généalogie des dénis et blessures des africains

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généalogie des dénis et blessures des africains

Une nouvelle épine dans notre chair [1] :

 

généalogie des dénis et blessures des africains

                                                           20/04/2020

 

 

« […] on pille les Nègres, sous prétexte d’apprendre aux gens à les connaître

et les aimer, c’est-à-dire, en fin de compte, à former d’autres ethnographes,

qui iront eux aussi les “aimer” et les piller. » Michel Leiris, lettre à sa femme,

19 septembre 1931 (in : Michel Leiris, Miroir de l’Afrique, édition établie,

présentée et annotée par Jean Jamin, Paris, Gallimard, 1996, p. 204) [2]

 

Dans une séquence diffusée mercredi (01 Avril 2020) après-midi sur la chaîne LCI, Camille Locht, directeur de recherche à l'Inserm à Lille, était interrogé sur des recherches menées autour du vaccin BCG contre le covid-19. Invité en plateau, Jean-Paul Mira, chef de service de médecine intensive et réanimation à l'hôpital Cochin, lui a alors demandé[3] : "Si je peux être provocateur, est-ce qu'on ne devrait pas faire cette étude en Afrique, où il n'y a pas de masques, pas de traitement, pas de réanimation, un peu comme c'est fait d'ailleurs sur certaines études avec le sida, ou chez les prostituées : on essaie des choses parce qu'on sait qu'elles sont hautement exposées. Qu'est-ce que vous en pensez ?" Le chercheur lui a répondu : "Vous avez raison".

 Cette séquence a suscité sur la toile une vague d’indignation et des cris d’orfraie de la part de bon nombre d’africains qui, déplorent avec force soupirs des « manifestations de racismes et de discrimination ». Il faut d’ailleurs noter d’entrée de jeu que le propos mérite une condamnation sans appel. Ce faisant, comme on le sait, ce genre de dérives n’est pas nouveau, on en trouve la tonne et le quintal chez certains européens et depuis au moins l’époque des Lumières. On pourrait même affirmer et sans risque de se tromper que les préjugés absurdes sur les africains ont traversé toute l’histoire intellectuelle occidentale. A ce titre, il semble bien qu’il y a  dans cette vidéo une résurgence d’un fait de culture faussement neutre avec son échelle de valeurs clairement affichée, qui pour cette raison, réclame explication et interprétation.

Comment en effet, comprendre cette manière récurrente de tenir les africains pour de la chair à canon? Faut-il soulever cette réponse largement répandue, consistant à stipuler que les africains ne sont pas des cobayes, voire des rats de laboratoire pour les européens? Ou faut-il nuancer le propos comme le font certains en soulignant que dans la vidéo, il n’était pas question d’une dichotomie noirs/blancs, mais d’une coupure entre une oligarchie occidentale et un prolétariat global au premier rang duquel se trouve tout naturellement l’Afrique ? Quoiqu’il en soit, il ne s’agit pas de se larmoyer devant de tels propos, mais il convient plutôt de se placer dans une démarche d’analyse rétrospective en vue de comprendre exactement la manière dont ce genre d’attitude très fréquent aujourd’hui, trouve sa source dans  des décennies voire des siècles de tentatives de réification et d’abêtissement des africains.

Mais, avant d’aller plus loin, il importe de proposer explicitement la thèse que l’on entend faire valoir ici : ces propos sont symptomatiques d’une vision essentialisante et mortifère construite sur la base  d’une idéologie aux relents eurocentristes, voire racistes que les sociétés occidentales projettent systématiquement sur les africains. L’enjeu majeur ici consistera à comprendre que le discours de déni porté sur les africains n’a jamais été une sorte d’écume sur l’océan de l’histoire, mais qu’il a eu toujours une consistance interne en tant qu’objet fabriqué avec une efficace et des effets nuisibles. Il serait crucial par conséquent de tenter de rendre raison – par une espèce de généalogie – de ce qui sous-tend ce déni systématique de toute valeur auquel sont confrontés les africains, et de mettre au jour une nouvelle éthique relationnelle comme visée vers un authentique universel, à la suite des tentatives allant dans ce sens qui se sont malheureusement soldées par des échecs.

Une mise en garde s’impose avant toute chose : il serait injuste de nous faire le procès d’intention du lieu imaginaire d’où nous sommes censés parlés. Comme la posture de Frantz Fanon,  la nôtre dans ce texte n’est pas seulement celle d’un africain, mais celle d’un témoin de l’histoire et soucieux de l’instauration d’un véritable universel. A un moment où les intérêts économiques et l’universalisme occidental entament l’objectivité des discours, s’impose la nécessité à faire la généalogie de cette vieille idole qu’est l’universalisme européen que l’on encense par habitude au risque de dérives idéologiques parfois inconscientes.

Genèse des dérives eurocentristes et racistes

 

Notre approche n’est pas celle de l’historien mû par une chronologie, mais celle du philosophe qui prend le parti de faire l’étude de quelques textes  qui éclairent son propos. Si l’on s’intéresse à certains textes de la philosophie occidentale – sans même faire allusion à certains textes de littérature européenne en général comme par exemple l’Essai sur l'inégalité des races humaines du sulfureux Arthur de Gobineau – on constate alors avec grand regret que la manière dont les africains sont, de tout temps dépeints, est pour le moins empreinte de mépris ostensible. Pour user d’un euphémisme, on pourrait affirmer que « l’homme africain », pour reprendre l’expression, est peint de manière systématique sous des « portraits calamiteux ». L’histoire des textes philosophiques nous conforte dans cette idée en ce qu’elle est truffée de descriptions des africains à la fois négatives et faussement objectives. Si on devait parmi les philosophes, établir une  bourse de valeur des calomnies faites aux africains, Hegel serait de loin l’actionnaire majoritaire. Sa fameuse thèse dans La raison dans l’histoire [4] sur l’homme africain est l’expression la plus achevée d’une vision au rabais à laquelle ce dernier est réduit : 

Pour tout le temps pendant lequel il nous ait donné d’observer l’homme africain, nous le voyons dans l’état de sauvagerie et de barbarie, et aujourd’hui encore il est resté tel. Le nègre représente l’homme naturel dans toute sa barbarie et son absence de discipline. Pour le comprendre, nous devons abandonner toutes nos façons de voir européennes. Nous ne devons penser ni à un Dieu spirituel ni à une loi morale ; nous devons faire abstraction de tout esprit de respect et de moralité, de tout ce qui s’appelle sentiment, si nous voulons saisir sa nature. Tout cela, en effet, manque à l’homme qui en est au stade de l’immédiateté : On ne peut rien trouver dans son caractère qui s’accorde à l’humain.

 

Voilà une déclaration catégorique qui assigne un statut téléologique à l’apparition de ce qui est pour lui le « caractère noir » et qui sera reprise par toute une culture. Or Hegel s’est  fait le porte-parole d’une forme de danger qui procède d’une distinction radicale instaurant un fossé infranchissable entre des êtres qui pourtant partagent une commune humaine. C’est une essentialisation à outrance — et c’est le cas de le dire ici — qui est l’origine et le berceau d’une perpétuelle hiérarchisation des êtres humains plaçant toujours les africains au plus bas de l’échelle de valeur. Pourquoi en est-il ainsi ? Il faut se reporter sur ce point à manière dont la transmission et la dissémination des idées se sont effectuées. Il ne faut jamais perdre de vue l’idée que les philosophes ont toujours été de grands passeurs. Précisément, c’est parce que sa pensée a été enseignée à la génération postérieure et que certaines de ses thèses ont passé dans la culture commune pour générer des idées tordues. Mais faut-il faire de Hegel l’un des plus grands intellectuels racistes ?

Notre propos ici n’est pas tant de trancher la question de savoir si tel philosophe était raciste que de pointer le fait que, d’une idée fausse et saugrenue peut naître une conception qui a fait école et continue d’avoir des représentants encore aujourd’hui. De même, qu’on nous comprenne bien : nous ne prétendons nullement que tous les occidentaux s’inscrivent dans ce paradigme racialiste pour ne pas dire raciste. Si c’était notre propos, un seul contre-exemple suffirait à invalider une telle proposition universelle. Cela dit, si le propos de Hegel a été le discours le plus relayé, bien d’autres philosophes avant lui ont énoncé des propos similaires parfois sous couvert d’arguments d’une trivialité sans précèdent. On ne peut pas manquer de citer ici certains propos de Montesquieu, qui faisait partie des  intellectuels les plus lus de  son époque. Il avait pour ambition notamment dans L’esprit des lois de conseiller le Prince et jouissait d’une immense notoriété après la publication de ce livre. Cependant, dans le livre, il ballotait entre la critique de l’esclavage en général, du fait de son caractère contre-nature et la relative discrétion dans la dénonciation de l’asservissement des noirs.  Et, Pour illustrer ce discours-là, nous ne saurions mieux faire que de nous rapporter au chapitre 5 du livre 15, où Montesquieu  affirme sans ambages [5] :

Si j’avais à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves, voici ce que je dirais : […] on ne peut se mettre dans l’idée que Dieu qui est un être très sage ait mis une âme, surtout une âme bonne dans un corps tout noir. […] Une preuve que les nègres n’ont pas le sens commun, c’est qu’ils font plus de cas d’un collier en verre que de l’or qui, chez les nations policées est d’une si grande conséquence. […] Enfin de petits esprits exagèrent trop l’injustice que l’on fait aux africains car si elle était telle qu’ils le disent, ne serait-il pas venu dans la tête des Princes d’Europe qui font entre tant de conventions inutiles d’en faire une générale en faveur de la miséricorde et de la pitié.

Ces propos des esclavagistes relatés par Montesquieu, quoique choquants encore aujourd’hui, jettent un éclairage non seulement sur le contexte historique de leur énonciation, mais plus encore sur la ténacité des préjugés européens dont les dérives actuelles n’en sont que les enfants dignes de leurs parents. Montesquieu raisonne ici par l’absurde pour montrer les fausses conséquences du raisonnement des esclavagistes. Toutefois, son propos est plus délicat à interpréter au regard de ses rétractations sur la question du climat et de l’utilité de l’esclavage des noirs. Sur l’esclavage, Montesquieu énonce d’abord sa critique de la théorie aristotélicienne d’un esclavage par nature, et plus loin il affirme que chez certains peuples : l’esclavage est plus compréhensible, donc acceptable et plus conforme à la nature (Livre XV, Chap.7). Et, à ses yeux ce fut le cas des peuples qui vivent sous un climat chaud à l’instar des pays d’Afrique dont – pour reprendre une expression de Montesquieu – la liberté  « ne vaut rien ». Mais pour autant,  faut-il voir en Montesquieu un raciste des premières heures, partisan d’une oppression coloniale et d’un asservissement occidental sans fard ? Ou faut-il prendre au sérieux ses textes dans lesquels il dénonce l’esclavage et les formes dérivées de domination ? Cette question fait débat entre les exégètes, mais en réalité ce n’est pas ce qui nous intéresse ici. En tout état de cause, il faudrait mieux placer ces auteurs dans un contexte historique où fleurissait une cécité intellectuelle face aux enjeux de la globalisation et de l’universalité de l’humain dépositaire des mêmes droits, des mêmes dispositions et d’une dignité égale. Mais la conséquence de tels propos est claire : ils ont été réappropriés et repris au point d’en faire un postulat majeur.

 L’attention doit être concentrée sur le rôle de relais que ces préjugés infantiles ont joué dans la société occidentale comme l’humus d’une pensée dévoyée, quoique ce ne fût pas peut être le but visé par ces auteurs. Pour résumer donc à l’extrême notre propos ici, nous dirons que ces philosophes ont prêté le flanc à une réappropriation fausse et dangereuse de leurs idées. On en veut pour preuve la figure de l’ethnologue français Lucien Lévy Bruhl [6] qui se situe à l’orbite où se sont placés les philosophes précités avec sa fameuse thèse de la mentalité primitive dont les conséquences demeurent encore insondables. Il énonce en effet, fautivement et abusivement qu’en dehors du monde occidental, les autres aires culturelles n’ont pas de logique, mais ils ont simplement une mentalité prélogique. Si elles n’ignorent pas complètement le principe de contradiction, en tout cas leur mentalité est dominée pas une espèce de lois de participation.

Cependant, il faut restituer la dimension polémique de cette thèse : sous l’impulsion de certaines vieilles lunes eurocentristes, cet auteur affirme d’abord que les « peuplades noires » sont dépourvues des principes de la logique et du raisonnement. Mais à la fin de sa vie, il produira une palinodie consistant à reconnaître le caractère erroné de ses allégations fondées davantage sur des prétentions idéologiques que sur une valeur d’objectivité scientifique. Or, il en est de cet exemple parlant de rétractation comme de la cire sous un soleil brulant : il n’a pas pu dissoudre les préjugés parfois farfelus et poétiques des occidentaux. Ce faisant, au-delà du face-à-face stérile et pauvre que l’on a essayé de donner à voir entre les occidentaux et ceux qu’ils ont nommé les « primitifs», l’intérêt de revenir sur ces propos tient à sa ressemblance avec d’autres discours plus contemporains mais non moins stigmatisants. De ce point de vue, au lieu de rompre avec les amarres du passé, nos contemporains ont exacerbé et aiguisé la fabrique de l’altérité.

La réactivation de vieux réflexes colonialistes

Le discours de Nicolas Sarkozy [7] à Dakar en 2007 est sans nul doute, la vérité effective de ces arguments avancés plus haut. Et, lorsqu’on affirme  pareille chose, ce n’est pas pour dire que ces auteurs ont raison, mais plutôt pour affirmer que ce discours vient étayer notre thèse selon laquelle : c’est une perpétuation des mêmes vieilles lunes qui poussent certains européens à s’escrimer à « inférioriser les africains ». Celui qui était alors président de la République en France a eu l’audace et notamment en terre africaine  d’affirmer que « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire ».  Il renchérit (et nous le citons ici presque mot à mot) en disant que le paysan africain, depuis des millénaires vit dans l’éternel recommencement du temps et la répétition sans fins des mêmes gestes et des mêmes paroles. autrement dit, d’après le discours de cet ancien président, le paysan africain ne connait ni évolution, ni réflexion mais s’enfermerait dans une existence répétitive et sans intérêt. Mais ce « paysan africain » auquel il fait référence, ne serait-il alors, qu’une simple brute  qui vit dans une disette extrême d’idées ? Si l’on suit l’esprit du texte de Sarkozy, on dirait que sa réponse passe par  l’affirmative. Dans ce discours très stigmatisant, on a pu y repérer un postulat premier qui parfois occulte d’autres dimensions du texte, vu le caractère violent du propos : l’Afrique est un continent sans passé et sans avenir. Alors, il faut dire un mot sur l’effet que produit ce genre de discours. Il n’a pas manqué de provoquer une très grande stupéfaction de la part de tous les africains et de toute personne qui croit à la commune humanité et à la contingence historique et sociale. On aurait de la peine à imaginer qu’un chef d’Etat d’un pays comme la France actuelle pouvait affirmer des propos d’une telle nature et de surcroît avec un dédain sans pareil.

Pour autant, doit-on conclure que ce discours est sorti de la tête de Sarkozy, comme Athéna jaillit toute armée du crâne de Zeus ? Apparemment point n’est besoin de gloses très savantes pour répondre à cette question : ce discours ne sort pas de nulle part ; il n’émane pas d’une personne, mais en réalité d’une institution voire d’une société. N’en déplaise à certains, mais il faut bien le dire, c’est presque toute une culture qui génère mépris et sentiment de supériorité à l’égard des africains. La perception qu’une écrasante majorité des européens ont de l’Afrique est empreinte du négatif : un continent sans écriture, sans histoire, sans ressources financières, sans Lumières…. En somme, il va sans dire que l’Afrique serait pour eux, un continent traversé de part en part, par de petites nappes culturelles immobiles et homogènes, une espèce de cloaque du monde.

Bien que Sarkozy se centre davantage sur le terrain de l’histoire, ses propos ne manquent pas de faire échos au discours de cet ancien entraîneur de l’équipe de Foot Ball des Girondins de Bordeaux pour qui le joueur africain typique a de la puissance et de la force physique mais non pas l’intelligence et la discipline tactique. Ce stéréotype très répandu a fini par devenir un leitmotiv sur les africains dans le milieu du sport. Mais, vous l’aurez compris, ce poncif de l’africain puissant physiquement mais qui n’aurait pas le sens de la discipline et l’intelligence que fournit simplement une organisation rationnelle, est une tarte à la crème de la littérature occidentale : presque chaque année elle ressort de manière spontanée. A cet égard une précision s’impose : sans être massif et caricaturale, le propos de Willy Sagnol [8] qu’on ne voulait pas nommer par charité, s’apparente davantage à celui de Lévi Bruhl en ce que tous les deux font des africains des êtres à part, en qui manquerait une dimension humaine essentielle : l’intelligence, la logique.

Toutes ces thèses qui ont en commun de professer ex cathedra un contenu propositionnel faux, dépourvu d’objectivité mais pour la plupart fondées sur des réflexes colonialistes ou néo-colonialistes  conduisant à exclure d’autres humanités. On pourrait affirmer avec Bergson [9] que les deux maximes opposées « homo homini Deus » et « homo homini lupus » se concilient tout naturellement chez les européens. Quand ils formulent la première, c’est pour penser à quelques compatriotes et citoyens de l’UE – encore qu’ils soient pour la plupart de couleur blanche — l’autre concerne les étrangers et ici en l’occurrence les africains, comme le montre l’exemple de cette vidéo évoquée plus haut. C’est un peu analogue à l’idée bergsonienne d’un voile que la nature aurait interposé  entre les européens et les étrangers, et dont Bergson précise qu’il est tissé d’ignorance, de prévention et de préjugés. Dès lors ne s’agirait-il pas de combattre ces idées fabriquées de bric et de broc et qui ont eu des effets dévastateurs sur l’estime de soi, l’identité mémorielle et la reconnaissance des africains ?

Les échecs des anciennes éthiques relationnelles

Il faut dépasser le premier niveau de la colère et de l’indignation pour se placer sur les rampes de la compréhension et pour ce faire, la suivie de l’indication de méthode de Spinoza [10] s’avère décisive: «  ni rire, ni pleurer mais comprendre ». Et heureusement, on l’aura compris,  le mépris, l’absence de respect et de considération dont les africains ont toujours été victimes, ne sont pas apparus de manière épiphanique, mais relève d’une fabrique sociale. Une fois qu’on aura rappelé la nécessité de revenir sur cette évidence qui est pourtant est un truisme, il convient de voir les réponses apportées à ces défauts de considération et de reconnaissance en vue de la création d’un monde commun. A cette tâche, beaucoup d’intellectuels africains ou d’origine africaine se sont attelés, mais pour la plupart, leur entreprise s’est soldée par un échec. Les figures emblématiques de L. S. Senghor et de Frantz Fanon nous en administrent la preuve. Le chantre du métissage et de la civilisation de l’universel a toute sa vie durant, lutté contre le ressentiment dont il jugeait que le potentiel de nuisance est susceptible d’empoisonner le rapport sain entre les cultures et les peuples.

 A cet égard, l’urgence philosophique était à chercher dans la capacité des peuples africains à tuer le ressentiment qui constitue la seule pierre d’achoppement à l’érection d’une polis à savoir une Cité universelle. Autant dire que Senghor appelait de ses vœux, à la faveur de sa théorie du métissage  – assez méconnue -  l’instauration d’un vivre-ensemble par-delà les différences, ce qu’à sa suite Souleymane Bachir Diagne nomme par l’expression : « faire route ensemble vers une humanité commune ». Mais avant de poursuivre la réflexion sur ce point, il nous faut revenir sur la conception senghorienne du métissage pour éclairer une lanterne. Le métissage vient défaire sa vision de la négritude conçue comme rencontre d’essences préexistantes à la manière dont Pénélope défait le jour ce qu’elle a tissé la nuit. Finalement c’est par sa théorie du métissage que Senghor  mettra en lumière, in fine l’idée que la négritude est une éthique, un devoir-être débouchant sur une certaine approche du réel.

Cela dit, la réflexion senghorienne place au centre de ses revendications politiques une parole d’amour et le poème Prière de Paix en est un exemple emblématique. Sa démarche se concentre sur les conditions de l’universalité et de la constitution d’un monde commun, mais qui, malheureusement était vouée à l’échec en raison d’un manque de fermeté dans ses résolutions. En attestent ces quelques vers qu’il consacre à la France et dont il vante à tout va la grandeur [11] :

Ah ! Seigneur, éloigne de ma mémoire la France qui n’est pas la France, ce masque de petitesse et de haine sur le visage de la France
Ce masque de petitesse et de haine pour qui je n’ai que haine – mais je peux bien haïr le Mal
Car j’ai une grande faiblesse pour la France.
Bénis ce peuple garrotté qui par deux fois sut libérer ses mains et osa proclamer l’avènement des pauvres à la royauté

Ce texte de Senghor est magistral de par sa beauté stylistique, toutefois, au-delà de cet aspect, il témoigne d’une faiblesse que l’auteur reconnaît lui-même. Le péché originel de cet auteur, pour ainsi dire a toujours été son incapacité à se montrer intransigeant face aux impératifs des européens.  Par conséquent, si on est loin de ce vœux pieux de L. Senghor, c’est précisément parce que toute domination, que ce soit celle coloniale ou les formes de néocolonialisme auxquelles on assiste aujourd’hui, sont des machines de guerre contre cet horizon et broient toutes velléités peu fermes. Il faut cependant reconnaître que cette  parole d’amour dont Senghor faisait le centre et le pivot de toute injonction à l’universel, est louable néanmoins elle souffrait d’un défaut rédhibitoire, celui d’un discours trop accommodant. C’est donc en somme, en raison d’une absence de force de caractère ou du moins par un désir de complaisance diraient certains, que l’entreprise de Senghor en faveur d’une éthique relationnelle plus saine est tombée à l’eau.

            Il en est de même de l’approche de Frantz Fanon qui pour sa part a échoué non pas du fait de trop de complaisance mais du fait de l’apologie de la violence dont il n’est pas en réalité l’auteur véritable. Sa pensée d’une éthique relationnelle avec l’ancien bourreau a été dévoyée : c’est Jean Paul Sartre qui en est le responsable, il a en effet trahi le sens de sa démarche. La préface qu’il a proposé du livre de Frantz Fanon Peau noire masque blanc, souligne la nécessité pour les opprimés de faire usage de la violence pour se libérer du joug de la colonisation. De l’avis de Sartre, seule une réponse par les armes  peut conduire les colonisés à recouvrer leur humanité, leur liberté et partant leur dignité : « Les marques de la violence, nulle douceur ne les effacera, c’est la violence qui peut seule les détruire [12] ». Rien n’est plus une incitation à la violence que cette phrase de Sartre. Toutefois, rappelons à l’usage de ceux qui ne sont pas familier de ce livre de Frantz Fanon qu’il semble que le propos de Sartre s’est voulu sciemment excessif, constituant ainsi un obstacle majeur à la diffusion des idées de Fanon auprès du public européen. Il a freiné la portée de ce discours qui avait la vertu d’être moins conciliant de par sa forme et très universaliste de par son contenu : son propos s’adressait au genre humain, à l’humanité entière.

Mais la terreur qui était  associée à ce livre tient de la nature d’un empêchement dirimant : elle n’a pas vocation à porter des résolutions viables. La terreur qui a suivi la Révolution française en est la parfaite manifestation où au nom de la pitié pour le peuple des massacres atroces se sont commis. Par conséquent, disons que Sartre est allé trop loin dans son propos plaçant dans la terreur des victimes de la colonisation le meilleur moyen d’éradiquer résolument l’oppression et de faire jaillir la liberté des damnés de la terre. Or ce mot d’ordre était en réalité à l’antipode de la démarche que préconisé Frantz Fanon. Il n’était mû ni par la violence ni par la réhabilitation des valeurs de civilisation noire susceptibles de faire concurrence avec les idéaux européens. Il s’agissait plutôt pour lui de se placer sous le signe d’un bannissement de toute substantialisation de notre passé en vue de détacher de sa pensée un certain particularisme facile et paresseux. Autant dire qu’à ses yeux les opprimés n’ont pas le droit de rechercher une supériorité compensatrice ni se résigner à un sentiment d’infériorité mais plutôt viser des rapports d’égalité océaniques  dans une éthique relationnelle digne de ce nom.  Malheureusement ce type nouveau de relation symétrique toujours rêvée, ne verra jamais le jour du vivant de Frantz Fanon. Cependant, doit-on conclure que cet idéal relève d’une utopie à jamais conçue comme telle ?

Pour une nouvelle éthique relationnelle

La réponse à la question précédemment posée passe nécessairement en partie par celle-ci : comment allons-nous vivre et habiter véritablement ce monde   – nous qui avons été pendant longtemps, pris pour des brutes voire chosifiés – sans que notre dignité ne soit plus systématiquement amochée ? Il faut se reporter sur ce point aux travaux de Souleymane Bachir Diagne pour fournir une esquisse de réponse à cette question assez vertigineuse. A l’évidence, la thèse qu’on entend faire valoir ici, se nourrit de ces travaux et procède de son rejet absolu de ce qu’il nomme « l’universel de surplomb » des occidentaux. Il faut selon lui,  inciter les européens à se rendre à l’évidence : leur conception d’un occident dépositaire de l’universel auquel les autres aires culturelles doivent se conformer, est source de dérives et en sera telle encore, aussi longtemps qu’ils se cramponnent sur leurs fausses certitudes. A ce titre, toutes les lignes de force de sa pensée, pendant ces dernières années s’inscrivent dans cette perspective. A preuve, le cœur de son livre co-écrit avec Jean-Loup Amselle, intitulé En quête d’Afrique(s) [13] atteste bien la différence entre universel et universalisme, différence sur laquelle repose la clé du dialogue des cultures de demain. Cette distinction est plus qu’une nuance dans la mesure où, deux approches sont possibles sur la question de l’universel : là est le point nodal. L’une consiste à affirmer que l’universel est incarné par une culture ou une civilisation, ici en l’occurrence l’Europe et que les autres cultures  viendraient, en quelque sorte jouées les trouble-fêtes. C’est là le propre de l’universalisme européen, gros de tous les dangers et à quoi il faut opposer, ce que Bachir Diagne nomme « l’universel de négociation ou de traduction », qui fait droit à la pluralité irréductible des cultures, des langues et des visions du monde comme solide antidote face aux dérives néocoloniales. Comme le relève ce grand philosophe sénégalais, il faut partir non seulement du pluriel des cultures mais plus encore d’un monde éclaté où il n’y a plus de centres et partant, plus de périphéries.

C’est à la faveur d’une déconstruction de toute idée de centrisme que pourra advenir le multilogue des cultures, probant et fécond qui irrigue et enrichit toutes les aires culturelle, et fait émerger le meilleur de l’humanité. Tel est le centre d’inertie de son argumentation : la mise en relation des langues et des cultures constitue la meilleure expression possible en vue d’atteindre la visée de l’universel. Toutefois, cette déconstruction appelle une reconstruction des cultures africaines fragmentées de toute part par la colonisation, en revalorisant, par exemple le capital symbolique africain et le patrimoine culturel et artistique. Et, il est heureux que cette voie commence à se dessiner au fur et à mesure grâce à certains intellectuels africains très engagés qui, ne ménagent aucun effort en vue de cette fin, malgré encore quelques réflexes colonialistes.

 Les noms de  Bénédicte Savoy, Felwine Sarr [14] et bien d’autres méritent d’être mentionnés ici au regard de leur courage intellectuel. Ils ont sommé les pays d’occident de restituer le patrimoine africain confisqué depuis des décennies. Et, sur ce, il y a lieu de faire remarquer que certains européens ont essayé de freiner des quatre fers ces revendications en arguant que les objets sont totalement désincarnés et dévitalisés pour avoir une quelconque fonction, une fois réquisitionné pour les communautés africaines. Un argument qui tient en réalité d’un sophisme désespéré : car il y a des communautés pour lesquelles ces objets d’art africain ont encore une valeur et une fonction cultuelle ou du moins symbolique. Comme on le sait, les fonctions de ces objets emprisonnés dans des vitrines en Europe, peuvent être réinventées et réappropriées grâce au travail des historiens indépendamment du musée classique. De surcroît, le modèle occidental du musée est une occurrence parmi tant d’autres. Il a bien entendu, son histoire et ses fonctions mais ce modèle n’est pas le seul rapport au patrimoine et encore moins le plus approprié à nos contextes culturels africains.

Il existe des résidus irréductibles d’une sorte d’européocentrisme même dans des domaines qui ne relèvent pas a priori de la politique au sens restreint du terme. Or un universel qui se respecte, comme on l’a montré plus haut, ne peut faire l’économie de prendre en compte la pluralité des options et des occurrences. Dès lors, la restitution du patrimoine africain, doit s’effectuer sans aucune condition exigée, sinon elle ne serait qu’une réactivation de vieux réflexes colonialistes. En lieu et place, l’exigence ou la condition doit être formulée par les africains eux-mêmes : il faut restituer tous les objets d’art avec les potentialités de récit qui les accompagnent. Si la question de la dignité doit être abordée, on estime que ce sont les occidentaux, à qui revient de restituer avec dignité ces œuvres africaines emprisonnées dans ces lieux ternes qui travestissent leurs fonctions.

Il faut rappeler que non seulement des objets d’art ont été arrachés aux africains mais aussi d’autres biens culturels. L’historien et archéologue François Javier Fauvelle Aimar explique que les traditions orales ont été recueillies depuis plus d’un siècle, mais les recueils  ne sont souvent accessibles que dans les grandes bibliothèques d’occident. Ce faisant, une conséquence terrible en découle : dans beaucoup de pays d’Afrique, les chercheurs n’ont pas accès à ces ressources, qui pourtant sont d’une valeur intellectuelle et historique insoupçonnée. Ne doit-on pas encore parler d’une forme de colonialisme ? Une telle conclusion ne peut être hâtivement tirée au regard du processus de restitution du patrimoine africain qui vient d’être enclenché. D’ailleurs, un des buts de cette pratique de restitution est  à terme, de contribuer à la fabrique de l’excellence culturelle africaine afin d’asseoir durablement l’idée tant attendue d’un apport égal de tous les peuples à l’érection d’un authentique universel.

On se résout finalement à considérer avec Michel Foucault [15] que la différence des épistémès se mesure à l’aune de la différence des périodes qui les ont vus éclore. Et, si l’on traduit épistémè dans un langage ordinaire par la structure de pensée propre à chaque époque, on est amené à énoncer l’impossibilité de penser simultanément deux époques différentes car ayant des réalités historiques et sociales différentes. A cet égard, la conception de « l’homme africain » des philosophes des Lumières (presque de tous les philosophes du XVIIIème siècle), est plus digeste que celle de la modernité, malgré sa construction d’une altérité exacerbée.  Toutefois, l’épistémè de chaque époque ou la manière de pensée de chaque période comporte, tout de même à titre de germe, les manières de penser des autres époques. Autrement dit, les modes de pensée sont en réalité, moins radicalement différentes qu’on pourrait le prétendre aujourd’hui. Le cas du traitement des africains  évoqué sur la vidéo  montre assez bien, cette survivance et cette résistance des vielles fausses conceptions de certains occidentaux par-delà la différence les époques. Nonobstant de tout cela, il se révèle que le Rubicon a été franchi : la ressource de la déploration a fait place nette à la prise de conscience du rôle actif à jouer par les africains dans le monde contemporain et à ce titre, cette demande de restitution du patrimoine en est un signal fort. Ce n’est pour autant, qu’une étape d’une longue marche au nom de valeurs qui, curieusement sont universelles mais dont on nous a privés depuis des siècles. Cependant, à tout prendre, l’espoir demeure de mise s’agissant de la situation future des africains. Car, beaucoup d’intellectuels comme Achille Mbembe, ou encore Nadia Yala Kissikidi  et bien d’autres sortent de l’état de torpeur – état dû au poids de l’esclavage et de la colonisation – pour se faire les avocats les plus résolus de ceux qu’on cherche à assigner la condition de damnés de la terre.

 

 

                                                                   Mame Mor NDIAYE, étudiant en philosophe à la

                                                                  Sorbonne université.

 

 

Références et notes

 

·         [1] “ L’épine dans la chair”, terme de Sören Kierkegaard qu’on retrouve dans Le traité du désespoir, Introduction, Gallimard, p.30, 1949. Issu de St Paul, employé dans une perspective chrétienne comme une certaine honte qui contrecarre l’orgueil. Mais nous lui donnons un autre sens : une blessure, un dard qui pénètre notre chair et nous meurtrit le cœur.

 

·         [2] Citée par Bénédicte Savoy, Felwine Sarr dans le « Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain. Vers une nouvelle éthique relationnelle » 26/11/2018.

·         [3] sur https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/tests-de-vaccins-du-covid-19-en-afrique-un-depute-saisit-la-justice-apres-des-propos-polemiques_3899993.html:

 

·         [4] Friedrich Hegel, La raison dans l’histoire, Trad. Kostas Papaioannou, Paris 1965, p. 251

 

·         [5] Montesquieu, L’esprit des lois, XV, chap.5, Nourse, 1772 (tome 1), p.300-321.

 

·         [6]  Lucien Lévy Bruhl, La mentalité primitive 1922.

 

·         [7] Le discours de Dakar est une allocution prononcée par le président de la République française, Nicolas Sarkozy, le 26 juillet 2007, à l'université Cheikh-Anta Diop de Dakar.

 

·         [8]  https://www.liberation.fr/sports/2014/11/04/willy-sagnol-l-avantage-du-joueur-africain-c-est-qu-il-est-pas-cher_1136196

 

·         [9] Henri Bergson Les deux sources de la morale et de la religion, 1932. Ici la première proposition se traduit par « L’homme est un dieu pour l’homme » et la seconde par « L’homme est un loup pour l’homme ».

 

·         [10] Baruch Spinoza, Traité politique, chapitre I, introduction, traduit par E. Saisset (Ed. 1842), p.5.

 

·         [11] Léopold  Senghor,  « Prière de paix » in, Recueil Hosties noires, 1945

 

 

·         [12] Frantz Fanon, Peau noire masque blanc, préface de Sartre, 1952.

 

·         [13] Pour plus de détaille sur la distinction entre « universel » et « universalisme », voir Souleymane Bachir Diagne et Jean-Loup Amselle, En quête d’Afrique(s), Paris, Albin Michel, 2018.

 

·         [14] Bénédicte Savoy, Felwine Sarr, « Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain. Vers une nouvelle éthique relationnelle » 26/11/2018.

 

·         [15] Michel Foucault, Les mots et les choses, Gallimard, 1966, p.179.

 

 

 

 


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Tasha - #1

Très Bien écrit, Article Impression Que Conscient. Merci De L'avoir Partager. Et Bonne Continuation

le Jeudi 23 Avril, 2020 à 23:04:44RépondreAlerter

Jenny - #2

TÉmoignage Miraculeux ! Je Suis Tombée Sur Une Solution à Nos Problèmes Relationnels Et Je Me Suis Empressée De Venir Le Partager Avec Vous.j’étais En Relation Avec Mon Homme Il Y A De Cela Quatre Ans Et Tout Allait Bien Entre Nous,il S’est Séparé De Moi Depuis 13 Mois Parce Que Je N’arrivais Pas Tombé Enceinte.j’avais Pris Par Tous Les Moyens Pour Essayer De Le Récupéré Mais Hélas ! Je Ne Faisais Que Gaspiller Mon Argent. Dieu Voulant L’une De Mes Amies Avait Eut Ce Genre De Problème Et Dont Elle A Eut Satisfaction Grâce à Un Guérisseur Nommé Dah Agonlin. Elle M’a Donné Les Coordonnés Du Maître à Qui Je Devais M’expliquer. Comme J’aime Beaucoup Mon Mari J’ai Contacté Cet Grand Homme Il M’a Promis De Me Le Faire Revenir à La Maison.j’ai Donc Suivit Ces Conseils Et Effectuer Les Rituels Qu’il M'a Demandé. 3 Jours Après,mon époux Est Revenu En Me Suppliant De Lui Pardonner Pour Tout Ce Qu’il A Pu Me Fait,et Bien Sure On S’est Réconcilié.ce Fut Un Véritable Miracle Dans Ma Vie,sincèrement Je N’arrive Pas à Y Croire Qu’il Existe Encore Des Personnes Aussi Fort,et Honnête Dans Ce Monde. La Bonne Nouvelle Est Que Actuellement Je Suis Enceinte De 4 Mois Toujours Grâce Au Traitement Du Guérisseur Dah Agonlin. Pour Tous Vos Problèmes ( Spirituels, ProblÈmes D'enfant, Ruptures Amoureuses, Retour Affectif, EnvoÛtement, Emploi, ProtÉger Et Sauver Son Couple, Blocages, Tomber Enceinte, Éloigner Une Rivale ) Je Vous Assure Que Vous Trouverez Satisfaction à Vos Problèmes Avec Le Guérisseur Dah Agonlin , Je Vous Le Conseil Vivement . ============================================ Marabout GuÉrisseur Dah Agonlin ( Chercheur En Médecine Africaine )tel: 00229-65-19-21-15 Pour Une Demande Rapide Whatsapp : +229-65-19-21-15 Email : [email protected] Https://www.facebook.com/laguerrison/ ============================================= Ps : Passez Le Message Pour Aider Ceux Qui Sont Dans Le Besoin !

le Vendredi 24 Avril, 2020 à 17:04:40RépondreAlerter

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