Entre le menteur et celui qui est sûr de posséder la vérité, qui est plus dangereux ?

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Entre le menteur et celui qui est sûr de posséder la vérité, qui est plus dangereux ?

 

J’ai toujours été réticent face à la sagesse wolof qui prétend qu’un mensonge qui concilie vaut mieux qu’une vérité qui défait des relations. Mais à y regarder de plus près, on peut en avoir une lecture humaniste. Si les hommes ne sont jamais absolument sûrs de la véracité de leurs opinions, pourquoi devraient-ils risquer la viabilité de leur existence sociale ? Combien de fois les vérités auxquelles nous nous sommes accrochés se sont révélées être des illusions dangereuses ?   

Ce que le bon sens montre avec rigueur et constance, c’est que toute vérité qui se veut irréfutable a perdu sa force et son droit de porter un si beau nom. Elle ne s’appelle plus vérité que par pur euphémisme ou par pusillanimité et paresse de ceux qui ne disent pas non. Elle est désormais une violence incarnée dans les habits de la vérité. L’expérience montre que la vérité, du moins pour nous autres humains, n’est que consensus obtenu au terme d’un débat contradictoire ; qu’elle peut donc à tout moment être révisée.

 

La vérité est le rocher de Sisyphe : c’est dans l’effort constant et non dans le repos qu’elle vit et croît. L’Homme est un Sisyphe de la vérité : plus nous poussons le rocher vers le sommet, davantage nous nous rendons compte de la vanité de notre effort ; et pourtant, comme Sisyphe, nous devons être heureux, non du résultat de notre effort, mais de celui-ci même. Cet éternel recommencement de l’effort adamique est en vérité le charme et le goût de la présence de l’homme sur terre. La quête de la vérité doit nous pousser à l’humilité et à la tolérance (« non répressive » cependant !).

 

La vérité irréfutable est le pire mensonge ; c’est un mensonge qui a des dents, prêt à mordre et à inoculer le venin somnifère, anesthésique. Nous savions qu’il y a de doux mensonges et des vérités cruelles : ce que nous ignorions jusqu’ici, c’est qu’il y a des vérités tellement mensongères qu’elles rendent caduque toute expression dissonante. Ces vérités sont doublement toxiques : aussi bien pour la vie des hommes que pour celle des idées. Ce sont les vérités qui prennent les prémisses d’une discussion pour des conclusions. Ce sont les vérités systémiques, les vérités englobantes et étouffantes. Tant de sang a coulé par la faute de personnes qui prétendaient détenir de telles vérités, tant de souffrances et de misère.

 

Ce qui est particulièrement frappant, c’est que les sphères qui ont le plus contribué au progrès de l’humanité sont celles qui s’accommodent plus aisément au caractère asymptotique de la vérité. Elles sont tolérantes, du moins depuis qu’elles ont été léchées par le feu des révolutions. Religion et science ont intégré le principe de la tolérance et au nom de la liberté, elles reconnaissent le caractère fondamentalement humain du droit à l’erreur.

 

Ce qui, en revanche, fait peur c’est que c’est seulement en politique qu’on prétend le plus détenir ou féconder des vérités extraterrestres et, curieusement, ce sont des vérités armées ! Bruyants, furieux et étrangement prétentieux, les hommes politiques sont les plus portés à se croire détenteurs de vérités irréfutables. De Staline à Macky Sall, ils nous imposé des vérités indiscutables. Entre 2012 à 2021 Macky Sall s’est servi du pouvoir pour couronner ses vérités d’une auréole liberticide et, pour finir, mortifère. Au nom de la vérité on a brûlé des villes et des maisons ; au nom d’elle on a tué des innocents ; au nom de la vérité on a ostracisé des races et des hommes dont le seul tort était d’être différents.

 

Voilà pourquoi nous devons être particulièrement vigilants pour que de pareilles mésaventures politiques ne se reproduisent pas. Pour commencer, il faut éviter l’aventure : toute mésaventure a commencé sous le charme d’une étoile qui s’est révélée par la suite être une chimère. Macky Sall nous a vendu l’illusion de la patrie avant le parti, de la reddition des comptes, de la gestion sobre et vertueuse et ; comme des spectateurs de numéros de prestidigitateur, nous l’avons cru. Quel bénéfice a-t-on tiré de la traque des biens supposés mal acquis ? Pas même la fonction de dissuasion pour freiner la corruption ! Notre peuple se relèvera difficilement d’une mésaventure de plus, d’où l’obligation morale et citoyenne qui incombe à tous de s’armer de précaution dans la période 2021-2024.

 

Pour moi, Macky est définitivement hors-course pour 2024, « ou il perd ou il perd » : il est désormais question pour lui de choisir entre sortir par la petite porte ou se faufiler dans les grilles de la fenêtre, étant entendu que la grande lui est définitivement fermée. Mais il ne sera pas seulement question de se défaire de Macky, il sera question de choisir et de bien choisir ! Car les démagogues sont comparables à des vampires déguisés en médecins. Les passions et les formules stéréotypés ont obscurci notre jugement en 2012, il ne faut pas répéter la même erreur.

 

Alassane K. KITANE

 


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