La création d’une monnaie unique dans l’espace CEDEAO : Projet utopique ou réaliste ?

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La création d’une monnaie unique dans l’espace CEDEAO : Projet utopique ou réaliste ?


L’idée de créer une monnaie commune au sein de l’espace CEDEAO est proférée aujourd’hui mécaniquement en chœur comme une alternative favorable à la préoccupante, à l’embarrassante et à l’angoissante question du FCFA. Malgré tout cet engouement, c’est une faible et hésitante idée qui divise. Faible car illustrée par l'optimisme de quelques chefs d'Etats africains lors de leur dernière réunion qui s'était tenue à Niamey et hésitante car matérialisée par le pessimisme du président Muhammadu Buhari du Nigéria. Justement attardons-nous un peu sur le Nigéria. 

Première économie de l’espace CEDEAO, deuxième économie et première population du continent (190 millions d’habitants), le cas du Nigéria mérite d’être traité avec parcimonie avant de se lancer dans cette future zone monétaire.

D'après les chiffres officiels de la CEDEAO, le Nigeria représente 72 % du PIB de la CEDEAO et les 28% restants - sont partagés par les 14 autres pays. Dans ce classement, le Sénégal ne pèse que 2,2%. A y regarder de près, on s’aperçoit que les intérêts du Sénégal ne sont pas les mêmes pour le Nigeria. Le Nigeria a une économie de rente c’est - à - dire une économie qui dépend beaucoup du pétrole jusqu’à 71%. Le problème c’est que le pétrole est une ressource très volatile. De ce fait, l’augmentation du prix du baril arrange le Nigeria et lui permet d’enregistrer une croissance de son PIB. Quant au Sénégal, c’est la baisse du baril qui lui est favorable. Elle lui permet d’engranger des points et de voire son taux de croissance croître. Par exemple, l’année 2016, la chute vertigineuse du baril du pétrole avait fait perdre au Nigéria près de 8 milliards de dollars au niveau de son PIB au moment où le Sénégal avait enregistré un taux de croissance de 6,7%. Cet examen comparatif nous permet de constater que les intérêts du Nigéria contrastent avec ceux du Sénégal. Ici la conclusion est très simple : ces deux pays ne doivent pas partager la même monnaie. Le géant Nigeria dérangerait et créerait un déséquilibre et une instabilité au niveau de cette future zone monétaire. Ainsi, ce cas particulier du Nigeria freine les pourparlers, limite les tractations et empêche l’accélération du projet de la monnaie commune. Du coup, il y a un président qu’on taxe de « canard boiteux » et qui s’oppose sans le manifester à ce projet. Inutile de chercher loin parmi les 15 présidents, le canard boiteux, c’est le président Alassane Ouattara. Économiste de formation, ancien gouverneur de la BCEAO, ancien directeur du département Afrique au FMI (Fonds Monétaire International), donc nourri profondément dans les arcanes du monétarisme, Alassane Ouattara sait pertinemment que la mise en place d’une monnaie commune au sein de la CEDEAO, affecterait significativement l’économie de la Côte d’Ivoire qui pèse 35,2 % dans l’économie de l’UEMOA.

En effet, la création d’une monnaie commune dans l’espace CEDEAO doit passer par plusieurs étapes. D’abord, il faut que certains préalables institutionnels soient respectés. Il faut aussi que les critères de convergence soient remplis même si nous reconnaissons que c’est une exigence très difficile à respecter car les pays de la CEDEAO présentent des divergences au niveau des cycles économiques. A cet effet, pour assouplir la démarche, il faut envisager d’abord la création d’un Etat fédéral. L’instauration d’un Etat fédéral débouchera sur un fédéralisme budgétaire, et sur une flexibilité macroéconomique pour chaque Etat membre. Dans une zone monétaire, les pays membre individuellement ne peuvent pas toujours respecter les critères d’ajustement. Dans ce cas de figure, les pays les moins développés qui ne peuvent pas utiliser leurs monnaies pour s’ajuster, doivent bénéficier d’un soutien budgétaire. Après cette phase d’ajustement, les Etats membres devraient mettre en commun leurs réserves pour soutenir mutuellement leurs monnaies. Les monnaies nationales seront liées les unes aux autres avec une parité fixe, mais toujours ajustable. Cette fixité pourrait renforcer le développement des échanges, favoriser l’essor du commerce entre pays africains, tout en leur permettant d’économiser des réserves. Elle permettra aussi aux Etats membres comme le Sénégal de ne plus avoir besoin de l’euro pour échanger avec le Nigéria ou le Ghana. A cet effet, nos économies respectives seront diversifiées, le commerce intra régional développé. Il y aura aussi une complémentarité au niveau de nos économies avec un seul déficit, un seul budget, et une dette commune. Si toutes ces conditions et ces dispositifs institutionnels seraient réunis, une monnaie unique au sein de la CEDEAO pourrait être intéressante.


Mandela Ndiaye Touré 


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A-b - #1

Merci M. Touré Pour Cette Griffe Je Tiens à Souligner Que La Monnaie Unique N'est Bénéfique Que Si Les Pays Sont Des Partenaires économiques. Dans Le Cas De La Sous Régions Nos économies Sont Plutôt Concurrentielles Avec Comme Principal Partenaire A L'echange La France Et Ue. Par Consequent, Dans Le Cas D'une Dualité Nigéria Reste De La Zone Cfa Une Monnaie Unique Sera Bénéfique Qu'au Pays Les Plus Industrialisés Et Surtout Transformateur De Matière Première Dans En But De Répondre Au Besoin Du Marché Regional. Au Cas Contraire Une Monnaie Unique N'aura Pas Dimpacte Significatif Sauf Pour La Postérité. Un Autre Pr9bleme Qui Reste Entier Est Que Le Problème Ce N'est Pas L'appellation Cfa Mais Plutôt Sa Structuration Et Sont Mécanisme. Pour M'en Arreter Là Je Ne Crois Pas Qu'un Fédéralisme Soit Une Condition Nécessaire à L'optimum Monétaire.

le Samedi 11 Mai, 2019 à 22:05:03RépondreAlerter

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