Yahya Jammeh est parti. Et après ?

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Yahya Jammeh est parti. Et après ?

Le Peuple gambien est-il devenu soudainement « révolutionnaire » ? Ou bien n’a-t-il fait que faire acte de « désobéissance civile », mais guère de démocratie, dans le contexte gambien, avec le rejet dans les urnes de Jammeh ?

A l’évidence, on ne peut faire acte de démocratie que dans une démocratie. Fondamentalement s’entend. Or, la Gambie n’est pas une démocratie. Elle n’est pas non plus un Etat de droit, ni le Président Yahya Jammeh devenu subitement un démocrate.

De même, la rapidité de changement, si surprenante ou effrayante qu’elle puisse être, ne fait pas la révolution. Mais elle rend souvent, presque toujours, pantois et par ce fait même elle « déresponsabilise ». Et pour cause, Adama Barrow, nouvellement élu Président de la Gambie, et aussitôt sa victoire reconnue par Jammeh, déclarera : « Macky Sall m'a appelé et cela m'a beaucoup touché, d'autant plus que je le considère comme un parent, un membre de ma famille. Ma mère est peulh et le Président Macky Sall m'a parlé en pulaar et ça m'a réconforté. Il m'a félicité et s'est dit disposé à me soutenir pour réussir ma mission. Je lui ai assuré que le Sénégal est une priorité pour moi. D'ailleurs, ma première visite à l’extérieur sera consacrée au Sénégal ». Ici, la charge des mots en dit plus long, plus large et plus profond que les mots eux-mêmes.

La révolution, tout le monde en conviendra, a besoin de maturation, et donc nécessairement du temps pour ce faire, sous peine de voir les « révolutionnaires » et autres « progressistes » d’aujourd’hui devenir demain d’imperturbables « conservateurs ».

Cela, Jammeh le sait, et le comprend. Il le révèle même, sinon le prévient, en substance, en ces termes : « Vous, Gambiens, avez décidé que je devais partir. Vous avez choisi quelqu’un pour diriger votre, notre pays et je vous souhaite le meilleur. » On voit donc que le désormais ex-homme fort de Banjul est incurable, toujours égal à lui-même : il ne s’accomplit qu’à la faveur de rapports de force. Il est en effet constant que Jammeh est dans un rapport de force : d’abord avec lui-même ; ensuite avec son Peuple et notamment avec l’opposition gambienne ; avec les pays voisins, particulièrement le Sénégal ; avec le Mouvement des Forces Démocratiques de la Casamance (MFDC) ; avec ses alter ego du Commonwealth ; avec la Communauté internationale… De sorte que, en dépit de sa surprenante reconnaissance de sa défaite face à son challenger, il ne viendrait certainement à l’idée de personne de lui appliquer en l’occurrence la maxime selon laquelle ‘‘les hommes de vertu et de courage ne se révèlent que dans les circonstances critiques’’.

Alors que pourrait bien nous réserver Jammeh ?

Nous craignons fort malheureusement que la réponse à cette dernière interrogation ne se trouve dans la déclaration ci-dessus de son tombeur. D’abord, pour une déclaration d’un Président de la République nouvellement élu par son Peuple, elle s’avère terriblement « chargée », à tout point de vue. Ensuite, avec cette déclaration, nous pouvons être sûrs, ou à peu près sûrs, que le nouveau Président gambien « se remettra » difficilement de sa victoire. Enfin, la donne ‘‘MFDC’’, pour autant qu’elle ait eu quelque écho dans la personne de Barrow, apparait chez le nouvel homme fort de Banjul plutôt comme anecdotique. Bref, toutes choses qui nous rendent perplexes quant à l’avenir prometteur que l’on nous promet à partir de la Gambie.

Pour autant, nous souhaitons bonne chance au Peuple frère de Gambie.

Dakar, le 4 décembre 2016.

Jean-Marie François BIAGUI

Président du Parti Social-Fédéraliste (PSF)

 

 


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