Crise politique en cours: Le Commissaire Boubacar Sadio s'adresse à ses frères d'arme

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Crise politique en cours: Le Commissaire Boubacar Sadio s'adresse à ses frères d'arme

A TOUS LES MILITAIRES ET PARAMILITAIRES.

« L’armée doit, en toutes circonstances, avoir une attitude républicaine. Elle doit et a l’obligation de toujours se mettre du bon côté, celui du peuple. Un ordre illégal ne doit pas être exécuté. »

                                                                                       (Macky SALL)

Chers frères, nous sommes à quelques encablures de la date du 04 avril 2024 ; et si ce n’était la covid-19 qui a fini d’imposer sa dictature à travers la planète, peut-être que serions-nous en train de préparer la commémoration du soixantième anniversaire de notre accession à la souveraineté internationale avec l’organisation d’un grand défilé au boulevard du Centenaire comme à l’accoutumée pour offrir aux populations une parade de haute facture. En effet, ce jour-là, la tête haute, le regard fixe, le torse bombé, les armes bien tenues, les balancements de bras harmonisés, à pas cadencés, dans des colonnes droites et en rangs serrés et rectilignes, dans des uniformes d’apparat pour la circonstance et la solennité du moment, vous auriez, certainement, arpenté le boulevard du Centenaire, en martelant de vos pas fermes et vigoureux l’asphalte qui subirait la lourde charge du passage de vos différentes troupes.

Chers officiers généraux, officiers supérieurs, officiers subalternes ; sous-officiers et hommes du rang, la nation tout entière dans son unité, sa pluralité et sa diversité vous est totalement reconnaissante de l’extraordinaire travail que vous accomplissez tant sur le plan national qu’au niveau international dans le cadre de vos opérations extérieures ou vous vous montrez comme de dignes et honorables ambassadeurs de notre pays. A l’interne et quotidiennement, vous n’avez de cesse de traduire en actes concret le concept d’« Armée-Nation » qui occupe une place de choix parmi vos références paradigmatiques.

Chers gendarmes, tous grades confondus, vous avez toujours et constamment conforté, confirmé et porté au firmament votre réputation non usurpée et avérée d’institution d’élite. Votre double fonctionnalité vous a permis de vous illustrer avec efficacité et brio non seulement dans les opérations relevant de la défense nationale mais aussi dans les missions de sécurité publique, notamment la protection des personnes et des biens. Vos performances sont constatées, avérées et appréciées dans les missions onusiennes ou la qualité du service que vous offrez font honneur à tous les membres des forces de défense et de sécurité.

Chers Contrôleurs généraux, officiers, sous-officiers et agents de police, je vous adresse mes très vives et chaleureuses félicitations pour le très bob travail que vous effectuez quotidiennement et pour les énormes sacrifices de tous ordres consentis dans vos multiples et difficiles missions dont celle d’assurer la protection des personnes et des biens, la lutte contre la grande criminalité, le trafic de drogues,  le terrorisme etc…

Chers frères, je profite de la présente occasion pour avoir une pensée pieuse et saluer la mémoire de tous les militaires et paramilitaires tombés en service commandé et exprimer toute ma compassion et mon soutien aux blessés, quelquefois handicapés à jamais, qui méritent la reconnaissance de la nation et qui doivent bénéficier d’un traitement humanitaire honorable. Donner et verser son sang pour la nation est un acte héroïque d’une noblesse sans commune mesure avec les prévarications, les vols et les malversations commises par nos élites dont certains, par la volonté du chef, bénéficient toujours de promotions.

Chers frères, vous en êtes non seulement des témoins privilégiés mais aussi et surtout des acteurs de premier rang ; en effet, notre pays vit présentement des moments troubles et sombres de son histoire avec une flambée de violences qui, ces jours-ci, s’est emparée de l’ensemble du territoire national. Je voudrais, ce n’est qu’un souhait, que vous en ayez une lecture très profonde et non une interprétation superficielle ; ce n’est pas le peuple qui est sorti, c’est la jeunesse, sans espoir, sans avenir, à l’horizon bouché et très longtemps abusée qui s’est emparée de la rue et a envahi l’espace public pour exprimer son désarroi, sa déception devant des dirigeant, arrogants, cupides, avides et qui ont érigé le « NDIOUTH-NDIATH » en principe paradigmatique de gouvernance publique. Il y a à déplorer objectivement la manière dont ce cri de colère incompressible s’est traduit avec des actes de banditisme, de violences et de vandalisme observés partout sur l’ensemble du territoire national. Il faut oser le dire avec courage et honnêteté, ces actes condamnables, à plus d’un titre, ne peuvent pas être justifiés, mais sont tout à fait explicables, à la limite, compréhensibles. Ce qui s’est passé résulte d’une conjonction de causes sous-jacentes qu’il faut se donner la peine de décrypter.

Chers frères, vous voilà, aujourd’hui, répondant à l’appel du devoir, mis en situation, c’est à dire totalement impliqués parce que sollicités et réquisitionnés par l’autorité politique. Vous êtes dans un carcan statutaire qui vous astreint à une discipline rigoureuse qui vous contraint à toujours obéir à la hiérarchie. Seulement, il est dit aussi que vous êtes dotés de bob sens et d’intelligence et que personne ne peut ni ne doit vous obliger à agir en marge de la loi. On ne doit pas, sous peine d’engager sa responsabilité personnelle, obéir à un ordre manifestement illégal ; c’est pourquoi, j’ai très bun espoir que vous refuserez de tirer à bout portant, avec intention de tuer, sur des concitoyens désarmés qui manifesteront pacifiquement contre toute violation de notre constitution. Toute personne qui viole notre constitution est à loger à la même enseigne qu’un délinquant. Vous, militaires et paramilitaires, avez pour devoir institutionnel, pour impératif républicain et pour obligation morale de respecter la constitution et de la faire respecter par tout citoyen, fut-il Président de la République ; et, c’est pourquoi le spectre du coup d’Etat n’a jamais été un sujet de préoccupation. Vous êtes et resterez des républicains dans l’âme, dans l’esprit et dans la chair. Toutefois, il faudrait éviter de procéder à des coups d’Etat constitutionnels, un coup d’Etat peut en provoquer un autre.

Chers frères, j’aimerais soumettre à votre appréciation un passage du discours prononcé le 22novembre 2020 par le Général Mark Miller, en service au Pentagone qui disait en anglais :

               « Nous ne prêtons pas un serment d’allégeance à un roi ni à une reine ;

               « Nous ne prêtons pas un serment à un tyran ni à un dictateur ;

               « Nous ne prêtons pas un serment d’allégeance à un pays, ni à une religion, ni à un clan ;

               « Non, nous ne prêtons un serment d’allégeance à un individu ;

               « Nous prêtons un serment d’allégeance à la Constitution. »

 Chers frères, convenez avec moi que ces propos sont empreints de sagesse, de dignité, d’une extraordinaire valeur pédagogique et d’un sens des responsabilités indéniable. On y perçoit le ton grave voire martial d’un militaire imbu de principes républicains et ayant pour souci, non point d’être au service d’une personne, fut-il Président de la République, mis à celui de la nation et de l’intérêt général en se donnant comme boussole sa conscience ainsi que le respect strict et sans concession de la Constitution. Au Général d’ajouter « Nous avons un dévouement indéfectible pour la Constitution ». Et de conclure « Ce document fixe le but de notre mission » Aussi, vous exhorterai-je à toujours et constamment garder en mémoire ces sages propos de ce Général américain qui, j’en suis sûr et certain, n’est ni plus républicain ni plus patriote que vous.

Chers frères, n’oubliez jamais et ayez toujours à l’esprit que vous êtes enfants de ce pays, tous issus du peuple largement composé de gens pauvres et appauvris qui éprouvent toutes les peines du monde à assurer régulièrement la pitance quotidienne. Vous êtes enfants de la vendeuse de cacahuètes, de légumes et poissons assise au détour d’une rue, sur un banc de fortune. Vous êtes enfants du maçon, tous les jours, haut perché sur un échafaudage de fortune, sans protection. Vous êtes enfants de ce charretier, obligé malgré lui de torturer un pauvre cheval toujours haletant, de ce docker qui soulève des charges au-dessus de ses capacités physiques, du menuisier assis yeux  hagards et le regard lointain, parce que resté des mois sans commande, du retraité désemparé devant une impécuniosité chronique et de l’enseignant, ce brave dispensateur du savoir dont on dit qu’il est un outil de l’émancipation collective.

Chers frères, comme je l’ai dit, supra, vous êtes astreints à la plus rigoureuse discipline qui vous oblige à obéir aux ordres de vos supérieurs à la seule condition qu’ils ne soient pas manifestement illégaux. Il est bien évident que vous ferez face au peuple les jours, les semaines, les mois et les années à venir et ce, tout simplement, parce que les citoyens manifesteront pour réclamer leurs droits inaliénables mais surtout pour défendre et protéger la constitution que personne ne doit violer sous aucun prétexte. Dès à présent nous vous reconnaissons le devoir et l’obligation de vous acquitter de vos missions régaliennes de maintien de l’ordre dont l’enjeux est de pouvoir conserver l’ordre établi avec des moyens modérés de coercition afin d’éviter l’usage de la violence qu’induit le rétablissement de l’ordre. Les principes du maintien de l’ordre sont au nombre de trois :

-         Prévenir les troubles pour ne pas avoir à les réprimer ;

-         Assurer l’équilibre entre l’ordre nécessaire et le désordre acceptable

-         Intervenir face à des citoyens considérés comme des adversaires d’un moment et non comme des ennemis de toujours

Chers frères, vous pouvez arrêter la progression d’une marche, disperser un rassemblement, procéder à des interpellations, à des arrestations ; mais de grâce, ne faites pas usage de violences gratuites et inutiles, n’injuriez pas, ne piétinez pas des manifestants sans défense dans les véhicules, ne bastonnez pas, ne brutalisez pas, ne matez pas et surtout évitez qu’il y ait mort d’homme au cours de vos interventions. J’ai toujours demandé aux forces de défense et de sécurité de servir la Nation jusqu’au sacrifice suprême, de servir la République avec le plus grand dévouement, de servir l’Etat avec loyauté mais de toujours servir un régime avec discernement et intelligence. Dans l’affaire SONKO, pour votre gouverne, je puis vous assurer qu’il n’y a ni viol, ni appel à l’insurrection, ni troubles à l’ordre public, ni participation à une manifestation interdite ; et c’est facile à démontrer. Ce sont des accusations fallacieuses et fantaisistes avec une réelle volonté, empreinte de lâcheté, de vouloir écarter un potentiel et dangereux candidat de l’élection présidentielle de 2024. Le lâche, le faible et le couard partagent la peur du combat frontal, c’est pourquoi ils usent de stratagèmes, d’expédients et de « ndiouth-ndiath ». Tout ceci résulte d’une volonté manifeste et obsessionnelle de vouloir solliciter un troisième mandat au mépris de notre Constitution en vigueur qui dispose de manière claire, nette et précise que « Nul ne peut faire plus de deux mandats consécutifs ». Cers frères, la présence de nervis aux côtés des forces de sécurité m’a beaucoup scandalisé, j’en ai éprouvé une honte incommensurable. En opérant accompagnées de nervis, les forces de sécurité ont étalé leurs limites ; elles donnaient la fâcheuse et désagréable impression d’avoir sous-traité leurs missions régaliennes de maintien et de rétablissement de l’ordre avec une horde de malfrats à la solde de politiciens prêts à tout pour conserver le pouvoir.

 Aucune force publique, aussi puissamment et lourdement armée soit-elle, ne peut résister à la furie d’un peuple déterminée et désireuse de se libérer de la tyrannie et de retrouver sa dignité longtemps bafouée par des parvenus sans morale ni éthique, sans loi ni foi.

     LE POUVOIR AU PEUPLE, LES SERVITUDES AUX DIRIGEANTS.

                                      

TERMINUS 2024.

Dakar le 07 mars 2021                                 

  Boubacar   SADIO

Commissaire divisionnaire de classe exceptionnelle à la retraite.

 

 

 

                                                               


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