Il y'a une grosse illusion qui entoure la revue de presse...
Il y'a une grosse illusion qui entoure la revue de presse...
La liberté tient d’un mirage. C’est sa promesse. Son horizon ! Toujours approché mais jamais touché. N’oublions point ! L’horizon a beau être infini, le soleil n’embrasse jamais la lune. Le propre d’une liberté -encore plus de celle de la presse- c’est d’être un idéal. Une valeur. Un principe. Bref une aspiration. Sauf à penser béatement à une sorte d’absolutisme de la liberté forcément liberticide.
Une liberté absolue relèverait d’un totalitarisme car ne pouvant s’accommoder de celle des autres. Contrairement aux idées reçues, on peut être libre dans la norme. Etre libre, ce n’est pas forcément commettre une transgression, une rébellion. C’est aussi accepter le respect de la norme et des règles établies.
Au Sénégal, encore plus qu’ailleurs, il y a un malentendu essentiel qui pèse sur le débat sur la liberté de la presse, et qui le pollue. Nous autres journalistes, nous nous sommes installés dans la posture dogmatique et dramatique de tenir la liberté comme un dû. On réclame, l’Etat dispose. Alors qu’être libre est d’abord et avant tout un rapport à soi.La vérité est qu’au Sénégal, on ne peut poser la question de la liberté de la presse sans faire le douloureux mais nécessaire"examen de conscience" du journaliste. Au-delà des corporatismes sectaires, sans mièvrerie ni élan et allant.
Complaisance !
La mise à nu de soi est forcément ingrate et hallucinatoire. Mais l’amorce de la liberté est à ce prix. Etre libre, c’est aussi la possibilité de la réflexivité. On ne peut amender la conscience des autres (celles des acteurs politiques, économiques et religieux de la société) et refuser de s’amender. Dans l’espace médiatique sénégalais, les journalistes, à longueur de colonnes et de tranches d’antennes, se positionnent en censeurs des consciences et oublient, du coup, d’être gardiens de leur propre conscience.
La grande illusion ou le grand mirage est dans ce faux postulat, la liberté est un dû : on doit nous la donner "quel que soit alpha". Oubliant qu’elle induit des devoirs. Des limites. Là est le problème. Disons-le, ici et maintenant, au risque de mettre à mal le corporatisme de mauvais aloi qui a libre cours, quand les normes les plus élémentaires du respect de la vie privée sont journellement violées, il est indécent d’invoquer la liberté d’expression. Cherchez l’erreur…
Journalistes, sur le divan de vos consciences !
Avoir le courage de fendre l’armure d’un ego corporatiste himalayen est aujourd’hui le premier acte de liberté. Regarder le problème en face augure déjà d’une thérapie. La fuite en avant n’a que trop duré. De toute façon, le précipice est tout près. Juste devant… Toute liberté est d’abord une prise de conscience. C’est le premier palier. La problématique de l’identité du journaliste doit être sérieusement posée.
Qu’on se le dise, on ne pourra faire l’économie d’une sélection. Depuis peu, les tenants d’une certaine vision se font l’écho d’une "théorie de la sélection naturelle". Cela est tout à fait biaisé et relève d’une absurdité digne de Meursault, le personnage de L’Etranger d’Albert CAMUS. Nom de Dieu !
Alors pourquoi devrions-nous laisser la nature, pince-sans-rire, faire notre boulot ? Si tel était le cas, autant rendre les armes. L’humanisme cartésien en prend un sacré coup. "L’homme, maître possesseur de la nature… " avait dit le siècle des Lumières. Pourquoi donc le choix de l’abîme des ténèbres ?
La vérité est aussi simple que difficile à faire admettre au corps journalistique sénégalais. Un métier, on en respecte les règles ou l’on en est exclu. Le compromis est impossible.
L’ambivalence des représentations de la fonction de journaliste rend floue sa perception aux yeux du public. En atteste cette traduction communément admise de"taskatu xibaar" (distributeur d’informations) qui ne prend pas en charge, à mon avis, toutes les dimensions du métier. Sans compter la confusion animateur/journaliste ou amateur/journaliste dans l’esprit du public.
Les représentations collectives du métier au sein de la société n’en sont que plus ambivalentes. Qui plus est, la perception du métier par les journalistes eux-mêmes reste pour une bonne part biaisée. C’est ici le lieu de rappeler avec force que sa fonction est dans la médiation et non dans la réinvention du journalisme qui a, actuellement, cours au Sénégal. Le journaliste n’est ni Zorro ni redresseur de torts. Il transmet et relie diverses modalités sociales.
Dans le schéma global de la société de communication, il participe à créer le lien social. Le journaliste a tendance à oublier que le public est actif car inventant ou réinventant ses propres usages et pratiques médiatiques.
Pendant trop longtemps, un discours ambiant et sans fondement sociologique valable a laissé croire aux médias qu’ils sont un pouvoir. Alors que les excellents travaux en sociologie de la réception de l’école de Birmingham et du courant descultural studies ont montré que la réception du message des médias est un travail de décryptage actif, car impliquant un double phénomène de communication, celui de l’encodage et du décodage. Autrement dit, le message est une interaction. Sa lecture et son sens sont négociés avec le public.
On assiste aussi au Sénégal à l’émergence d’une élite journalistique fonctionnant en vase clos selon l’étroitesse des réseaux de sociabilité. Un milieu qui fonctionne à l’auto- renforcement et à l’auto-satisfaction. Bref, tout le monde est beau. Alors que le Monstre est comme Janus. Il a une double face.
Journaliste, c’est une posture. Une liberté. Donc un acte intime. Notre liberté n’est pas à demander, c’est à nous de nous donner les moyens d’être libres. L’urgence de la réflexion est réelle. Une réflexion loin des intégrismes et dogmatismes. Il faut rompre, au Sénégal, avec cet essentialisme de la liberté de la presse qui est de l’ordre de l’illusion. Car de la liberté au mirage, il n’est qu’un limbe. Un abysse d’abîmes. L’exigence de vérité avec soi est le premier acte de liberté. A tout le moins ! Jugez-en. Mon principe est aussi profond que l’océan. Ce principe est une question : doit-on à travers une revue de presse laisser à la liberté ou à la theatralisation des faits s'emparer de toute l'image d'une aussi noble profession ?
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