DE L’HERITAGE SOCIO-POLITIQUE DE WADE :

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DE L’HERITAGE SOCIO-POLITIQUE DE WADE :

 

               DE L’HERITAGE SOCIO-POLITIQUE DE WADE :

            Un peuple piégé par une classe politique ignorante et vicieuse

 Par Amidou Diop

« Ne pas croire aux sottises des sages ; quelle atteinte aux droits de l’homme ! » NIETZSCHE  

 

Comment sommes-nous arrivés à cette situation ? Qu’est-ce qui s’est passé ? Sommes-nous des possédés ? Sommes-nous dépossédés de ce qui nous définit comme un peuple mur et libre ? Partout où nous regardons, ça pue ! Pourquoi un tel désastre socio-politico-économique ? Subissons-nous une punition divine ? Sommes-nous rattrapés par nos errements et notre hypocrisie politico-sociale ? De quelle maladie souffrons-nous ? Pourquoi tant de souffrances ? Pourquoi autant de trahisons, de déceptions, de mensonges, de démagogie, de bassesses, d’immondices ? Pourquoi tant d’enfantillages ? Pourquoi nos élus sont plus enfants que nos enfants ? Que se passe-t-il dans cette République ? Sommes-nous maudits ? Frères, qu’est-ce qui ne va pas chez nous ?

 

La jeunesse est piégée par sa propre indiscipline et l’irresponsabilité des adultes. Les couches socio-professionnelles sont toutes étouffées. Les nationaux ont du mal à avoir droit de cité dans les structures les plus élevées de l’infrastructure socio-économiques. Ils sont étrangers chez eux. Je ne comprends rien dans cette République où si tu n’es pas un homme religieux, un homme qui fréquente la politique, un étranger de peau blanche, une conscience corrompue, une âme vendue, la souffrance est ton ombre. Je ne comprends rien dans ce pays dont on célèbre les ressources humaines.  Le sénégalais n’est pas mauvais. Le sénégalais n’est pas idiot. Seulement, les gens sont à bout. Ils sont fatigués de voir des incapables affamés s’en sortir justement parce qu’ils fréquentent la politique. Impunité sur impunité ! Scandales sur scandales ! Tout ressemble à un film-fiction. Sous notre soleil, la politique est une entreprise d’enrichissement des incapables et ratés du système. Même les étrangers le comprennent. Entre banditisme et vampirisme politiques : voilà le trou dans lequel la République est tombée. Saint Augustin voit en l’Etat une « troupe de brigands ». La lecture augustinienne nous présente l’Etat comme un groupe de voyous et de voleurs.  L’artisan de cette chute, de cette décadence, c’est Wade. Ce que nous vivons aujourd’hui est bien entendu son héritage. Je l’accuse de tout ce qui nous arrive depuis la chute des socialistes.

 

Nous sommes dans l’ère de la décadence. Ablaye Wade a plongé le Sénégal dans un état de décrépitude ontologique et axiologique sans précédent. Comment peut-on gérer les affaires de la Cité si on a des problèmes avec le vertueux, le juste, le légal, le légitime ? Comment gérer un peuple si on n’a pas pitié de lui ? Mais, le principal problème n’était pas Abdoulaye Wade. Il faut que le peule identifie bien ses vrais ennemis qui sont ces derniers nés. Ceux-là qui étaient derrière lui sont les vrais dangers de la Nation sénégalaise. Ne sont-ils pas, aujourd’hui, en partie, à la commande ?

Wade était en train de lutter, non contre l’opposition, mais bien entendu contre le peuple qui, rappelons-le-lui, lui avait confié l’exercice de la Souveraineté. Que les politiques cessent de croire que l’autorité leur appartient, que la souveraineté leur revient. Seul le peuple est souverain. Rousseau nous en avertit déjà dans le Du contrat social : « Un peuple qui perd sa souveraineté perd sa qualité de peuple. » Wade et les siens travaillaient à nous faire perdre notre dignité, notre Souveraineté, ce que nous avons de plus sacré, notre liberté. Je me rappelle son fameux quart bloquant. Quel irrespect ! Quel manque de considération ! Quelle suffisance !

Nous étions à la veille des élections. Il ne s’agissait pas de changer pour changer. Le peuple ne devait pas répéter l’erreur de 2000. Tout le monde sait que les dissidents socialistes avaient, clairement, participé à l’élection de Wade en 2000. Abdou Diouf devait partir ; il fallait juste trouver quelqu’un. Voilà, avec ce quelqu’un du nom de Wade, la conséquence socio-économico-politique désastreuse dans laquelle est tombée la République. Cette effervescence socio-politique et ce désarroi socio-économique sans précédent au Sénégal portent bien, clairement, la signature des politiques de grande gueule. Ce manque de caractère au sommet de l’Etat, ces scandales partagés entre autorités et citoyens, ces enfantillages, ces bavures quotidiennes prennent leurs origines chez Wade. Le Sénégal d’aujourd’hui est ce que Wade nous a légué. Nous vivons l’héritage de Wade. Il ne faut pas être nihiliste pour dire qu’il n’a rien fait. Il a bel et bien construit quelque chose. Son intelligence, son courage, sa générosité, sa mégalomanie imposaient le respect. Fin tacticien, grand stratège, un machiavélien renversé, un narcissique affiché, voilà certaines des couleurs de ce génie de la politique qui, malheureusement, n’a pas su laisser derrière lui un leg reluisant l’honorant. Un grand-père est forcé de partir. Voilà qu’il abandonne le pays à ses petits-fils, excusez-moi, ses fils petits.

 

Beaucoup de ses réalisations sont un programme destiné à accrocher son nom à côté de ceux des Senghor, Lamine Gueye, Mamadou Dia ou ces gens dont le nom sera retenu par le Sénégal du fait de leur participation à la construction de la Cité sénégalaise. Il est de la trempe de ceux qui veulent s’éterniser, défier le temps. Il est à jamais inscrit dans la mémoire politique de cette Nation. Seulement, pour avoir préparé des incapables et des vicieux, il semble avoir tout piétiné à sa sortie. Il ne nous a pas laissés dans de bonnes mains. Et ça, je ne saurais le lui pardonner.

Mon plus grand malaise, c’était de constater, de voir des jeunes qui, devant être l’énergie vitale du pays, le défendaient encore. Le défendre, c’était trahir le Sénégal. Le défendre, aujourd’hui, c’est insulter la mémoire de Mamadou Diop et de tous ceux qui étaient morts de la boulimie wadiste du pouvoir. Plaider sa cause qui n’en était plus une, c’était un crime contre la dignité du citoyen. Le peuple devait faire comprendre qu’il contestait Wade et sa politique ; mais, ce n’était pas pour changer un homme et une équipe. Le peuple ne doit pas être l’instrument de ces menteurs dont parle Nietzsche. Il lutte, sans cesse, pour sa Souveraineté, pour sa liberté, pour ce pourquoi il est ce qu’il est en tant que peuple.

Non à l’irresponsabilité ! Non à l’injustice ! Non à la démagogie ! Non à l’imbécilités au sommet de l’Etat ! Non au cynisme politico-politicien ! Non aux détournements ! Non à la corruption et à la concussion ! Non à la prostitution juridico-politique ! Non à la prostitution politico-religieuse ! Non au manque de caractère de l’autorité. Nous voulons, simplement, dire : non au mal !

 

Soyons conséquents et acceptons ce qui s’est passé : le pays allait mal. Acceptons-le : le pays va mal. Et seulement, s’il lui était possible de crier, nous tomberions tous en transe. Je crois que je sens souvent ses gémissements, je sens le feu, la honte, la nausée, la trahison qui déchirent ses entrailles. Nous ne sommes pas mauvais. Seulement, nous souffrons ! Nous sommes fatigués de cette classe politique ignorante et vicieuse née au royaume de Wade et allaitée au lait sopiste.

Il convenait de faire partir Abdoulaye Wade ; mais, le principal était de choisir un homme intègre, avec une forte dose de justice, de vertu, de pitié, de caractère et qui soit bien informé des devoirs du politique à qui le peuple confie son destin. Certes, nous étions dans le chaos, l’effervescence ; en revanche, nous devions garder notre sérénité, notre esprit pour, au-delà de cette turbulence, faire le bon choix. Nous avions déjà commis, en 2000, une erreur que nous étions en train de payer en 2012. Nous ne devions pas répéter le même égarement.

Voter pour quelqu’un parce que nous le connaissons, ou nous habitons ensemble, ou il est de notre localité ou encore il règle nos problèmes personnels, n’appartient pas au citoyen répondant dignement de ce nom. Décence et intelligence doivent présider à nos choix politiques. Il faut développer un opportunisme collectif et déconstruire l’égoïsme béant. Il faut rappeler que ce qui appartient à tous n’appartient à personne. C’est dans l’unité que nous nous réalisons. Evitons ces politiques hypocrites et faux qui nous divisent, nous le peuple, pour bien nous tenir en otage.

Wade était un corrupteur des consciences, un acheteur d’âme. Il a dépravé la conscience éthico-morale sénégalaise ; il avait installé le culte du gain facile, la tricherie. Cette forme honteuse de faire de la politique est née de ses allures. J’ai un sentiment de détresse, de malaise, d’angoisse, bref d’inquiétude profond (ce sentiment) quand je vois un sénégalais faire l’apologie de Wade hier comme aujourd’hui. Tout le monde sait que nous sommes dans une profonde souffrance. Nous vivons un déchirement inédit dans notre République. Nous sommes à jamais la République à scandales. La prostitution et le vol doivent être redéfinis dans ce pays. Nous vivons étouffés. Nous vivons en respirant le délicat air de l’angoisse. Nous sommes affectés au plus profond de notre être-société. Là, mes frères, cette classe politique ignorante et vicieuse nous suce le sang. D’où vient cette situation ? Je vous le dis : c’est l’héritage que nous a légué Wade. Une lecture généalogique situe les origines de ce vampirisme politique chez Wade. Il est la source d’où part cette classe politique pathétique, vide du sens de l’histoire, de la République, de la mesure, de la retenue, de la justice, de la gratitude. N’avait-il pas promis aux socialistes de les tenir hors du pouvoir pendant quarante ans ? Voilà ce qui remet en cause nos choix politiques.

Quel magistrat, quel guide religieux sont sortis indemnes des démagogies wado-wadistes ? On est le plus idiot quand on croit être le plus intelligent. Il faut apprendre à faire la différence entre intelligence et malice. C’est la malice, et non l’intelligence, qui préside à son œuvre. Le Sénégal des véritables sénégalais, non le Sénégal de ceux qui ont déjà obtenu des logis à l’étranger, non de ceux qui soutenaient que le pays allait bien, avait fini de prendre conscience et, partant, connaissance que Wade ne l’aimait plus ou avait cessé de l’aimer.

Cette classe politique - je crois que tout le monde peut le remarquer : nous n’avons pas des hommes politiques ; nous avons des hommes qui fréquentent la politique -doit comprendre que le pays n’est pas une trésorerie pour elle et son méphistophélique ombre d’où sortaient d’ingrats fils renégats osant, après insultes aux valeurs et principes fondateurs de la Nation, brandir leur pseudo carte nationale d’identité dans une sarcastique et puérile intention de prolonger la trahison dont ils étaient les acteurs, on ne peut plus, fonciers.

Ainsi, le principal défi que doit, absolument, relever, avant tout, par le prochain Président de la République est celui-là même dit du « défi axiologique ». Il devra réconcilier le sénégalais avec les valeurs qui sont siennes. Le politique, le magistrat, l’administrateur, le guide (enseignant, religieux ainsi que tout ce qui tombe sous leur compréhension) devront recevoir, en premier lieu, la cure.

Le manque de caractère et l’inefficacité dans la gestion actuelle des affaires de la Cité ont masqué les dérives de Wade. Avoir été président ne lui garantit pas de facto des honneurs. C’est son rapport avec la démocratie qui a terni son image. C’est son héritage qui lui confisque cette gratitude et ces honneurs qu’on lui doit. Regardez-le : son âge, son parcours, sa trajectoire politico-intellectuelle ne lui ont pas valu le moindre titre dans la communauté internationale après sa gestion. Sa boulimie du pouvoir lui avait confisqué le sens de la réalité. Quiconque place sa famille au-dessus de la Nation est coupable de haute trahison. Diriger un peuple, c’est s’offrir à lui et ne point l’exploiter. L’Etat est au service du peuple et non le peuple au service de l’Etat. L’Etat est né sous le mode d’une solution. S’il devient un problème, alors il est dénaturé. Voilà ce qui exige de profondes réformes. Notre pays a besoin de sérieuses et profondes réformes, une véritable refondation. Notre problème, c’est la classe politique. C’est elle qui fait naître et entretient la galère nationale, ce cancer qui ronge les coeurs et les consciences. Nés pauvres, grandi dans la pauvreté, allaités à la pauvreté, ils deviennent, on ne peut plus magiquement, riches. Il faut le dire, la classe politique constitue les mamelles de nos souffrances. Pour cela, j’accuse Wade. Il est le cerveau de ces bas esprits, de ces consciences complexées excellant dans l’orgueil, l’arrogance, la vanité, la démagogie. Cette race d’hommes qui fréquentent la politique nous fait vivre la peste autrement. J’ai l’impression que nous expérimentons, avec elle, le vampirisme politique.

L’ultime finalité de la politique doit rester la réalisation et l’épanouissement de chacun et de tous. Nos dirigeants politiques m’apparaissent comme des « mauvais maris ». Pour diriger un peuple, il faut s’armer de sagesse, de piété, de patience, de générosité, de grandeur, de classe, de caractère. Il faut aimer son peuple et éprouver de la pitié pour lui. Voilà pourquoi les dirigeants politiques ont la posture des « mauvais maris ».

Un homme mauvais court après une femme pendant longtemps. Il investit de son temps, de son argent. Il fait les yeux doux. Sous le mode hypocrite, il affiche la tenue d’un homme fidèle, compréhensif, généreux, aimable, chaleureux. Il jure devant Dieu et devant les hommes qu’il va rendre heureuse la femme si elle accepte de l’épouser. Insouciante, sincère, sans arrière-pensée, naïve, pleine d’espoir, remplie de rêves, elle accepte d’épouser cet homme. Le mariage est célébré puis consommé. Voilà que jaillit la vraie image de cet homme tant mauvais qu’hypocrite. L’image de cet homme-mauvais-mari est celle des dirigeants politiques que nous connaissons aujourd’hui, descendants de Wade. Ils font la cour au peuple pendant des semaines de propagandes. Ils font les plus belles déclarations d’amour à travers les programmes qu’ils proposent comme solutions aux problèmes du peuple. Ils jurent, le jour de leur intronisation, devant Dieu, devant les hommes et devant l’histoire, qu’ils s’offrent au peuple et s’engagent à honorer et à rendre heureux ce peuple. Juste à la fin de cette comédie non comique, ces dirigeants politiques que je nomme « les mauvais maris » affichent leur vraie nature narcissique, hypocrite, maniaco-kleptomane.

Les femmes des « mauvais maris » vivent avec une angoisse incommensurable. Les peuples des mauvais dirigeants vivent sous les gifles de la faim, de la soif, des maladies, de l’insécurité, des grèves, des contestations, des détournements, des scandales, des emprisonnements abusifs : c’est le parfum de l’angoisse, de la tristesse, de l’amertume qui empeste leurs poumons, leur conscience ainsi que leur cœur.

A ces hommes qui fréquentent la politique, je dis : Hô, ignorants hommes politiques ! Apprenez à respecter vos peuples, à respecter tout simplement l’humain. Apprenez à honorer vos promesses ! Je vous le dis : il faut apprendre ce qu’est la politique avant de s’y glisser. Faire de la politique n’est pas savoir gueuler. Faire de la politique n’est pas savoir opérer dans le champ de la traitrise, du mensonge, de la tricherie, détournement. Je vous le réitère : la politique est noble. Il appartient aux âmes et aux cœurs nobles de l’exercer.

Au nom de l’humanité, faisons ce que nous devons faire. Au nom de la dignité, reconnaissons nos erreurs et apprenons à nous corriger. Au nom de la grandeur, luttons contre l’orgueil, la vanité et l’hypocrisie. Je vous en supplie : reconnaissons nos manquements et engageons-nous dans la voie de la perfection. Nous devons nous réconcilier avec nous-mêmes et réapprendre à nous humaniser. Nous devons nous rééduquer. Il y va de notre salut.

« Regardez-moi donc ces superflus ! Ils gagnent des richesses et, avec elles, deviennent plus pauvres. C’est puissance qu’ils veulent et tout d’abord de la puissance le levier, beaucoup d’argent, ces impuissants ! Regardez les grimper, ces singes prestes. Afin de se dépasser ils grimpent les uns sur les autres et se jettent ainsi dans la vase et le fond. Où cesse l’Etat, là commence l’homme qui point n’est superflu, là seulement commence le chant du nécessaire, l’unique, l’irremplaçable mélodie. » NIETZSCHE, APZ.

 

Amidou Diop

Professeur de philosophie 


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