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"LUI : Monsieur MBEKO, vous parlez beaucoup des problèmes de l’Afrique, mais jamais vous n’abordez la question de la religion. Ne pensez-vous pas que nos problèmes viennent justement de ces religions importées?

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MOI : J’évite souvent d’intervenir dans les débats sur la place de la religion ou disons des religions dites « importées » (selon certains) dans la société africaine. Pourquoi? Parce que souvent ces débats divisent plus qu’ils ne rassemblent. Ce sont pour la plupart du temps des débats dogmatiques, où les tenants d’une idéologie tentent d’imposer leurs vues aux autres. Il suffit de suivre les débats entre les compatriotes africains de la mouvance dite « Kemite » ou se réclamant d’un « panafricanisme décomplexé» et leurs frères chrétiens ou musulmans pour s’en apercevoir.

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LUI : Justement, vous êtes quand même d’accord que c’est à cause des religions abrahamiques que l’Afrique va mal. À cause d’elles, nous avons été colonisés; à cause d’elles, nous nous entretuons...

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MOI : Personnellement, je ne pense pas que c’est la religion qui est en cause, mais bien l’homme...

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LUI : Comment ça? L’homme blanc ou arabe ne s’est-il pas appuyer sur sa Bible et son Coran pour nous dominer? Jomo Kenyatta a dit : « Lorsque les Blancs sont venus en Afrique, nous avions les terres et ils avaient la Bible. Ils nous ont appris à prier les yeux fermés : lorsque nous les avons ouverts, les Blancs avaient la terre et nous la Bible. »

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MOI : Avez-vous déjà lu la Bible ou le Coran?

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LUI : La Bible, un peu, mais le Coran, NON.

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MOI : Alors pourquoi portez-vous un jugement sur un ouvrage que vous n’avez pas lu ni compris? C’est ce que je reproche à la plupart de mes frères se réclamant de la mouvance « Kemite » ou du « Panafricanisme » (en passant, je suis un Panafricaniste moi-même). Leurs opinions sur la religion reposent plus sur des clichés qu’autre chose. Pour juger la Bible ou le Coran, il faut non seulement les lire mais surtout les comprendre, saisir la profondeur du message véhiculé, tout en l’inscrivant dans son contexte historique. Combien l’ont fait? Les gens lisent ou retirent un passage et lui font dire ce que le texte dans son ensemble ne dit pas. C’est de la malhonnêteté intellectuelle.

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LUI : Vous défendez les religions importées mon frère, je suis deçu...

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MOI : Si la religion était véritablement le problème, elle n’aurait pas ailleurs conduit à des luttes pour l’émancipation des peuples. La même Bible qui pose problème chez certains Africains a servi en Amérique latine comme une arme contre le néocolonialisme européen.

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LUI : De quoi vous parlez?

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MOI : De la théologie de libération lancée par des chrétiens.

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LUI : Vous me décevez M. MBEKO, je n’attendais pas ça d’un grand penseur comme vous. Marx, qui est un Européen, a dit que la « religion est l’opium du peuple »...

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MOI : Faux, il n’a jamais dit ça. Marx dit exactement ceci : « La misère religieuse est tout à la fois l’expression de la misère réelle et la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature accablée, l'âme d'un monde sans cœur, de même qu'elle est l'esprit d'un état de choses où il n'est point d'esprit. Elle est l’opium du peuple... ». Autrement dit, c'est parce qu'il y a des injustices dans ce bas monde que les humains croient en un au-delà meilleur, au lieu de tenter d'améliorer le monde réel dans lequel ils évoluent. Voyez-vous cher ami, vous dites des choses que vous ne comprenez pas, en faisant dire à Marx ce qu’il n’a jamais dit. Ce n’est pas sérieux...

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LUI : À vous écouter, la religion n’y est pour rien dans tout ce qui se passe en Afrique.

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MOI : NON. Ce n’est pas ce que je tente de vous faire comprendre. Ce n’est pas la religion en soi qui pose problème. Le problème, c’est l’homme, qui dans sa quête de domination, a décidé d’en faire une arme pour assujettir ses semblables. Si la religion nous met en retard comme l’affirment certains, pourquoi ceux qui nous l’ont soi-disant apportée, comme l’affirment certains, n’ont pas les mêmes problèmes que nous? Pourtant ils sont aussi religieux, parfois plus que que la plupart d’entre nous. Le problème est que la religion a été utilisée à des fins stratégiques de la même manière qu’est utilisée l’école occidentale que nous fréquentons aujourd’hui pour endoctriner et soumettre. Hier c'était la religion, aujourd'hui c'est l’"école coloniale" puis la démocratie et les droits de l'homme, mais vous ne comprenez toujours pas...

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LUI : Vous n’avez pas totalement tort, mais dites-moi, êtes-vous religieux?

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MOI : NON. Mais j’ai une vie spirituelle et je crois en l’existence d’un être suprême. Donc DIEU.

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LUI : Pourtant vous semblez défendre les religions abrahamiques...

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MOI : Je ne suis pas religieux, vous ai-je dit, et je n’ai donc pas d’intérêts à défendre une quelconque religion. Écoutez, si la religion était véritablement le problème, tous ceux qui se réclament des religions abrahamiques auraient adopté un comportement uniforme. Or ce que l’observe est bien différent. Les croyants (religieux) eux-mêmes ne comprennent pas la Bible ou le Coran de la même manière. Au fond, chacun prend ce qui fait son affaire et l’utilise selon les objectifs recherchés. La religion, on semble l’oublier parfois, est avant tout un ensemble de croyances et de rites imaginés par l’homme et qui prétendent l’amener à une juste relation avec Dieu. Alors que la spiritualité est une focalisation sur Dieu et/ou les choses spirituelles...

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La suite prochainement..."

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