Décision du Conseil Constitutionnel 3/E/98 : la candidature de SONKO à la présidentielle de 2024 est recevable (même en l’absence de fiches de parrainage et d’attestation délivrée par la CDC)

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Décision du Conseil Constitutionnel 3/E/98 : la candidature de SONKO à la présidentielle de 2024 est recevable (même en l’absence de fiches de parrainage et d’attestation délivrée par la CDC)

 

Dans un Etat de droit, la compétition électorale doit être loyale, libre, ouverte, transparente, sincère et démocratique. Sous ce rapport, les multiples obstacles (entraves) totalement infondés et dressés par l’administration sénégalaise (bras armé du pouvoir) pour barrer la route à Ousmane SONKO, dans sa volonté de briguer la magistrature suprême ne sauraient en aucun cas, constituer un frein du point de vue juridique pour la régularité et la recevabilité de sa candidature à l’élection présidentielle de 2024.

 

En la matière, une jurisprudence du Conseil Constitutionnel en date du 15 avril 1998 (cf Décision n°/E/3/98) tranche le débat. Les motivations de ladite décision sont clairs, nets et précis :  lorsqu’en matière électorale, une défaillance est clairement et formellement établie (prouvée), du fait des agissements de l’administration mettant ouvertement en péril la liberté de candidature (risque d’irrecevabilité du fait de l’administration), le dossier de candidature est recevable.

 

Autrement dit, la défaillance de l’administration (entrave au retrait ou au dépôt) n’a aucun impact sur la recevabilité d’une candidature ou d’une liste de candidatures.

 

Dans sa décision n°3-E-1998 du 15 avril 1998, dite jurisprudence « INSA SANKHARE », le Conseil Constitutionnel, saisi d’une requête de M. INSA SANKHARE, mandataire de la liste Rassemblement pour le Progrès, la Justice et le socialisme a déclaré « recevable » la liste du RPJS, au motif que le dépôt du cautionnement lui a été refusé alors même qu’il a fait preuve de diligence en se présentant avant l’heure limite pour donner le montant du cautionnement qui s’élevait à 3 millions de francs CFA.

Le Considérant n°8 est imparable en ce sens que le Conseil Constitutionnel conclut sa motivation en ces termes : « nonobstant l’absence de récépissé du trésorier général il y a lieu de constater que la preuve est établie que le cautionnement était disponible et a été présenté au ministère de l’intérieur avant l’heure légale de clôture ». Autrement dit, en termes clairs, l’absence de fiche de parrainage (résultant d’un refus de délivrance par la DGE) ou de quitus remis par la CDC ne sauraient constituer un obstacle juridique pour la recevabilité du dossier de candidature de SONKO dès lors que son mandataire AYIB DAFFE est en mesure de prouver qu’il a fait preuve de diligence, en se rendant à la fois à la CDC (caisse des dépôts et consignations) pour le dépôt de la caution (un récépissé lui a été remis) et à la DGE pour retirer les fiches de parrainage.

Cette jurisprudence est confortée par une décision du Conseil Constitutionnel en date du 21 mai 2022(cf décision n°8/E/2022). Dans le Considérant n°10 le Conseil Constitutionnel a clairement admis que lorsque le mandataire de la coalition Yewwi Askan WI, en l’occurrence M. DETHIE FALL s’est présenté dans les locaux de la DGE (Direction Générale des Elections), devant la commission de réception des candidatures, le 11 mai 2022, pour procéder au retrait et au remplacement de deux membres démissionnaires de la coalition, comme la loi électorale de 2021 l’y autorise, l’administration n’a pas su démontrer qu’une telle opération constituait un obstacle à l’accomplissement de ses prérogatives. En refusant au mandataire de Yewwi Askan WI de procéder au remplacement de 2 membres de sa coalition, la DGE a commis un acte illégal, outrepassé ses prérogatives, et entravé de manière délibérée une déclaration complémentaire.

 

Lorsque des entraves sont dressées par l’administration, alors qu’aucune disposition légale ou règlementaire ne l’y autorise, le Conseil Constitutionnel, suivant une jurisprudence constante admet la recevabilité du « dossier de candidature », en pointant la défaillance de l’administration (manœuvres dilatoires)

 

Candidature de SONKO à la présidentielle de 2024 : la défaillance de l’administration est établie et ne fait l’ombre d’un doute

 

Dans le cas d’espèce, s’agissant d’Ousmane SONKO, Il n'est pas contesté que son mandataire s'est présenté à plusieurs reprises à la DGE (Direction Générale des élections), accompagné d’un huissier pour procéder au retrait des fiches de parrainage, et qu’à chaque fois, un refus lui a été fermement opposé,

 

Que par communiqué rendu public en date du 20 octobre 2023, la DGE a tenté maladroitement de motiver ses agissements illégaux par une prétendue attente d’une décision définitive de la Cour suprême, relative à la mesure de radiation de SONKO des listes électorales,

 

Que le refus de délivrance des fiches de parrainage par la DGE n’est pas justifié au regard de l’article L.47 de la Loi n°2021?35 du 23 juillet 2021 portant Code électoral dont le dernier alinéa dispose que les décisions de justice rendues et transmises à l’autorité compétente ou au service de gestion du fichier électoral, seront immédiatement prises en compte et traitées dans le sens prescrit, nonobstant la clôture de la période de révision et du traitement des mouvements,

 

Que l’interprétation du dernier alinéa de l’article L.47 précité, selon laquelle les décisions de justice seront immédiatement prises en compte et traitées ne laisse place à aucun doute, sur le fait que la décision de justice est immédiatement exécutoire,

 

Qu’il appartient à la DGE (une autorité administrative) d’appliquer les décisions de justice, et non de les interpréter, encore moins de les commenter,

 

Qu’il n’est pas contesté que l’ordonnance rendue par le Tribunal d’instance hors classe de Dakar en date du 14/12/2023 a ordonné la réintégration de SONKO à la fois sur la liste électorale de ZIGUINGHOR et sur le ficher général des électeurs.

 

Au regard de tout ce qui précède, le refus de délivrance des fiches de parrainage au mandataire d’Ousmane SONKO (Ayib DAFFE) constitue une entrave délibérée et une violation extrêmement grave d’un droit fondamental : le droit de vote et d’éligibilité consacré par de nombreux textes régionaux en Afrique et internationaux à savoir entre autres, la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 et l'article 25 du pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966.

 

Conclusion

 

Dans sa décision n°8/E/2022 du 21 mai 2022, le Conseil Constitutionnel consacre définitivement le principe fondamental de la liberté de candidature, réaffirmant avec force, les dispositions constitutionnelles de l’article 4 de la Charte suprême, aux termes desquels « Les partis politiques et coalitions de partis politiques concourent à l’expression du suffrage…. …..».

 

Le Conseil Constitutionnel précise (cf Considérant n°9 de ladite décision) qu’il lui appartient « d’user de son pouvoir d’interprétation pour assurer la mise en œuvre de ce droit fondamental, sans empêcher l’administration d’exercer ses prérogatives légales ».

 

Aussi invraisemblable que cela puisse paraitre, l’absence de fiches de parrainage et de quitus qui résultent d’entraves dressées par l’administration ne constituent aucun obstacle juridique pour la recevabilité de la candidature de SONKO à la présidentielle de 2024. Son dossier de candidature devra comporter tous les pièces prouvant de manière incontestable la défaillance de l’administration et prouver que le mandataire a fait preuve de diligences.

 

·     S’agissant de l’absence d’attestation délivrée par la CDC (caution, la jurisprudence du Conseil Constitutionnel n°3-E-1998 du 15 avril 1998, dite jurisprudence « INSA SANKHARE a tranché le débat,

 

·     Concernant le refus de délivrance des fiches de parrainage par la Direction Générale des Elections, DGE, la décision du Conseil Constitutionnel du 21 mai 2022 (décision n°8/E/2022) a clarifié le champ de compétences de la DGE à savoir que l’exercice de ses prérogatives en matière électorale doit s’effectuer dans un cadre normatif (loi).

 

Par ailleurs, au regard de ses deux (2) décisions n°1/E/98 et 2/E/98, le Conseil Constitutionnel a défini une jurisprudence constante selon laquelle, les « règles qui établissent des limitations à la candidature doivent toujours faire l’objet d’une interprétation restrictive, et ne doivent nullement être étendues à des cas, non expressément prévues » - cf Considérant n°7.

 

Seybani SOUGOU – Mail : [email protected]

 

 

 


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