Fukuyama:« Hitler et Staline mirent la technique et l’organisation politique modernes au service du Mal »

Blogs

Fukuyama:« Hitler et Staline mirent la technique et l’organisation politique modernes au service du Mal »

    La Première Guerre mondiale ne fut en fin de compte qu’un avant-goût des nouvelles formes de diableries qui allaient rapidement apparaître. Si la science moderne permit la construction d’armes à la puissance destructrice sans précédent, comme la mitrailleuse ou le bombardier, la politique moderne créa une forme d’Etat au pouvoir également sans précédent, pour laquelle il fallut créer le mot nouveau de totalitarisme. Appuyés par des polices puissantes et efficaces, des partis politiques de masse et des idéologies radicales qui cherchèrent à contrôler tous les aspects de la vie humaine, les Etats de ce type se lancèrent dans des projets qui ne comportaient rien moins que la domination du monde. Les génocides perpétrés par les régimes totalitaires de l’Allemagne hitlérienne et de la Russie stalinienne furent sans précédent dans l’histoire humaine et ne furent rendus possibles que par la modernité elle-même. On avait évidemment connu bien des tyrannies sanglantes avant le XXe siècle, mais Hitler et Staline mirent la technique et l’organisation politique moderne au service du Mal. Il avait été auparavant au-delà des capacités techniques des tyrannies-traditionnelles- d’envisager quelque chose d’aussi ambitieux que l’élimination d’une catégorie entière de gens comme les juifs d’Europe ou les koulaks d’Union soviétique. Mais cet objectif devient réalisable précisément grâce aux progrès techniques et sociaux du siècle précédent. Les guerres provoquées par ces totalitarismes furent aussi d’un type nouveau, impliquant la destruction massive des populations civiles et des ressources économiques, d’où ce terme de « guerre totale ». Pour se défendre contre ces menaces, les démocraties libérales elles-mêmes durent avoir recours à des stratégies de terreur militaire comme les bombardements de Dresde ou d’Hiroshima, qui auraient mérité le nom de génocide barbare aux époques précédentes.

Francis Fukuyama, La fin de l’histoire et le dernier homme, « Notre pessimisme », P.30.


Cette entrée a été publiée dans Politique. Vous pouvez la mettre en favoris avec ce permalien. Alerter

Vous pouvez lire aussi

Commentez cet article

Pseudo *

Votre commentaire :

Pseudo *

Mon commentaire *