Aucune disposition juridique ne permet de révoquer un Maire, pour un motif lié à son pouvoir de nomination

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Aucune disposition juridique ne permet de révoquer un Maire, pour un motif lié à son pouvoir de nomination

L’idée saugrenue de Macky SALL selon laquelle le Maire de Dakar, Barthelemy DIAS pourrait être révoqué, pour un motif lié à son pouvoir de nomination est une légende qui ne repose sur aucun fondement juridique. En effet, la procédure de révocation du maire est strictement encadrée par la loi. Les dispositions combinées de l’article 135 et de l’article 140 de la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code général des Collectivités locales, ne souffrent d’aucune ambiguïté :

Ø  Article 135 du CGCT : Lorsque le maire ou tout autre conseiller municipal est condamné pour crime, sa révocation est de droit.

 

Ø  Article 140 du CGCT : Sans qu’elles soient limitatives, les fautes listées ci-dessous (dont la gravité est avérée), peuvent entraîner l’application des dispositions de l’article 135 du CGCT (révocation) :

 

1.       Un fait prévu et puni par la loi instituant la Cour des comptes ;

2.       L’utilisation des deniers publics de la commune à des fins personnelles ou privées ;

3.       Les prêts d’argent effectués sur les recettes de la commune ;

4.       Le faux en écriture publique authentique visé au Code pénal ;

5.       Le faux commis dans certains documents administratifs, et certificats visés au Code pénal ;

6.       La concussion ;

7.       La spéculation sur l’affectation des terrains publics, les permis de construire ou de lotir ;

8.       Le refus de signer ou de transmettre au représentant de l’Etat une délibération du conseil municipal.

Voilà au moins qui a le mérite d’être clair, car nulle part, dans la Loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant code des collectivités locales, il n’est prévu que le Maire puisse être révoqué, pour un motif lié à son pouvoir de nomination. La révocation est une sanction administrative, une mesure exceptionnelle qui a pour objet de réprimer des manquements extrêmement graves et répétés aux obligations qui s’attachent aux fonctions de maire. Les agissements du maire doivent être particulièrement graves et systémiques au point d’entacher son autorité morale et sa capacité à pouvoir continuer à exercer sa fonction. Au demeurant, les deux actes de nomination de Barthélémy DIAS ne rentrent dans aucune des catégories susmentionnées.

2 grands principes fondent la décentralisation : le principe d’autonomie et le principe de libre administration. Le principe d’autonomie est composé de 3 branches : l’autonomie juridique, l’autonomie organique, et l’autonomie fonctionnelle qui implique une liberté d’organisation. L’article 102 de la Constitution pose le principe de la libre administration des collectivités territoriales et dispose « que celles-ci s’administrent librement par des assemblées élues au suffrage universel direc». Aux termes de l’article 171 de la loi du 28 décembre 2013 portant CGCT, le Maire est chargé, sous le contrôle du conseil, « de nommer aux emplois de la Ville ». En tant que Chef de l’administration communale, le Maire dispose du pouvoir de nomination et décide de l'organisation des services. Le pouvoir de nomination du maire tire sa substance et son fondement dans le principe majeur de la libre administration (un principe constitutionnel). En France, le Conseil Constitutionnel dans sa décision n°83-168 en date du 20 janvier 1984, a censuré des dispositions de la loi relative à la fonction publique territoriale qui « privaient les collectivités du droit de procéder librement à la nomination de leurs agents », considérant précisément que la liberté de décision et de gestion des collectivités en matière de personnel était inhérente à la libre administration.

Des partisans du régime qui ignorent tout des textes et des principes de la décentralisation, s’épanchent dans les médias, et brandissent comme un trophée, le décret n°2020-30, fixant les organigrammes types des collectivités territoriales, auquel il attribue un pouvoir exorbitant qu’il n’a point. Etonnamment, le juriste-tailleur Madior Fall, pourtant au fait des textes, leur emboite le pas. Il convient de leur rappeler un principe élémentaire : la hiérarchie des normes.

·         Primo, la Constitution, en son article 102 consacre le principe de la libre administration des collectivités locales qui implique une liberté d’action vis-à-vis de l’état (le droit de regard sur les actes qu'elles produisent et leur conformité à la loi n’est pas synonyme de tutelle),

 

·         Secundo, la loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 portant Code général des Collectivités locales reconnaît un pouvoir réglementaire aux collectivités territoriales, qui s’exerce sous le contrôle du juge administratif. Lorsque le représentant de l’état (Préfet) estime qu’un acte pris par le Maire est entaché d’illégalité, il peut déférer à la chambre administrative de la cour suprême les actes mentionnés aux articles 243 et 244 du Code des Collectivités locales, dans les 2 mois suivant leur transmission (les décisions individuelles relatives à la nomination, à l’avancement de grade ou d’échelon d’agents des collectivités locales relèvent de l’article 243 du CGCT).

La loi ayant expressément prévu une saisine de la chambre administrative de la cour suprême par le Préfet, dans le cas où un acte de nomination du maire est entaché d’illégalité ; la déclaration de Macky Sall évoquant une révocation est sans objet, et dénuée de tout intérêt. Les nominations de Guy Marius Sagna, et Oumar Touré, n’ont rien d’exceptionnel. A supposer que ces deux actes de nomination de Barthélemy DIAS soient frappés du sceau d’illégalité (ce qui reste à prouver), la voie tracée par la loi est celle du déféré préfectoral et non une révocation insensée, ridicule et ubuesque. Seule la Cour suprême est en mesure l’annulation s’il y a lieu. Le contrôle de légalité porte sur la légalité des actes, et non sur leur opportunité. Il n’appartient pas à Macky Sall de s’immiscer dans le fonctionnement interne des collectivités locales au point de dresser leur organigramme-type. Il s’agit d’une dérive extrêmement grave et d’une violation des dispositions de l’article 102 de la Constitution et de l’esprit et de la lettre de la loi de décentralisation. Le fameux décret n°2020-30, fixant les organigrammes-types des collectivités locales, agité comme une bouée de sauvetage par les partisans du régime, ne peut en aucun cas empiéter sur le pouvoir de nomination des maires, encadré par la loi. Parce qu’il agit au nom de l’intérêt général, le Maire peut recruter des conseillers pour répondre à un besoin sur la base d’une fiche de poste (qu’un organigramme l’ait prévu ou pas).

Macky Sall doit cesser de prendre des vessies pour des lanternes. La mise en œuvre d’une procédure disciplinaire à l’encontre du maire ne relève pas du bon vouloir du prince Sall, un piètre parvenu, qui confond la République du Sénégal à sa propriété personnelle. La révocation d’un maire est une affaire sérieuse qui est soit, liée à la commission d’actes graves, ou soit, à des manquements graves, qui entachent son autorité morale. On a envie de rire sous cape, quand on entend Macky Sall demander aux maires, le respect de la loi. Disons-le clairement, le premier délinquant au Sénégal, c’est Macky Sall. L’article 37 de la Constitution dispose que « Le Président de la République nouvellement élu fait une déclaration écrite de patrimoine déposée au Conseil constitutionnel qui la rend publique ». 

3 ans après les présidentielles de 2019, Macky Sall n’a toujours, pas satisfait à cette exigence constitutionnelle, violant son serment « d’observer comme de faire observer scrupuleusement les dispositions de la Constitution » ; ce qui, dans un Etat de droit, l’aurait exposé à une procédure de destitution. En matière de respect de la loi, qu’ils se taisent donc à jamais !

Seybani SOUGOU – E-mail : [email protected]


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