Exit les gladiateurs, place aux orateurs.

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Exit les gladiateurs, place aux orateurs.

 

Par Serigne Mansour Sy Ndiaye

 

Quelle belle trouvaille que de faire de la violence physique gratuite dans les sports de combat un exutoire à la colère populaire. Les gladiateurs entrant dans l'arène créaient une grande euphorie et étaient eux-mêmes galvanisés par les cris d'hystérie du public. Ragaillardis par autant d'intérêt, ils s'adressaient ainsi à l'autorité politique qui, haut perché (sans fromage en son bec), regardait avec dédain ce spectacle en son honneur : Ave César morutis te salutan. Ces braves se battaient devant la plèbe qui se délectait de tant de violence.  C'est qu'à chaque coup asséné, fut-il mortel, le spectateur déverse par procuration sa colère jusque-là contenue par la crainte de l'autorité.  Combattre ses adversaires c'est les réduire au silence.  Avec le temps, cette barbarie inouïe en offusqua plus d'un et finit par être condamnée.  A la faveur de la démocratie, on triomphe de ses adversaires non par l'argument de la force mais par la force de l'argument.  Ainsi l'arène se déplace et les gladiateurs cèdent la place à des acteurs non moins violents mais qui utilisent un art dont la finalité n'est pas la souffrance physique, mais celle plus affligeante, consistant à blesser moralement par de simples mots. 

 

Ainsi, quand la lutte est en trêve pour combattre l'ennemi commun, invisible, mais plus mortel, le peuple toujours en quête d'assouvissement de son besoin de violence se tourna encore vers la virulence du verbe, à travers les débats publics.  La loi sanctionne toute forme de violence, pourtant à renfort de publicité, on encourage des menaces suivies de rixes au vu et au su de tout le monde.  Tout un peuple regarde et applaudit des géants qui échangent coups de poings sans autre raison que pour de l'argent et pour prouver sa supériorité physique.

 

Allez faire comprendre à un enfant qu'il est interdit de se battre, alors que la lutte promeut une telle pratique.  A la faveur de la covid19 l'on a compris, que le combat pour la survie exige d'arrêter de lutter sans raison.   Toutefois, un besoin refoulé ne disparaît jamais, il resurgit et se manifeste sous une autre forme. Comme dans le passé, on met un terme provisoire à la violence physique pour la remplacer par celle verbale. On s'invite à la télé pour échanger sur des questions de l’heure, et le public peu soucieux d'être édifié exulte pour la virulence du ton et les phrases assassines. Il y’avait donc des gladiateurs il y'eut ensuite des sophistes, aujourd’hui remplacés dans l'arène et à l’agora par des lutteurs au stade et des débatteurs sur les plateaux de télévision. L'histoire se répète.

 

Serigne Mansour Sy Ndiaye

 professeur de philosophie 


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