Pour les victimes du crash de Missirah et en mémoire des disparus

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Pour les victimes du crash de Missirah et en mémoire des disparus

Si la pudeur existe, je l’ai rencontrée. Elle couvrait alors, sur toute son étendue, tel un voile épais, notre pays. C’était à la suite du drame consécutif au crash de l’hélicoptère de l’armée survenu le 14 mars 2018 à Missirah, dans la commune de Toubacouta (département de Fatick).

Et si le sens de la responsabilité et de la retenue existe, je l’ai croisé aussi, aussitôt annoncé le drame de Missirah.

Le Mi-17 de l’armée rentrait alors d’une « mission sociale » à Brin, mon village natal.

Dès lors, il y eut comme un choc national, à la faveur duquel tous les silences assourdissants et tous les murmures sourds, qui s’ensuivirent, désignèrent sans plus attendre, et sans le nommer, le mal ; mais sans heurter, non plus, ni blesser.

Oui tous, dis-je, sauf une exception : un célèbre éditorialiste relèvera, ou fera observer, pour sa part, que le Mi-17 de l’armée était en l’occurrence un corbillard par destination. Et c’était pour refermer par là-même la parenthèse, si subrepticement ouverte, renvoyant ainsi le lecteur à la véritable raison d’être du Mi-17, à sa place dans l’armée et notamment à sa mission quintessentielle. De sorte que le « solde de tout compte », suite au décompte macabre y relatif, d’après le célèbre éditorialiste tout au moins, se présenterait comme suit, presque exclusivement : les quatre membres de l’équipage, dont trois morts et un blessé, tous des soldats crédités d’une excellente formation et d’une expérience éprouvée + l’épave de l’hélicoptère (entendu que celui-ci est irrécupérable en l’état).

Vérité cruelle ? Ou bien assertion humainement injuste que cette allégation-là ? A moins que, en l’espèce, notre célèbre éditorialiste n’ait eu raison d’appréhender les choses sous ce prisme.

Quoi qu’il en soit, je m’associe aux hommages mérités de la Nation, dont ces officiers de l’armée ont été honorés.

Aussi, ne saurais-je témoigner assez, en ces circonstances terriblement douloureuses, de ma gratitude à toutes les populations du pays, pour leur grandeur d’âme et leur capacité à s’élever, individuellement et collectivement, jusqu’au plus près du sommet de leur humanité propre. Car, les seize autres passagers du Mi-17, tous des civils, dont six morts et dix blessés, me sont tous plus ou moins proches. Plus que moins, pour la plupart d’entre eux.

Ici, ma peine et ma douleur sont donc sans limites, et ma compassion incommensurable, notamment à l’égard des victimes du crash et de leurs familles.

Mais, je veux crier ma colère et, tout impuissant, exprimer en même temps mon amertume.

‘‘Venez, que je vous y amène, aux obsèques de mon jeune frère !’’ Puis, ces dernières terminées, ‘‘Venez donc, que je vous ramène ou fasse ramener chez vous !’’

N’est-ce pas là, en substance, un double propos que nous puissions jamais prêter, avec gravité, à mon oncle et cousin Robert Sagna, quand il s’affairait dans la perspective des obsèques de son jeune frère Jacob Sagna, qui était aussi mon oncle et cousin ?

Or, ce qui fut arrivé si tragiquement lors du vol retour du Mi-17, aurait bien pu survenir à l’aller, si l’on sait en outre que toute une même famille avait été assemblée dans le vol aller.

Non ! chez nous, cela ne se fait pas. Ou, plutôt, cela ne se faisait point.

D’ailleurs, je ne sache pas que la générosité du président Macky Sall fût spontanée, quand il daigna mettre à disposition le Mi-17 de l’armée. Mais décliner son offre, eût certainement été ici le meilleur service qu’on eût pu jamais rendre au chef de l’Etat, a fortiori en tant que son allié politique.

Il s’y ajoute que, objectivement, Robert Sagna n’avait aucunement besoin d’une telle aide. Symboliquement/ politiquement non plus.

Il va sans dire, du moins j’ose l’espérer, que si c’était à refaire, nous ne le referions pas.

Au demeurant, dans une de mes publications récentes (‘‘Avis de décès : Le mensonge est mort en Casamance’’, aux éditions diasporas-noires.com), je suggérai qu’un avis de décès ne saurait être, en tant que tel, une invitation à des obsèques. Pour moi, en effet, un avis de décès est nécessairement, et seulement nécessairement, informatif, tant dans sa définition que du point de vue de sa finalité, et, par conséquent, non suggestif, encore moins discursif. C'est-à-dire qu’un avis de décès, toujours selon moi, dit de manière absolue et définitive qu’Untel est mort, sans engager ; sans aucunement engager aucune des personnes qui auront survécu au défunt. Il informe, en tant qu’il n’est qu’un faire-part, point barre.

C’est une question d’éthique, ajouterais-je bien volontiers aujourd’hui.

Dakar, le 25 mars 2018

Jean-Marie François BIAGUI

Président du Parti Social-Fédéraliste (PSF)


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