Khalifa/Karim : Un K En Cache Un Autre

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Khalifa/Karim : Un K En Cache Un Autre

 

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CHRONIQUE DE WATHIE

 

Dans la tête de nombreux Sénégalais, Khalifa SALL et Karim WADE sont au fond du même trou que Macky SALL a, lui-même, creusé. Reconnus coupables, condamnés et quasi écartés de la prochaine présidentielle, les deux responsables politiques sont désormais logés à la même enseigne. Seulement, au-delà des apparences, les déboires judiciaires, qui sont en passe d’enterrer l’un, ont totalement régénéré l’autre. Sous l’habit d’un justicier masqué, Macky SALL balafre et torpille la démocratie sénégalaise mais s’aménage aussi une porte de sortie.

 

Par la seule volonté de Macky SALL, les partisans de Khalifa SALL et ceux de Karim WADE se retrouvent régulièrement à la Place de la Nation ex Place de l’obélisque. Les deux camps, dont la convergence était impensable il y a quelques années, trouvent de plus en plus de raisons de se liguer.  Leurs leaders, arrêtés et jetés en prison, avant d’être jugés et condamnés dans des conditions rocambolesques, cristallisent les mécontentements, symbolisent le caractère autocratique du régime et s’érigent comme les sérieux prétendants que Macky SALL évite de croiser. En les écartant presque tous les deux de la course à la prochaine présidentielle, le président de l’Alliance pour la République (APR) a fait de leur cause un seul et unique combat aux yeux d’une bonne partie de l’opinion. Pourtant la jonction réelle des forces des deux camps, la seule force politique à même de faire basculer le régime de Macky SALL, n’est pas prête à s’opérer. Aller savoir les raisons pour lesquelles, à quelques semaines des législatives, la coalition politique, Manko Taxawu Sénégal, qui regroupait les deux camps, a volé en éclats. Si dans la forme Khalifa SALL et Karim WADE se retrouvent, dans le fond, Macky SALL a instauré subtilités juridiques qui écartent sensiblement la trajectoire politique des deux hommes.

 

La révocation de Khalifa SALL n’est que le coup de grâce. Le coup fatal porté à un politique dont Macky SALL obstrue les actions depuis qu’il est élu à la tête de l’Etat.  L’Acte III de la décentralisation est presque taillé sur la mesure de Khalifa SALL qu’il a dépouillé de l’essentiel des pouvoirs qu’il avait avant 2012. Depuis qu’il est en prison, les séminaires modifiant le texte se multiplient. Le leader de l’APR a également délesté au maire de Dakar plus de 10 milliards de F CFA par an en écartant l’Entente Cadak-Car qui était chargée du nettoyage des rues de la capitale. Au mois de mai 2015, le gouvernement bloque l’emprunt obligataire de 20 milliards de francs CFA que la municipalité de Dakar s’était engagée à faire après avoir obtenu de réelles garanties du créditeur. La dernière bataille avant l’ouverture de la caisse d’avance de la ville de Dakar avait pour motif l’aménagement de la Place dite de l’Indépendance. Refusant que Khalifa SALL parafe dans son bilan ces travaux pouvant changer le visage du centre-ville de la capitale, Macky SALL lui barre la route.  Tous ces obstacles étaient censés amener Khalifa SALL à s’engager dans le Macky à l’instar de ceux qui ont guidé ses premiers pas en politique, Moustapha NIASSE, Abdou DIOUF, Ousmane Tanor DIENG et feu Djibo Leyti KA, entre autres. Dans sa croisade contre la démocratie sénégalaise, Macky SALL a choisi de s’allier aux socialistes, aux partis de gauche, comme on dirait en France.  En refusant de se ranger derrière Tanor DIENG et brouter tranquillement dans cette prairie que Macky a rendue verdoyante pour les siens, Khalifa SALL a pu mesurer la compétence du président SALL dès qu’il s’agit d’envoyer un adversaire à Canossa. En 2005 – 2006, il n’était que Premier ministre et Idrissa SECK en avait vu de toutes les couleurs. Mais, ce n’est qu’à l’ouverture du procès que certains observateurs se sont rendu compte de la réelle volonté de Macky SALL de se débarrasser réellement de celui que certains voient comme une alternative crédible à sa gouvernance sombre et vicieuse. En effet, en lui collant le chef d’accusation « d’escroquerie portant sur des deniers publics », le régime de Macky a extirpé Khalifa SALL du jeu politique. Et, c’est l’une des grandes différences entre les affaires Karim WADE et Khalifa SALL.

 

Est-ce un hasard si l’Etat du Sénégal se fait débouter à chaque fois qu’il saisit une juridiction autre que sénégalaise ? En accusant Karim WADE d’enrichissement illicite et en le condamnant pour ce motif, le régime de Macky SALL n’a pas que donné du grain à moudre aux Libéraux. Ce chef d’accusation inconnu au-delà des frontières sénégalaises, et même au Sénégal où la masse populaire a du mal à s’en imprégner, n’est pas choisi au hasard. L’arrêt de la CREI indique : « Considérant qu’il a été démontré, qu’en l’espèce, entouré d’amis d’enfance et de condisciples dont certains ont reconnu être des prête-noms, Karim Wade, fils de l’ancien président de la République, ayant exercé les fonctions de conseiller spécial de celui-ci, de président de l’ANOCI et de ministre d’Etat, a constitué des sociétés dans les secteurs les plus stratégiques, les plus névralgiques et les plus rentables de l’économie du Sénégal, pour à travers des sociétés offshores bénéficiaires économiques ou détentrices des actions des sociétés précitées, accroître illicitement son patrimoine et celui de ses complices ». Cette seule considération suffisait à mettre Karim WADE sous le coup de plusieurs chefs d’accusation allant de la Prise illégale d’intérêt à la Corruption en passant par la Banqueroute, l’Escroquerie etc. C’est en corrompant, en escroquant… qu’on s’enrichit illicitement. Mais, en ne les précisant pas, le procès ne dit pas tout et a ouvert la brèche qui fait débouter le Sénégal à chaque fois. En outre, et c’est là où la démarche de la Cour suprême qui a refusé de se prononcer sur la validité de la candidature de Karim WADE prend tout son sens, en ne prononçant pas l’application de l’article 34 du code pénal, la CREI maintenait Karim WADE dans le jeu politique. Pourtant, ledit article, clair comme de l’eau de roche, stipule : « Lorsque la peine d’emprisonnement prononcée sera supérieure à cinq ans, l’interdiction définitive de tous les droits devra obligatoirement être prononcée. L’interdiction prendra effet à compter du jour où la condamnation sera devenue définitive ». Il s’y ajoute que le code électoral, en son article 131, écarte « ceux condamnés à une peine d’emprisonnement sans sursis ou à une peine d’emprisonnement avec sursis d’une durée supérieure à 1 mois, assortie ou non d’une amende pour l’un des délits suivants : vol, escroquerie, abus de confiance, trafic de stupéfiant, détournement et soustraction par les agents publics, corruption et trafic d’influence, contrefaçon ». A aucun moment, ceux qui sont condamnés pour enrichissement illicite ne sont cités.

 

L’autre grande différence entre le cas Karim WADE et celui de Khalifa SALL, c’est la « résurrection » de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) chargé du jugement du premier.  Khalifa SALL et Karim WADE ne sont pas entrés en prison avec le même statut. Maire de Dakar en 2009, réélu en 2014, le responsable socialiste avait déjà fait ses preuves et s’érigeait avant d’être embastillé comme un ténor politique accompli. Tout le contraire de Karim WADE que la prison a grandement propulsé dans le cœur des Sénégalais. Avant, le fils d’Abdoulaye WADE, perçu comme un arriviste profitant de la position de son père, peinait à se faire accepter par ses concitoyens. Avec la CREI, Macky SALL en a fait une victime et à force de défiance feinte et de manœuvres ostentatoires, WADE-père en a fait un ténor politique.

 

Et, en définitive, si les choses restent à l’état, Karim WADE pourrait bien se présenter aux présidentielles de 2019 et de 2024, ce qui ne peut pas être le cas pour Khalifa SALL, qui, sans amnistie, est politiquement mort.

 

 

 

 

 

 

 

Mame Birame WATHIE


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