publiques.

Notre compatriote Amy Collé Dieng est en prison pour un délit d’opinion. Toutefois, j’estime qu’en dépit même de la gravité de son discours dans notre inconscient collectif, sa place n’est pas en prison. L’autorité publique doit faire preuve de dépassement, de sagesse, de mansuétude  et arrêter illico presto d’intimider les populations à travers le communiqué du procureur de la République Serigne Bassirou Gueye.  

Les menaces du procureur de la République peuvent se révéler improductives en raison même de sa tentative avouée de restreindre les libertés publiques. Il serait plus judicieux de procéder à une autre approche de sensibilisation  des citoyens sénégalais sur l’éthique républicaine à adopter dans les réseaux sociaux tout en exprimant de façon objective et responsable son opinion en évitant, malgré une certaine tentation de sortir de ses gonds et de formuler froidement sa colère voire son ressentiment, d’insulter ou de proférer des mots dégradants.

Tous les citoyens sénégalais qui refusent et condamnent énergiquement les sorties acerbes à l’encontre du président de la République, doivent également militer activement pour l’adoption d’une loi interdisant le cumul des fonctions de chef de l’Etat et président de parti politique ou de coalition.

C’est ce mélange des genres inacceptable dans une démocratie représentative digne de ce nom qui permet et favorise les excès et les écarts de langage de certains opposants, qui par ailleurs,  ont toute la latitude de  dénoncer et de condamner avec fermeté les prises de position voire la gestion du président de la République.

Nous devons réécouter froidement les propos de madame Amy Collé Dieng et accepter le fait que ce genre de discours ne doit pas heurter outre mesure dans une République démocratique. Un magistrat honnête et soucieux du respect de la légalité ne peut cautionner en toute indépendance la condamnation de madame Amy Collé Dieng pour un délit d’opinion.

Par ailleurs, je ne comprends pas à l'exception notable de monsieur Alioune Tine le silence coupable voire complice de la société civile sur les dérives autoritaires de nos autorités visant à remettre en cause l’exercice des libertés publiques notamment le droit à l’expression et les défenseurs des droits de l’homme.

Je suis d’avis que c’est  difficile de faire  ce bond significatif dans la protection des droits des citoyens dans une société encore fortement ancrée dans des considérations aristocratiques voire traditionnelles qui militent activement dans le sens d’une réduction drastique des libertés  publiques et un enfermement dans un seul modèle de représentation de la réalité sociale.

 

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