L’illusion du sexe et son impact dans la crise actuelle de la culture

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L’illusion du sexe et son impact dans la crise actuelle de la culture

      Et si l’humanité avait fait fausse route sur le sens et la finalité du sexe ?

 

  L’appât pour pécher les citoyens est l’illusion du sexe principalement entretenue par des professionnels des médias et du divertissement. Or sur ce point les professionnels des médias sont au moins coupables de partialité : la promotion du sexe débauché devrait être contrebalancée par une éducation à la sexualité telle qu’elle est voulue et modelée par la culture, la religion et la tradition. Car le sexe n’a jamais été et ne devrait jamais être une fin en soi, sa fonction sociale est assurément la preuve que nous avons fait fausse route sur la façon dont nous le concevons aujourd’hui.

 

  La sexualité fait partie des moyens par lesquels les hommes doivent remplir leur mission sur terre et c’est pourquoi certains soufis estiment que la relation sexuelle est un acte de dévotion. C’est comme si nous étions investis de la mission de reproduire l’espèce humaine ou de perpétuer la vie, exactement comme tous les êtres vivants le font. Le spectacle impressionnant de tortues marines qui quittent, par centaine, les fonds marins ; se précipitent sur les plages sablonneuses pour y déposer des centaines d’œufs et retourner immédiatement en mer pour continuer le cycle est une parabole assez pertinente pour nous les humains.

 

  Nous ne sommes que les canaux par lesquels passe la vie, nous ne sommes que les ouvriers de la nature, nous ne sommes que les soldats de la vie qui doit être reproduite, protégée et perpétuée. Le plaisir sexuel est la source de l’illusion du sexe : en réalité ce plaisir n’est qu’une partie du salaire que Dieu (ou la nature pour les rationalistes) nous paie pour service fait. De même que chacun d’entre nous désintéresse un enfant avant de l’envoyer à la boutique, Dieu nous donne le plaisir sexuel (en guise de récompense) pour que nous accomplissions promptement cette noble mission qui est la reproduction de l’espèce.

 

   L’illusion des hommes est de croire que le plaisir sexuel est une fin en soi alors qu’il fait partie des mystères de la nature qu’ils nous faut décrypter pour comprendre davantage notre mission. Il est aisé donc de comprendre que le pansexualisme et le dévergondage sexuel constituent une perversion. Nous plaindrions ou même punirions un enfant à qui nous aurions demandé d’acheter du lait et de prendre la monnaie, mais qui, au lieu de cela, se serait permis l’outrecuidance d’acheter des paquets de biscuits pour son propre compte. Voilà pourquoi le libertinage sexuel est forcément illicite, or toute promotion exagérée du sexe y contribue. Sous ce rapport, tous les artifices et les procédés sophistiqués que nous utilisons pour jouir sexuellement sans « cultiver notre part du jardin » ne sont que des formes de trahison vis-à-vis de Dieu ou de la nature.

 

  Le plaisir sexuel est passé de la dissimulation au dévergondage et du dévergondage à la conquête de la sphère morale et intellectuelle de l’homme moderne. Nos pensées, nos valeurs et nos référents nos ont échappé et sont désormais entre les mains de manufacturiers du sexe. L’explosion du téléfilm sénégalais et de la musique au rabais (sensualisme, discours obscène et exhibitionnisme dans la danse) témoigne d’une crise profonde de la culture ; crise que l’on chercher maladroitement à compenser ou à occulter par un pansexualisme.

 

    La superficialité et la vulgarité occupent désormais les devants de la scène : les animateurs les plus médiocres sont idéalisés dès l’instant qu’ils savent faire dans la trivialité et le prosaïsme. On dirait qu’on fait tout pour qu’il y ait une décadence du savoir et de la morale. Ce sont les icones du folklore et les dépositaires du langage redondant et laudatif qui sont les donneurs de leçons dans les radios et les télés. Voilà comment, par exemple, les animateurs des émissions où se font des pseudos confidences sur le mariage, l’inceste et l’adultère sont devenus des stars qui s’autoproclament mécènes et en même temps chroniqueurs en tout.

 

   Dans les sites internet censés livrer des informations générales ce sont des photos de femmes sexy qui remplissent le vide laissé par la médiocrité de la ligne éditoriale et du professionnalisme dans le traitement de l’information. Il y a une nouvelle forme de prostitution bien exploitée par des femmes qui n’ont que leur corps comme argument. On ne sait pas par quel procédé elles se paient une publicité aussi omniprésente, mais elles sont plus célèbres que les chefs d’entreprise : des sites internet sont quasiment devenus des lieux d’exposition de photos sexy.

 

  Ainsi, le corps, plus  que la conscience,  définit l’homme d’aujourd’hui: le sujet a décidé lui-même de se muer en objet. Au « cogito ergo sum » cartésien notre époque a opposé « Ego sum, quid est corpus meum » (Je suis ce que vaut mon corps). L’exhibitionnisme raffiné ou sournois aussi bien chez la femme que chez le mâle obéit à une logique d’abrutissement du citoyen. Cet abrutissement de l’homme cache évidemment des desseins politiques et économiques sournois : faire du citoyen un moyen, un homme radicalement incapable d’avoir une capacité critique, parce que profondément noyé dans le fleuve des délices du sexe et de la célébrité médiatique.

 

   Les rois du showbiz sont naturellement devenus des icones politiques avec une légitimité que les hommes politiques peinent à avoir. Ils sont offerts comme les modèles qui doivent inspirer la jeunesse : quel gâchis pour la culture ! Et comme sous nos tropiques la réussite économique a des accointances avec la politique, celle-ci devient pour les rois du showbiz une façon subtile de sauvegarder des intérêts égoïstes. Le mécénat est souvent pour eux, un procédé occulte de blanchiment d’argent : car les plus grands mécènes dans ce secteur refusent de payer l’impôt ou sont tout bonnement bénéficiaires d’une amnistie fiscale. La course effrénée que mènent les rois du showbiz vers les médias de masse et la diffusion intempérante de téléfilms afférents au sexe ne sont que les ultimes pièces du puzzle. Ils nous contrôlent et sont en train de nous transformer en de simples consommateurs d’une culture qu’ils veulent folklorique, au rabais.

     

   L’amour charnel inonde le résidu de littérature qui existe encore ainsi que tous les secteurs de la culture. La « folklorisation » de la culture est contemporaine à l’omniprésence du sexe et ce n’est pas un hasard : pour le rendre « normal et naturel » il fallait le rendre banal. La difficulté à surmonter était dès lors : comment faire de sorte que ce qui est banal ait de la valeur ? Pour dépasser cette difficulté il a fallu, entre autres ruses, faire de sorte que l’émotionnel prenne le dessus sur le rationnel ; que le sensationnel prenne le dessus sur l’information et que la télé devienne un moteur du divertissement continu. Le fait que nos télévisions prétendument culturelles outrepassent ce domaine est une énigme pour les citoyens.

 

  En regardant certaines télés on a même l’impression que les Sénégalais n’ont d’autres activités que « aimer » et danser. Et quand on parle d’amour ici, c’est dans son sens le plus pauvre : on fait la promotion de la beauté physique et de l’argent au détriment de toutes les valeurs. Les Grecs distinguaient « Aggap », « philia »  et « Eros », nos anciens aussi distinguaient « mbeuguël », « nobel » et « khémèèm » : mais nous, nous ne savons aimer que de façon charnelle. Nos mariages sont éphémères et explosifs, l’éducation de nos enfants ne repose plus sur l’amour, mais plutôt sur la rentabilité « tékki » à tout prix. Les téléfilms et la musique (clips et message) ne sont pas seulement obscènes : ils sont faux parce que généralement déconnectés de la réalité sénégalaise. Un kaléidoscope  de belles maisons, de belles femmes et de pratiques sexuelles osées : c’est la trame de fond des téléfilms les plus regardés.

 

   Quant aux émissions consacrées à l’actualité diverse, le concept d’un chroniqueur polémiste a été vidé de sa substance : on trouve un saltimbanque dont le rôle est tout juste de faire obstruction à tout discours cohérent et argumentatif. Dépourvus de toute qualité intellectuelle, ces vulgaires polémistes font de l’insolence et de la virulence du propos les seules normes de leur « compétence ». Le chroniqueur polémiste, est juste recruté pour écraser des hommes circonspects qui ont opté pour une discussion argumentée ou qui refusent de faire partie du « système ». L’essentiel pour ces pseudos polémistes c’est que le pluralisme ne règne pas dans ce pays et que le sens et le vrai ne soient jamais exprimés par le canal de leur média. Sensationnelle jusque dans le religieux la télé reflète les réalités les plus viles de la société sénégalaise.

 

Alassane K. KITANE

Professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack Seck de Thiès

SG du Mouvement citoyen LABEL-Sénéagl


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