Territorialisation des Politiques : INTOX OU OPTION ?

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Territorialisation des Politiques : INTOX OU OPTION ?

Territorialisation des Politiques :

INTOX OU OPTION ?

 

 

Le Président Macky SALL serait-il contre la gestion solitaire du pouvoir et pour la territorialisation des politiques publiques ? Rien n’a fondamentalement changé dans l’architecture institutionnelle hyper-présidentialisée. Entre régime présidentiel et régime parlementaire, les « Assises nationales » ont tranché le débat. L’application des conclusions pertinentes revient à la double majorité présidentielle et parlementaire qui a encore réaffirmé sa totale adhésion. Ni  excuse, ni délai, aucune dérobade n’est sérieusement envisageable.  Au-delà des assises, la « Territorialisation » évoquée par le Président SALL à Ziguinchor ne devrait être rien de moins qu’un changement de paradigme. Une option révolutionnaire mettant toutes les énergies à contribution est plus que salutaire pour l’aménagement du territoire, fondement de tout développement humain, ou local. Intox ou option ? La profondeur des enjeux de réforme associée à la résistance au changement constituent des écueils difficilement surmontables.

 

1°) DECONCENTRATION DU POUVOIR DE DECISION :

 

Une réelle politique de proximité devra fondamentalement reposer sur une véritable déconcentration du pouvoir de décision. Le maitre-mot est déconcentration. Si les régions ont besoin de la plus grande attention, c’est plus exactement le statut de la région administrative qui devrait évoluer. Cela dans le cadre d’une réforme administrative et territoriale consensuelle destinée au renforcement de la décentralisation, tournée résolument vers l’aménagement du territoire et axée sur le développement local. La région, prise comme division administrative, pourrait tout simplement disparaitre. Emportant avec elle la Gouvernance et les Administrations régionales, la région laisserait ainsi place au département, devenu première division administrative munie de toutes les structures territoriales déconcentrées nécessaires à la gestion de proximité et à temps réel. A ce propos, le Président de la république peut déléguer une partie de ses prérogatives, non plus aux ministres, mais :

 

a)   (Sur le plan national) aux Directeurs nationaux (DN), choisis es qualité sur la base d’un appel à candidature transparent : D’abord une sélection sur CV anonyme, puis une audition par une commission attitrée et enfin seulement une nomination par qui de droit avec un cahier de charge échéancier et un mandat non renouvelable de trois (3), cinq (5) ou sept (7) ans. On peut bien envisager que les Directeurs départementaux (DD), choisis suivant le même format, soient délégataires de pouvoir : La suppression de l’accord de non objection apparaitra dès lors évidente. Le pouvoir de signature sera avantageusement partagé entre les DN et les DD dans des conditions à définir.

 

 

b)   (Sur le plan départemental) aux Préfets, véritables Ministres d’Etat (ou Secrétaires d’Etat), officiant en lieu et place de l’Exécutif central. Bien entendu, leur profil de formation et de carrière  devra intégrer la nouvelle donne. Management, Administration des affaires, Droit coutumier, oui Droit religieux, Gestions des ressources humaines, Gestion des conflits, Langues nationales, rien ne sera laissé au hasard. Notons pour ce dernier point par exemple, que la première de la localité pourra être langue de travail, à côté du français. L’affichage bilingue sera rendu obligatoire y compris pour les noms des localités. Devenues langue parlée et écrite de l’administration et langue d’affichage publique, les langues nationales conforteront le rapprochement de l’administration territoriale des administrés. Aussi faut-il donner aux néo-alphabètes la possibilité d’intégrer leurs acquisitions en langues nationales.

 

2°) AMENAGEMENT DU TERRITOIRE :

 

Ne jamais perdre de vue que le développement humain, dont l’indice est très faible au Sénégal, repose essentiellement sur l’aménagement du territoire. Le Préfet chef de l’Exécutif-départemental, devra, bien plus que la simple fonction de représentation, impulser et même conduire l’exécution de programmes locaux de développement(PDL). Ici, c’est le Conseil départemental de développement (CDD), et non pas en tant que tel le Conseil des ministres décentralisé, qui est l’organe approprié dans la gestion de proximité. L’avantage du terrain confère aux acteurs-locaux une connaissance des hommes et du milieu incontestablement inégalable. Mettre le pouvoir de décision entre ces mains expertes est un gage de réussite dans une construction nationale équilibrée. Au fond ce qui importe ce ne sont pas les mots « Décret-présidentiel » ou « Arrêté-préfectoral », mais la réelle capacité d’action sur les hommes et sur le milieu. Changer de paradigme et s’inscrire résolument dans la gestion territoriale de proximité sont des impératifs de développement. L’Exécutif central a la seule et entière responsabilité de pourvoir aux besoins de ses propres démembrements que sont les divisions administratives (Départements et Arrondissements). En consacrant un tiers (1/3) du budget public d’investissement au développement territorial, le nouveau gouvernement donnerait plus de sens à l’orientation budgétaire. L’essentiel n’est pas seulement dans le ratio, mais surtout dans la recherche d’un mécanisme opérationnel de financement du développement national équilibré territorialisé. Attention, la territorialisation est une exigence de la nouvelle citoyenneté. Au Sud l’enclavement et le conflit casamançais trentenaire, à l’Est les émeutes de Kédougou sur fond d’exploitation minière et au Nord la révolte de Fanaye contre la boulimie foncière, sans compter les premières frustrations  issues des phosphates de Matam : Le Sénégal (j’allais dire) joue réellement son avenir. La province (faut-il le dire) a parfois le sentiment d’être victime de l’exclusion au profit d’un « Sénégal-utile », autour de l’axe Dakar-St Louis. C’est à la territorialisation qu’il revient de briser l’hyper-concentration côtière.

 

3°) PARACHEVEMENT DE LA  DECENTRALISATION :

 

Une nouvelle-formule de région érigée en collectivité territoriale décentralisée présente le plus grand intérêt pour le développement endogène  (et pour entre autres choses, le règlement de la crise casamançaise). Elle ne sera plus placée sous la tutelle d’un Gouverneur nommé, mais dirigée par un responsable élu démocratiquement, donc, au leadership accepté. Dotée d’une personnalité juridique et d’une autonomie de gestion, la région, sans être un Etat dans l’Etat, acquière de fait un statut politique.

 

Les régions (nouvelle-formule) ne sauraient raisonnablement dépasser cinq (5) ; sommairement : Est ; Ouest ; Nord ; Sud et peut-être Centre. Les régions sénégalaises Est et Sud devraient pouvoir rivaliser avec la Gambie ou la Guinée Bissau, c’est là que réside le défi clairement économique, doublé du nécessaire défi stratégique. Relever ces deux (2) défis est le moyen le plus sûr pour vaincre cette sorte de discontinuité territoriale qui fait de la Casamance, une région naturelle sénégalaise coincée entre deux (2) pays étrangers. La nouvelle région du Sud doit avoir l’ambition et la volonté de dépasser les deux pays cités plus haut, les moyens suivront. Le défi d’intégration des réseaux de transport avec la république sœur de Gambie est un impératif hautement stratégique.

 

Notons au passage que, la libre circulation des personnes et des biens n’autorise pas le Sénégal à détourner gratuitement son trafic Nord-Sud sur la Gambie. Quid de la dégradation des routes et de l’environnement. Quid des problèmes sécuritaires et sanitaires intimement liés au transport. Les Sénégalais devront payer davantage pour préserver et conforter leurs deux (2) véritables intérêts : gain de temps et surtout qualité de la transgambienne. Une autoroute à péage transgambienne (doublée d’une ligne de chemin de fer) construite suivant le procédé B.O.T, pourrait satisfaire, à la fois, la mobilité sénégalaise et les préoccupations économiques gambiennes. Peut-on édifier un seul ouvrage de franchissement (pont) si les intérêts économiques vitaux de la république de Gambie ne sont pas préservés, voire même confortés ? Ce que nous appelons « tergiversations de la partie gambienne » ne résultent que de la nécessaire défense  de ses intérêts.

 

La nouvelle région, regroupant une dizaine (10) de départements, pourrait tirer ses ressources :

·       De la mutualisation des moyens, toutes les collectivités locales devront lui verser un dixième (1/10e) de leurs recettes fiscales ;

·       De la vente de licence annuelle d’exploitation aux entreprises établies sur son domaine (0,1 à 1% du chiffre d’affaire ou du bénéfice). A ce propos la Chambre de commerce, lieu d’implantation naturel de la bourse des valeurs mobilières, devra être au centre des activités économiques régionales. L’entrée en bourse, sans la cotation spéculative, devrait être rendue obligatoire pour les entreprises soumissionnaires à tout marché public territorial ;

·       D’emprunt obligataire sur le marché financier national et/ou sous régional ;

·       De droit de tirage dans des banques nationales ou de développement local avec un cautionnement institutionnel public ;

·       D’autres sources de revenu à définir.

 

L’Exécutif régional devra éviter de reconduire le schéma national centralisé. Point besoin de chef-lieu de région, tous les départements pouvant accueillir à tour de rôle, la tenue du Conseil régional : la dématérialisation de cette structure exécutive participe de la décentralisation et de l’économie budgétaire. Aussi les budgets de fonctionnement des collectivités locales et territoriales décentralisées devraient-ils être limités entre 10 et 33%, ce qui renforcerait d’autant le ratio de l’investissement public annuel. La déconcentration, décentralisation, régionalisation peut, si j’ose dire, « libérer » la région, des pesanteurs d’une centralisation despotique rétrograde. Il faut mettre un terme à l’attentisme douillet des « instructions-du-Président-de-la-république », à l’immobilisme, à la paralysie et à la peur, qui se traduit par la fuite des responsabilités. Brisons les chaines de l’hyper-présidentialisme, libérons toutes les énergies, capitalisons toutes les initiatives politiques, locales et citoyennes. La société civile est un incontournable moteur du développement, sa prise en compte est une exigence de la gestion participative.

M. Momar Idrissa NDIAYE, Professeur LETFP/Thiès

 


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